Alors que Lovely Bones est sorti la semaine dernière pour un résultat décevant mais néanmoins intéressant (cf. critique ici), revenons sur le premier film dramatique de Peter Jackson : Créatures Célestes.
Au début des années 90, Peter Jackson est encore inconnu du grand public. Son monumental Seigneur des Anneaux n’est pas pour tout de suite. Jusqu’à présent il s’est particulièrement illustré dans le cinéma d’horreur déjanté avec Bad Taste et Braindead en faisant preuve d’un inventivité étonnante. Mais en 1995, alors qu’Hollywood ne connait pas encore le réalisateur néo-zélandais, il surprend en sortant Créatures Célestes. Un film dramatique adapté d’un fait divers local emprunt d’onirisme qui se révèle un autre aspect de la personnalité de PJ.En effet, Créatures Célestes n’est pas un nouveau film gore à l’humour complètement barré. C’est l’histoire tragique de deux jeunes filles qui se rencontrent, se lient d’une amitié profonde et basculent ensemble dans la folie jusqu’au point de commettre l’irréparable. Une histoire vraie que Peter Jackson raconte avec subtilité, sans diaboliser les jeunes filles ou l’éducation des familles. Il ne fait que rendre compte du point de vue de Juliet et Pauline et nous entraine dans le monde qu’elles se sont créé pour échapper aux pressions extérieures et vivre leur histoire plus intensément. Ce sont justement ces instants oniriques qui donnent au film sa personnalité. Sans ces séquences féériques dans un château de conte peuplé de personnages de pâte à modeler ou l’irruption d’Orson Wells dans leur chambre après avoir vu le Troisième Homme (Orson Wells qu’on retrouvera d’ailleurs à travers le look de Jack Black dans King Kong), le film ne serait qu’un drame de plus, mais cette manière qu’a Peter Jackson de faire intervenir le rêve au milieu de la réalité donne une toute autre dimension à ce film.
De nombreux thèmes forts sont abordés dans ce film intense. De l’amitié indéfectible à l’homosexualité encore vue comme une maladie dans les années 50 en passant par l’adolescence et les conflits parents/enfants ainsi que la folie d’une relation destructrice. Le film navigue dans tout cela avec une grande justesse, sans porter de jugement et c’est là sa plus grande réussite.
Avec ce film, Peter Jackson prouve donc avec une grande sincérité qu’il peut faire autre chose que du gore. Ce film lui permet d’ailleurs d’explorer pour la première fois des territoires qu’il retrouvera et amplifiera à grand échelle dans le Seigneur des Anneaux. Ainsi, la séquence introductive de Gollum dans le Retour du Roi fait grandement penser à Créatures Célestes et ses tics de réalisation se retrouveront régulièrement dans son œuvre. Avec le succès de son film dans de nombreux festivals (Lion d’Argent à Venise), Peter Jackson accède du coup au statut de réalisateur en vue et sera courtisé par Hollywood (grâce à une nomination aux oscars pour son scénario).Mais il y a également deux autres perles qui ont été révélées par Créatures Célestes.
Il s’agit de ses deux actrices principales qui donnent tout dans leurs rôles. C’est simple, Kate Winslet et Melanie Lynskey irradient la pellicule. Ce n’est pas pour rien qu’elles poursuivront ensuite avec de belles carrière et que Kate Winslet sera bien reconnue comme l’actrice la plus douée de sa génération à juste titre nommée à plusieurs reprises aux oscars.Bon, 15 ans plus tard, le film a tout de même pris un petit coup de vieux, mais en se replongeant dans son contexte, on y voit ce qui a fait de Peter Jackson le cinéaste qu’il est aujourd’hui et la révélation d’une grande actrice des années 2000. Juste pour ces quelques raisons, c’est bien un film culte non ?