Quick et son Politic Burger

Publié le 21 février 2010 par H16

Normalement, le dimanche, on a souvent droit à un bon billet culinaire avec des histoires de poulet et de frites. Aujourd’hui, l’actualité me pousse pourtant à aborder des mets moins fins mais, bizarrement, plus croustillants (sur le plan rhétorique, en tout cas). Tout commence à Roubaix, charmante bourgade citoyenne, festive et bien évidemment socialiste (ça aura son importance plus tard) dans laquelle un Quick a décidé de proposer des hamburgers … halals.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, c’est-à-dire dans la viande, à mi-chemin entre la tranche de pain aux grains de sésame du dessus et la tranche de pain de mie toute molle du dessous, on pourra s’étonner de la tempête médiatique qui se sera emparée des politiciens, des journalistes et de pas mal de médias, blogs compris, alors que ce n’est pas la première fois qu’une chaîne de restauration propose des menus destinés à une clientèle bien particulière.

Magie de l’ambiance post-moderne dans cette Fraônce si imbue de ses principes foutraques qu’elle ne sait plus comment organiser dans un tout cohérent, il aura donc fallu que la polémique éclate pour ce Quick-là, pour ces menus-là, et à ce moment-là, c’est-à-dire, en plein débat sur cardentiténationalsiouplait. Comme c’est surprenant, non ?

Bref : la viande halal a donc violemment heurté le ventilo médiatique et, pfruiiiit, découpée en tous petits morceaux, a été aspergée à la ronde.

À cette heure, tout (et son contraire) a déjà été dit à ce sujet. On pourra jeter un œil curieux et appréciateur sur les billets de mes confrères Hérétique, ou Seb de CaRéagit, qui donnent quelques réflexions intéressantes sur le sujet. Il me suffirait de rajouter une petite pyramide alimentaire, comme ci-dessous, pour rappeler qu’il ne faut pas abuser des nourritures du Quick, aussi halal ou kasher soit-il, parce que c’est un peu trop gras, trop salé et trop sucré.

Mais ce serait, tout de même, un peu court : que le Quick fasse du halal ou vende des viandes à base de pétrole, c’est son problème. Tant qu’il trouve des consommateurs pour faire tourner son business, peu me chaut ; jusqu’à preuve du contraire, il n’y a aucun Droit Opposable au Burger Chrétien, à la Cochonnaille de Série ou à la Triperie Kasher. Et le fait qu’à présent, Quick soit en partie détenu par une filiale de la Caisse des Dépôts n’y change finalement pas grand-chose : cette chaîne n’est pas un service public et peut donc, en toute légalité, dire zut à la laïcité.

Je me retrouve donc dans l’étonnante position d’avoir à partager ce point de vue de bon sens avec des moules à gaufre comme Montebourg ou Cohn-Bendit, pourtant peu suspects, d’habitude, de faire autre chose que de la politique politicienne avant d’user de leur bon sens. C’est suffisamment rare pour être noté.

L’aspect polémico-ridicule étant écarté d’un prompt et ferme revers de la main, j’en viens maintenant à me poser les mêmes questions que Chitah, du blog MondoDingo : pourquoi diable cette polémique a-t-elle pris une telle ampleur alors que, finalement, tout ceci ne vaut pas un fromage bouddhiste ?

Pourquoi, par exemple, cette affaire déclenche-t-elle une telle bronca dans les médias alors qu’il n’y a, finalement, rien à en dire ? Pourquoi n’y a-t-il quasiment aucune réaction de ces même médias alors que, peu avant, on apprenait que la filiale de la Caisse des Dépôts a vraisemblablement fort surpayé les actions de la chaîne lors de son rachat à Albert Frère ? La disproportion entre le débat sur l’halalitude des tranches de steak de la chaîne et la gabegie d’argent public ne semble choquer personne…

Et surtout, pourquoi si peu de personne relaient-elles l’information pourtant essentielle de l’appartenance du Quick de Roubaix à un un adjoint municipal … UMP ?

En effet, cette dernière information donne un éclairage tout à fait particulier à l’affaire puisqu’on se rend compte, dès lors, qu’il s’agit essentiellement d’un petit pouillage des familles entre le maire socialiste de la ville et un des adjoints municipaux, opposant politique (UMP) au premier : la nature halal du burger devient alors un prétexte aux cristallisations un peu islamophobe et beaucoup autrecampophobe.

Et de halal, le burger devient croustillant : d’un côté, le maire socialiste, qui a, rappelons-le, déposé plainte pour discrimination (!), soutenu par une partie de la classe politique pétulante à l’idée d’émettre des flatulences de pensées comme elle sait si bien le faire, et de l’autre, le gérant du magasin, lui aussi politicien, mais de l’autre bord, qui se dit que merdalafin, si je veux vendre du halal, pourquoi n’en aurais-je pas le droit ?

C’est surtout en écoutant les babils niaiseux du maire motivant son dépôt de plainte que tout doute sur la nature purement politique du débat est levé : pour lui, la plainte n’est déposée que « de manière conservatoire, pour montrer à la direction de Quick que je ne suis pas prêt à reculer et qu’il nous faut, ensemble, trouver une solution qui permette de sortir par le haut de cette affaire ».

Tout comme dans un bon burger, il y a tous les ingrédients : de la fermeté – et de l’ouverture d’esprit – avec un type pas prêt à reculer, du tous-ensemble pour trouver une solution et dont l’évocation parfume agréablement de senteurs hypocrites le discours du politocard, et bien sûr, la fameuse sortie par le haut, alors que tout, jusqu’à présent évoque surtout les voies basses et le caca mou.

Encore une fois, on ne peut, finalement, que reprocher le traitement médiatique typique de cette absence d’affaire au profit des petites guéguerres politiques locales sans intérêt qui illustre, en réalité, l’état général du débat en France où tout, absolument tout, devient sujet de discorde, et où le champ d’action de l’État et de la chose publique ne connaît plus aucune borne.

Lorsque tout le microcosme politico-médiatique  d’un pays se mobilise pour que la puissance publique fouille, tripote et légifère sur les tranches de viande d’un hamburger qui n’a rien de met national, on ne peut aboutir qu’à une seule conclusion : ce pays est foutu.