Magazine

Sardouïsme et sarkozysme : la problématique du colonialisme

Publié le 21 février 2010 par Desiderio

Je reçois une lettre angoissée de Mariah-Samanthah, jeune umpiste de gauche qui prépare son bac STG pour la quatrième fois.

Mon cher comte, je suis fort ennuyée et contrariée, car notre horrible prof d'ultragauche barbu et chevelu (il me fait songer à Frédéric Lefebvre en plus sale, si c'est possible) nous a encore donné à commenter un poème de Michel Sardou dans le cadre du thème Sardouïsme et sarkozysme. Non seulement je n'y comprends rien, mais en plus il nous demande d'élaborer une problématique pour mettre en valeur les idées implicites et les présupposés de ce texte. Je m'y perds déjà. Problématique ? Implicite ? Présupposés ? Ce n'est plus du français, c'est du petit-nègre et je ne vois pas ce qu'il y a redire sur ce qui est évident.

Moi monsieur j'ai fait la colo,
Dakar, Conakry, Bamako.
Moi monsieur, j'ai eu la belle vie,
Au temps béni des colonies.
Les guerriers m'appelaient Grand Chef

Tout d'abord, il ne faut pas se méprendre sur le sens du mot colonie qui est aussi employé dans un autre poème contemporain. Il s'agit bien entendu d'un lieu de villégiature pour de grands enfants qui peuvent s'épanouïr en plein air et faire profiter à leurs camarades sous-développés moins expérimentés ou aguerris par leur savoir immense et universel. Ils devaient leur transmettre leurs valeurs de dévouement et de discipline, puisqu'il est entendu que les jeunes issus d'un monde sans loi comme celui des cités, de la savane ou de jungle ne pouvaient avoir une idée de civilisation. Dakar, Conakry, Bamako sont d'abord les noms de centres de vacances où l'on peut jouer en toute innocence avec d'autres grands enfants. 

Au temps glorieux de l'A.O.F.
J'avais des ficelles au képi,
Au temps béni des colonies.

Bien entendu, l'A.O.F. est ici le nom de l'association laïque et républicaine qui organisait de joyeuses réunions entre des jeunes issus de milieux défavorisés et d'autres qui devaient leur servir de guides. On reconnaît alors le moniteur (dûment muni de son BAFA) à son uniforme plus soigné et mieux repassé, il domine tout le monde.    

On pense encore à toi, oh Bwana.
Dis-nous ce que t'as pas, on en a.
Y a pas d'café, pas de coton, pas d'essence

Là, il faut songer que les colonisés sont tous dévoués à révérer leur moniteur et à lui faire des cadeaux afin de lui montrer comment ils peuvent l'aider. Ils lui livrent de petits cadeaux pour lui montrer leur estime, puisqu'il les a aidés à sortir de l'absence d'histoire. Car "Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles." Quelle plus belle et noble tâche pour le moniteur de colonie de vacances que de faire accéder le sauvage le sous-homme le grand enfant à un stade supérieur de civilisation ? Et il est alors normal de recevoir de sa part des cadeaux pour ce qu'il a pu apporter comme apport culturel positif.

En France, mais des idées, ça on en a.
Nous on pense,
On pense encore à toi, oh Bwana.
Dis-nous ce que t'as pas, on en a.

Le moniteur de colonie de vacances sait penser, les grands enfants non. Ou alors juste assez pour être reconnaissants lorsqu'ils sont devenus adultes, et en fait ils se disputent encore entre eux comme le faisaient les moniteurs à la nuit tombée : ils doivent donc encore lui demander son aide ou celui-ci vient plus souvent la proposer sans qu'ils la réclament, puisque les êtres qu'il a formés en apparence lui appartiennent. 

Pour moi monsieur, rien n'égalait
Les tirailleurs sénégalais
Qui mouraient tous pour la patrie,
Au temps béni des colonies.

Ils mouraient certes en grand nombre, mais d'abord de froid et de mauvaises conditions de vie, pas seulement devant l'ennemi et pour une patrie qu'on leur refuse aujourd'hui parce qu'ils n'ont pas vocation à l'intégrer. Ils ne l'avaient déjà pas lorsqu'ils étaient considérés comme troupes indigènes et absents de la citoyenneté française. Il ne faut pas considérer les gens selon ce qu'ils font ou ont fait, mais en fonction de leur vocation à. Ici, ils avaient vocation à mourir, puisqu'ils n'étaient pas français et que leurs descendants le deviendront difficilement.  

Autrefois à Colomb-Béchar,
J'avais plein de serviteurs noirs
Et quatre filles dans mon lit,
Au temps béni des colonies.

Il faut alors parler de la grandeur perdue de la France qui savait se montrer digne envers les êtres inférieurs pour apporter les nobles idées de liberté, d'égalité, de fraternité. On peut les trouver dans ce passage. Cette mission civilisatrice a depuis été oubliée, hélas !

Moi monsieur j'ai tué des panthères,
A Tombouctou sur le Niger,
Et des hippos dans l'Oubangui,
Au temps béni des colonies.

Est-ce compatible avec le combat nouveau pour la biodiversité ? Comment ce passage peut-il se fondre avec les nouvelles règles en faveur d'un développement durable et s'agit-il de développement civilisationnel ? 

Entre le gin et le tennis,
Les réceptions et le pastis,
On se s'rait cru au paradis,
Au temps béni des colonies.

Peut-on dire que la chanson de Michel Sardou a été prise au premier degré alors qu'elle dénonçait en fait des clichés et des représentations mentales dans une forme de crescendo ? Est-ce vraiment une chanson d'extrême droite et a-t-on fait un mauvais procès ? Voilà des questions que l'on peut se poser pour une problématique.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Desiderio 111 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte