Peut-être son nom est-il un mot de passe, un code permettant de distinguer le vulgum pecus, superficiel et commercial des véritables cognoscenti, adeptes de l’art comme réflexion, ainsi que le suggère le Directeur du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris dans l’avant-propos du catalogue de l’exposition Sturtevant (jusqu’au 25 avril). Mais peut-être aussi le titre même, The Razzle Dazzle of Thinking, faisant allusion au camouflage de la pensée*, devrait-il nous inciter à la méfiance, ou en tout cas à la prudence.
Serait-ce une exposition de Marcel Duchamp, peut-on d’abord se demander, ou un déménagement des collections du musée au dernier étage ? Au delà des querelles de vocabulaire (appropriationnisme ou pas ?), Sturtevant reproduit, réplique, copie, s’approprie des oeuvres de grands artistes du XXème siècle, Warhol, Beuys et Duchamp en particulier. Cela peut ouvrir la voie à des débats intellectuels interminables sur la validité de cet art conceptuel. Et il y a souvent un détail qui perturbe le bel agencement; ainsi, dans cette reconstitution d’une exposition Duchamp de 1938, peut-être y a-t-il des oeuvres surnuméraires.
Et pendant que le nu descend l’escalier, la manivelle permet de voir, au fond de la ciné box, d’autres oeuvres de Duchamp. Le visiteur, un peu perplexe, s’en veut de n’éprouver qu’un intérêt fugitif pour cette habile construction conceptuelle, et de ne se sentir touché que par le chien qui court en vidéo sur vingt mètres tout au long de la galerie, avant d’accéder à la deuxième moitié de l’exposition.
Dans cette ‘House of Horrors’, un train fantôme vous emmène avec un compagnon d’aventure dans une série de salles où Frankenstein, Divine, un squelette cliquetant jaillissent soudain des ténèbres et vous font frissonner. C’est drôle et divertissant; cela stimule-t-il la pensée critique, la rend-il visible ? Je reste perplexe, même avec ce joli autocollant remis aux passagers.
* plutôt qu’à la ‘pensée tape-à-l’oeil’ me semble-t-il.