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Les Ernest

Publié le 20 février 2010 par Scienceblog
À

Paris, c’est toujours mieux qu’ailleurs. Alors qu’en province, les universités filment des conférences longues de plusieurs heures, questions comprises, à Paris, on filme sur un format court (16 minutes) des conférenciers sur pied. En gros, il s’agit de reprendre une conférence déjà bien rodée par ailleurs, et éventuellement de lui ajouter un vernis vulgarisateur. La modification de la phosphorylation des Huntingtines pour améliorer le transport vésiculaire en 15 minutes, moi je comprends, pour avoir fait des études à peu près ce que ça veut dire, mais ce putain de grand public dont personne ne sait exactement à quoi il ressemble, qu’y comprend il ?
Les Ernest de la rue d’Ulm nous présentent leur dispositif et leur site comme  » Des conférences transdisciplinaires, Des intervenants pétillants, Un nouveau type de médiation de la connaissance ». Publicité mensongère !!!

  • « Des conférences transdisciplinaires » : elles le sont rarement justement, faisant appel à plusieurs disciplines scientifiques une fois sur douze. Ce n’est pas en mélangeant plusieurs conférences dans le même lieu en un même temps que ça deviendrait transdisciplinaire par enchantement !!
  • « Des intervenants pétillants » : pas plus que dans n’importe quelle autre conférence, la seule différence réside dans la rapidité à laquelle les conférenciers s’acquittent de leur tâche.
  • « Un nouveau type de médiation de la connaissance » : ravi de l’apprendre !! Depuis quand la conférence est-elle un nouveau type de médiation de la connaissance ? Tout au plus pourrait-on dire que le fait de le filmer, avec plus ou moins de rythme et de connaissance de la réalisation plateau, ajoute au dispositif.

A la vue de ces conférences « innovantes », deux petites pensées me viennent à la tête :

  • La vulgarisation scientifique, dans son passif et son passé, et surtout dans le cadre strict des canaux d’expression qu’elle a toujours eu (conférences, mise en scène d’experts, etc.) supporte encore moins que tout autre la culture zap. Ce n’est pas le zapping qu’il faut conspuer, c’est l’histoire de notre vulgarisation qu’il faut revoir de fond en comble et réfléchir plus sur l’accord fond/forme, dispositif/présentation que sur l’emballage seul.
  • Les chercheurs sont dans ce cadre désolants, voire clownesque. Inintéressants. Quelques-uns dont le sujet est abordable et le charisme évident, font passer agréablement le quart d’heure, mais pour tous les autres ? Donnez moi un seul exemple de quelqu’un dans ces films qui ait un discours sur un sujet complexe, et intéressant. Il faut former les chercheurs aux métiers de la médiation. Si leurs collègues, aussi nuls qu’eux, sont compatissants, et rigolent sous cape, vannent gentiment à la fin de la présentation, le public « extérieur », lui, est affolé, et n’arrive pas à faire la différence entre Patrick Pla et Alexandre Astier (et sa fameuse conférence). Donc, les chercheurs, à l’école … de la communication.

Et qu’on ne vienne pas me dire que les têtes d’affiche sont meilleures que les autres (c’est vrai bien sûr) !! Hervé This est certes une bête de scène – mais il s’est beaucoup entraîné : le scientifique ne peux être que d’accord avec lui : « Alors à quoi ça sert ? Je ne veux pas le savoir ! La science n’est pas faite pour servir à autre chose qu’à produire de la connaissance. » et je suis d’accord, c’est bien lui le meilleur, mais il faudrait faire une analyse pour lui tout seul. Dominique Lestel est certes intéressant, même si ses citations sont distordues et méritent d’être corrigées ( »A quoi rêvent les moutons électriques de Philip K. Dick » !!! Il s’agit en fait de « Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? » et le titre lui même laisse à penser que son interprétation du livre n’est pas exactement celle qu’a voulu engager K. Dick, encore un effet 2001 l’Odyssée de l’espace, on cite à tout va, on relie spécieusement à la culture vernaculaire les pensées scientifiques, sans aucun respect pour cette dite culture), the show must go on, on se croirait à la foire. Et quel beau chapeau pour faire celui qui !

Franchement, ils s’entendent parler, ils obéissent aux règles qu’on leur a montré dans leur jeunesse, ils n’imaginent pas produire quelque chose de nouveau, de porno, de sensuel ou de romancé. Il ne peuvent sortir de la pauvre forme que leurs maîtres leur ont légués en partant.


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