Retour à Prague cette fois-ci, avec aujourd'hui un bâtiment qui n'est ni un château, ni une église, ni une abbaye. J'entends déjà les youpi-hourras de certains. Aujourd'hui, il s'agit d'un édifice totalement fermé au public, parce que dans un état de détérioration effroyable, mais surtout parce qu'il est sous administration militaire, et donc n'entre pas qui veut dans un tel édifice (mais moi si, et j'peux même y faire de photos, et paf). Aujourd'hui donc, l'hôtel des invalides de "Karlín", Prague 8, appelé ici "Invalidovna", et dont bon nombre de Praguois ignorent jusqu'à l'existence, alors les touristes, je n'vous dis même pas. Et pourtant... Il fut construit sur le modèle parisien de l' hôtel des uns valides (et des autres éclopés), et réalisé par l'un des plus grands génies baroques praguois moult fois mentionné en mes publies: "Kilián Ignác Dientzenhofer".
Alors z'allez vous demander mais comment c'est qu'on a fait (avec ma chérie d'amour) pour y aller dans cet hôtel des invalides alors qu'il est interdit à la plèbe? Ben justement, en ce samedi du 12 septembre 2009, l'édifice était exceptionnellement visitable dans le cadre des journées européennes du patrimoine.
Et en cette journée du 12 septembre 2009 uniquement, ni plus, ni moins, par groupe de 50 personnes dument encadrées par les fonctionnaires des archives militaires afin qu'elles n'aillent pas s'échapper (les personnes, pas les archives) dans les couloirs sombres et piller les secrets archi-confidentiels qui s'y trouvent. Aussi j'vous dis pas la queue de curieux qu'on avait devant la porte d'entrée dans le bâtiment. Ca sentait l'attente interminable et la pisse frelatée. Eh ouais, parce qu'au-delà de l'attente, y avait quelques 90% de retraités (c'est dingue qu'ils soient toujours là où qu'ils encombrent le plus, non?), et parmi eux, une légion d'incontinents. Enfin c'est ce que l'on croyait au début, compte tenu de l'insupportable odeur âcre qui piquait les yeux, qu'il fallait bien une bonne légion d'énurétiques pour enfumer tout le parc extérieur devant l'entrée de l'hôtel des invalides de ce remugle ammoniacal. La suite nous prouva que non, qu'un seul et unique individu particulièrement négligé et manifestement sujet à de fréquentes mictions pouvait largement satisfaire la demande à lui seul. Mais ça, l'on ne le découvrit que par la suite, fortuitement, j'vous dis pas la douleur. Au bout d'un moment, je m'échappai de la queue au prétexte de faire quelques photos de l'extérieur du bâtiment, laissant ma chérie d'amour suffoquer la bouche ouverte afin de reposer sa membrane olfactive d'au fond du nez. Lorsque je revins, elle était en pleine conversation d'avec le quidam sexagénaire de devant. La causette fournie traitait de voyage, ce qui somme toute ne m'étonna point connaissant la bougeotte touristique dont ma tendresse est atteinte. Ce qui par contre me stupéfia nettement plus (et le mot est faible), c'est l'empressement avec lequel le susdit quidam sortit de son sac une photocopie défraîchie qu'il me tendit vigoureusement sans la moindre révérence.
"Bonjour" lui dis-je. "Et ça soigne tout" me rétorqua-t-il. "C'est fait à base de... entièrement naturel, et c'est pas testé sur des zanimaux. Ca peut servir à... nettoyer le... rincer les... Tout! Ca fait tout, ça sert à tout! Tenez, l'autre jour, je faisais du trekking avec des amis dans le désert en Argentine. Le soir mon pote enlève ses pompes, vous le ne croiriez pas, des pieds qu'on aurait dit des plaies ouvertes. Eh ben paf, schpritz schpritz, et le lendemain le bougre courrait dans la pampa comme un lama en rut. Mais attendez, c'est pas tout..." Du coup je me suis dit que j'allais aller faire des photos, encore. D'un autre côté je ne pouvais pas laisser ma chérie dans cet embarra avec l'aut' foutu couillon vendeur pyramidal de produits débiles. "Et l'odeur de pisse qui pue" lui demandai-je, "est-ce que ça parfume l'odeur de pisse qui pue par exemple aussi, genre comme maintenant?" Apparemment pas, car le gars repartit sur son argumentaire "ma fille par exemple a un chien, 2 chats, et des petits enfants en bas-âge..." Heureusement la porte des invalides s'ouvrit, et nous pûmes rentrer dans le bâtiment. Commença alors la visite, extrêmement bien organisée je dois dire, avec des commentaires fort intéressants, et des locuteurs non moins (téressants), généralement employés aux archives et fort au fait de ce qu'ils énonçaient. Et c'est au bout de quelques minutes seulement après le début de la visite, en visitant une petite sale obscure dans laquelle se trouvait sans doute un chauffe-eau ou chais plus quoi en vieille taule toute rouillée, que nous découvrîmes l'origine des abominables miasmes uriques.
Un p'tit vieux au ventre boursouflé comme une charogne en décomposition... Tiens, parenthèse, vous connaissez " la charogne" du fabuleux Charles Baudelaire? "Et le ciel regardait la carcasse superbe comme une fleur s'épanouir; la puanteur était si forte que sur l'herbe vous crûtes vous évanouir...", ben c'était exactement ça. Et donc le p'tit vieux au ventre boursouflé entra dans la petite pièce, laquelle se satura soudainement de la susprécédemmentionnée puanteur à même de faire vomir de dégout une mouche à merde en plein repas. Une horreur Thérèse. J'te dis pas comme on a fui de la pièce, à la vitesse d'un pet gras sur une toile cirée. Et pour le restant de la visite, on prêtait plus attention aux déplacements du fétide afin de ne pas croiser son chemin, qu'aux artefacts dans l'hôtel des invalides (du reste il n'y avait pas grand chose non plus). C'est dingue quand même qu'on puisse se négliger à ce point comme une petite fille. J'veux dire qu'il soit incontinent c'est une chose, c'est pas ce que je lui reproche, mais il existe des trucs contre, et surtout, il faut changer ses braies de temps en temps. Ce pauvre bougre de foutu dégueulasse devait se pisser dans le même bénard depuis un mois, sans jamais en changer. A se demander s'il le descendait seulement lorsqu'il lisbroquait en toute conscience. Enfin quoi, une telle odeur de vieille pisse n'était pas du matin, totalement impossible, c'était du 20 ans d'âge, bien macéré. Z'auriez dû voir les grimaces des autres visiteurs lorsque le bouquet caressait leurs narines, mort de rire :-)
Sinon j'ai bien essayé de vous faire une photo de la pestilence, histoire que vous puissiez en profiter aussi, mais ça rendait mal, genre le relent était flou. Pis j'avais surtout peur d'enfumer tout mon blog, alors il ne vous reste plus qu'à vous l'imaginer, l'arôme, juste avant de passer à table :-)
Bien, commençons par le tout début. Il était une fois "Pierre Strozzi de Schrattenthal" ("Peter Strozzi, Graf zu Schrattenthal, kaiserlicher Kämmerer und General-Feldmarschalllieutenant", 1626 - 1664), vaillant guerrier des armées impériales (autrichiennes), seigneur des bleds de "Hořice" et de "Třebovětice" (au Nord-Ouest de "Hradec Králové"), domaines hérités de son papa Giacomo, qui les a lui même reçus de cette vile gouape d'empereur Ferdinand II après que ce dernier ait confisqué tous les biens de feu Albrecht de Wallenstein assassiné pour avoir voulu être calife à la place du calife. Après une blessure sérieuse survenue en 1658 (parfois 1657, mais c'est pas important), Pierre se dit qu'il serait bon de penser à sa succession, et parce qu'il n'en n'avait justement pas, de succession à ce moment là, il rédigea son testament au profit de son pote le cardinal "Arnošt Vojtěch z Harrachu". Ca disait en substance "si j'ai des gosses, ils héritent de tout, si je n'en ai pas, je te fais gestionnaire de ma fortune avec but de la faire fructifier et fonder un auspice pour invalides" (il avait lu le prix Nobel? C'est 'achement inspiré de).
D'aucuns mettent cet acte hautement altruiste sur le compte de sa blessure sérieuse (du plomb turc dans le fessier droit), genre le gars se serait dit que quand même, les pauv' boug' qui mettent leur vie au service de l'empereur, et qui, en cas de blessure grave (ou d'âge de la retraite), sont récompensés par la mendicité et la misère, que quand même, faudrait bien faire quelque chose pour eux. D'autres pensent qu'il ne s'agissait que d'un coup de pub, genre faire parler de soi dans les livres d'histoire et laisser son nom dans les annales de la postérité. Quelle qu'ait été son intention, pas de bol, en 1664, alors que la bataille de "Čakovec" (Croatie, à la frontière hongroise) contre les Turcs était gagnée, notre boug' prit une balle perdue et mourut (cette fois ce n'était pas dans le fessier. L'aurait mieux fait de faire la mour plutôt que la guerre, parce qu'il aurait sans doute eu plus de gosses). Ainsi Pierre décéda à l'âge de 38 ans, sans descendance, comme sa veuve d'ailleurs (sans descendance), laquelle mit également au pot des éclopés ses domaines de "Mlázovice" et de "Dobrá Voda u Hořic".
A Paris en 1670, Louis XIV ordonne la construction des invalides (entre 1671 et 1674), ouvrant ainsi la voie à de nombreux projets similaires en Europe.
Et l'idée fit son chemin jusqu'auprès de l'empire autrichien, qui se mit en tête d'utiliser le fond Strozzi qui par ailleurs fut fondé dans ce but. L'idée originelle situait le "Kriegsversehrtekrankenhaus" :-) sur le domaine de Pierre Strozzi, en le bled de "Hořice". Cependant pour d'évidentes raisons d'infrastructure (aéroport international entre-autre), il fut décidé que le ranginvalides serait à Prague. "Dis-donc le moine" demanda Charles VI (papa de l'impératrice Marie-Thé) au Franz ("František Ferdinand Khünburg", archevêque de Prague), "c'est combien qu'il y a de flouze sur le fond Strozzi?" Et le 27 mai 1728, Charles signa l'ordonnance de mise en chantier du bastringue. Tout d'abord, il fallait trouver un terrain, un terrain grand de préférence, parce que l'on prévoyait large en ce temps-là. Or compte tenu du montant disponible pour l'achat (35.000 pièces d'or), les vendeurs se bousculaient à renfort de coup de pied afin de vendre royalement leurs terres. Et les sottes propositions ne manquaient pas, l'île de "Kampa", le stade de , la place Venceslas... Finalement les croisés à l'étoile rouge ("řád křížovníků s červenou hvězdou", Ordo militaris Crucigerorum cum rubea stella) refourguèrent 70 hectares (700.000 m² ou 1 km x 700 m) de terrain derrière la porte de "Na Poříčí" (entrée Nord-est de la ville, cf. la rue "Za Poříčskou branou"), sur le terrain dit "le champ hospitalier" ("na Špitálském poli").
Bien évidemment, et comme dans la totalité des transactions financières conséquentes qui se déroulent en notre pays, qu'elles soient publiques ou privées les transactions, l'on est en droit (dans le devoir même) de se poser la question des dessous de table, des conflits d'intérêt, et dans notre exemple précis, du lobbying catholique. Eh oui, parce que mine de rien, la fondation Strozzi acheta plutôt chèrement cet énorme terrain... en zone inondable (z'allez voir par la suite, délire complet).
Au tout début du début de la construction, l'on mit sur le coup l'architecte autrichien "Joseph Emanuel Fischer von Erlach" (1693 - 1742). Alors gaffe, parce que selon les sources, on vous mentionnera "Joseph Emanuel Fischer von Erlach" (1693 - 1742) comme architecte originel, ce qui est juste. Mais on vous mentionnera également "Johann Bernhard Fischer von Erlach" (1656 - 1723), père du précédent fils, ce qui est faux et pour cause, en 1728 il était décédé depuis 5 ans. Oui "Johann Bernhard" était un architecte autrement plus illustre que son fils, on lui doit à Prague les palais "Clam - Gallasovský", "Šternberský" ou encore "Thunovský", mais c'est bien son fils "Joseph Emanuel" qui architectura (au début, un bout, pas tout) l'hôtel des invalides, comme le fameux sarcophage en argent massif de St Jean Népomucène en notre cathédrale St Guy.
Bon, mais c'est pas spécialement important, parce que rapidement, très rapidement, "Kilián Ignác Dientzenhofer" prit la relève. Pourquoi? Excellente question à laquelle je n'ai pas de réponse. Quoi qu'il en soit, notre génie eut terminé les plans en 1730, et c'est peu dire que le bâtiment, que dis-je, le complexe était ambitieux, puisque ce fut sa plus grosse commande civile de sa vie (hors monuments religieux). Imaginez, une ville dans la ville qu'il planifia: un complexe de 9 carrés (genre surface d'un Rubics cube), chacun de 100 m de côté, soit 300 m par 300 m en tout, capable d'accueillir 4000 invalides avec leurs familles, leurs chaises roulantes et leurs béquilles, plus tout le personnel nécessaire au fonctionnement de cette fourmilière. Au centre du carré "Kilián Ignác" avait prévu une église en forme de croix. Chacun des carrés habitables (de 100 m de côté) devait être composé de cellules carrées individuelles (de 12 m de côté) pouvant accueillir une brigade d'environ 32 éclopés repartis sur des lits simples comme superposés (les incontinents en bas). Les sous-officiers avaient leurs quartiers au premier étage duquel ils pouvaient voir les bidasses au rez-de-chaussée (genre balcon de théâtre). Quant aux officiers, mais également aux bidasses avec famille, ils disposaient de chambres individuelles afin de leur assurer un minimum d'intimité (et de calme à la trentaine de pauv' boug' de la cellule, parce que c'est chiant un gosse, une femme voire un officier).
Inutile de préciser que le règlement militaire faisait partie des plans, comme une administration locale et indépendante, sociale comme économique, assurée par toute l'infrastructure nécessaire. Selon les plans, se trouvaient dans l'enceinte les cuisines, une école, un hôpital incluant psychiatrie comme maternité, une pharmacie, plusieurs magasins, une chiourme, des ateliers (menuiserie, ferronnerie, plomberie, maçonnerie...), des réfectoires, des salles des fêtes, un casino et un mess pour les officiers, une bibliothèque (pour ceux qui savaient lire), des jardins pour les bidasses et des jardins pour les officiers (dans l'armée on ne se mélange pas). Y officiaient des cuisiniers, des pompiers, des policiers, des plombiers, des instituteurs, un ramoneur, une sage-femme... Sur le terrain à proximité du complexe devaient se trouver d'autres indispensables, indésirables in situ pour d'évidentes raisons d'inconfort ou d'espace: une brasserie, une distillerie, un abattoir, une buanderie, un moulin, un cimetière avec sa chapelle (et un lupanar?). Imaginez pour les 4000 et quelques bienheureux, le nombre de lavabos, de canalisations, de chaudières, de chiottes, de papier-cul...
On se mit au boulot de la construction en été 1731. Au début tout allait tellement bien, que l'empereur en personne (Charles VI) vint poser la première pierre le 15 août 1732. En fait il devait viendre nettement plus tôt, parce depuis 1 an, on en avait déjà posé pas mal de pierres, mais compte tenu de son emploi du temps chargé, bref, tout le cérémonial fut un peu décalé, et l'on fit donc comme si (la pose), bien après le début des travaux, pour les journaleux.
Fanfares cotillons et feux d'artifice. Pis arriva l'année 1737. L'enthousiasme originel s'assombrit gravement lorsque Charles VI posa la désagréable question "dis-donc l'architecte, t'en es où des travaux? Et le moine, t'en es où du pognon?" Aussi l'un mit un oeil sur son plan, l'autre sur... dans sa bourse, et les conclusions furent plutôt effrayantes: 1 neuvième seulement du projet réalisé, le fond Strozzi pratiquement épuisé, 40 années et 1 million de pièces d'or supplémentaires envisagées afin de terminer les travaux. L'on prétend qu'en entendant cela, Charles VI en serait tombé de son trône. Quoi qu'il en soit... ou plutôt quoi qu'il en fut, le 17 mai 1737 l'on mit un terme à la continuation des invalides, et ce que vous voyez aujourd'hui en termes de gros-oeuvre est ce qui fut construit jusqu'en cette époque, à savoir 1 neuvième. Sur les 8 cubes prévus plus l'église centrale, seul le cube Nord-est fut réalisé. "Bon, alors on arrête les conneries maintenant" décida Charles une fois remonté sur son tabouret impérial. "Ok, c'est pas complètement terminé, mais on va faire avec ce qu'on a, hein? Alors vous me finissez le bout construit, et vous me le rendez habitable et fonctionnel. C'est pas aussi grand que prévu, c'est même un petit peu plus petit qu'à Paris, mais après tout, si ça fait ce pour quoi qu'on l'a construit, alors un sissoit'il et inch'Allah." (il s'était un peu mis au Turc, Charles VI, à force que les Ottomans lui empiètent régulièrement sur son domaine :-) L'on mit donc le crépi, la peinture, les arbres et les fleurs dans le jardin central.
L'on improvisa quelques indispensables, une infirmerie, quelques magasins, les ateliers nécessaires à l'entretien d'un neuvième du tout, et même une chapelle de la Ste Croix en lieu et place d'un réfectoire, parce que la nourriture spirituelle était nettement plus importante que la nourriture tout court. Du bois initialement prévu pour les tables et les chaises, l'on fit une chaire et une armoire à orgue. Des tuyaux prévus pour les sanitaires, l'on fit l'orgue pouêt-pouêt pour mettre dans l'armoire. Avec des nouilles et des allumettes, les nenfants bricolèrent un crucifix véritable avec son Jésus en papier mâché agrafé d'ssus. Quant aux bidasses, ils ficelèrent un autel avec des vieux fusils et des munitions (ah pour sûr, on n'était pas dépaysé de la bidasserie dans l'établissement). Et hop, l'on put ainsi incorporer les premiers 200 pensionnaires dans l'hôtel des invalides de Prague. L'initiateur du chantier, Charles VI, mourut en 1740, ce qui mit un terme final à toute potentielle reprise du projet.
Commença alors l'histoire des "invalides praguois" sous la direction de l'archevêque de Prague et sous le règlement militaire de l'armée. Sans dec, manquait plus que Tatav à la guitare pour faire de ce lieu un paradis sur terre. Ceci-dit l'archevêque en eut vite ras-le-bol, de la direction, et parce qu'il ne pouvait pas être au four et aux invalides, dès 1750 (sous Marie-Thé) l'hôtel passa sous la gérance de la "commission nationale de l'hôtel des invalides" ("státní komise invalidní").
En 1814, l'on créa le "fond général pour les invalides" en remplacement du fond Strozzi épuisé, et la direction du bastringue passa sous ses ordres (du fond). En 1824, l'on changea la charpente, et les toits furent significativement (et négativement selon certains) rabaissés. Aujourd'hui vous les voyez encore comme cela, rabaissés. On en profita également pour mettre une horloge sur le fronton d'entrée (celle qui s'y trouve aujourd'hui, sur mes photos, n'est pas celle dont je vous parle) de manufacture "Josef Božek", et ça mérite d'être signalé. Ce génial bougre d'inventeur polytechnique là fabriquait de tout et de rien qui avait trait à la mécanique: des pompes hydrauliques, des véhicules et des bateaux à vapeur, des prothèses, des horloges, un vrai professeur Tournesol... Mais en 1817, alors qu'il présentait ses engins mus par la force de l'eau chaude, un fumier lui vola la recette de son exhibition. Endetté, affligé, il détruisit ses machines, et ne retourna plus jamais à la vapeur sinon dans sa cuisine. Parmi ses chefs-d'oeuvre, signalons une horloge archi-précise construite en 1812 pour les besoins de l'observatoire du Clementinum, et qui fut utilisée jusqu'en 1984. Mais retour aux zéclopés. En 1854, l'on fit un recensement de la population des invalides: il y avait là 1404 personnes de diverses nationalités de l'empire autrichien. L'on comptait 17 officiers, 1115 bidasses, 138 femmes et 134 enfants. En 1857, les arcades Est et Sud furent (toujours négativement selon certains) murées. Aujourd'hui vous les voyez encore comme cela, murées.
En 1863, la cour fur recarrelée, et surtout l'on planta devant l'entrée du bâtiment les marronniers qui, en été, empêchent de l'apercevoir (le bâtiment) depuis la route principale qui passe à 30 m. Vers 1890, la fondation Strozzi fut refondée afin d'entretenir l'hôtel en état, mais également récupérer du pognon, source de bien-être. Et pour en faire rentrer du pognon, l'on aménagea en 1895 un atelier de fabrication de brosses (fin XIX ème siècle, la brosse était un produit moderne hyper en vogue auprès des jeunes. Ca rapportait aux fabricants tout autant de pognon que le téléphone portable aujourd'hui, surtout sur les forfaits "brosse pour tous", "brosse haut débit", et "brosse illimitée"). Avec ce pognon, la fondation acquit (sans doute post-mortem) de 2 statues du sculpteur "Tomáš Seidan" (suggéra le buste de "Dobrovský" dans le parc de "Kampa" près de chez-moi, sculpta le relief de "Babičky" sur la tombe de "Boženy Němcové" à "Vyšehrad" ou le buste du roi "Jiřího z Poděbrad" dans la salle du même nom, en la maire de la vieille ville). La première statue représente le général "(Vincent) Frederick (Friedrich) Bianchi" (duc de Casalanza). Pas la moindre idée pourquoi celui-là justement? La seconde statue représente le général "Matyáš z Gallasu". Et là, encore moins la moindre idée pourquoi celui-là justement, puisqu'il trahit son bon seigneur au point d'être l'instigateur de son assassinat, de la mort de cette immonde fripouille d' Eusebius.
En 1898, l'on érigea dans le parc une autre statue: le buste du mécène Pierre Strozzi, sculpté par "Mořic Černil" (sculpteur plutôt secondaire et provincial des environs de "Hořice", domaine du Pierre, dont l'oeuvre la plus connue est le mémorial de la bataille de Kolín). Le faciès de Pierre fut sculpté sur la base d'une photo de 1663 dans du marbre blanc du Tyrol (attends, tu rigoles, c'est nettement plus beau que le marbre de Tchéco), et son buste se trouve encore aujourd'hui devant l'entrée de l'hôtel (cf. mes photos). Une autre oeuvre en pierre fut installée en 1901 dans le jardin intérieur de notre bâtiment, mais plutôt par le fait d'un hasardeux concours de circonstance que par une volonté délibérée. En cette période de grand assainissement de notre capitale, un arrêté municipal ordonnait le démantèlement de la plupart des fontaines publiques de la ville (le soir les poivrots pissaient dedans, le matin les femmes y lavaient leur linge). Or ces constructions s'apparentaient souvent à de véritables oeuvres d'art, dont on ne pouvait raisonnablement pas envisager la destruction. Aussi la massive fontaine de style empire qui se trouvait aux angles des rues "Jungmannova" et "Vodičkova" fut déménagée dans l'hôtel des invalides, et s'y trouve toujours. Cette même année (1901), la fondation vendit à la ville 15 hectares de terrain, auparavant prévus pour le bâtiment rangéclopés, mais comme une extension n'était clairement plus au programme...
Pis arriva la grande guerre, et fort curieusement, lorsqu'elle prit fin, il y eut soudainement moins d'invalides qu'auparavant. Plus de mort? Moins d'empire autrichien? Aussi en 1919, l'on démangea dans cet énorme espace vacant certaines collections du musée militaire. En 1920, l'on restaura l'hôtel des invalides en "moderne". L'on fit péter certaines cloisons et l'on perça des fenêtres. L'on agrandit le dispensaire, comme les cuisines. L'on transforma certaines pièces en bureaux, et d'autres non. Et surtout, l'on électrifia le bâtiment et l'on tira des câbles pour le téléphone et l'internet haut débit. 3 ans plus tard l'on répara et peignit la façade dans des tons ocre-brique à l'instar de ce que vous pouvez voir aujourd'hui. Et parce que les artefacts du musée militaire déposés là après la grande guerre se portaient bien, on en rajouta d'autres en 1925 afin d'utiliser tout cet espace vide. En 1933 tomba une décision pour le moins surprenante: la mise en chantier d'un autre hôtel des invalides en le bled de "Hořice" (emplacement entrevu originellement pour notre bâtiment), domaine ayant appartenu à Pierre Strozzi. Ben décision surprenante forcément, parce que l'hôtel de Prague était de plus en plus vide par manque d'éclopé (baisse de la vocation?), et l'on mit en chantier un autre hôtel comme s'il y avait soudainement un regain dans la demande. Tiens, c'est comme pour les places de parking. Genre regardez dans les grandes surfaces, les parcs d'activité commerciale, et les rues des grandes villes. Comptez le nombre de places de parking réservées aux invalides, et outre qu'elles se trouvent toujours aux meilleurs emplacements, les places d'estropié, vous constaterez qu'il y aurait potentiellement 1 personne sur 4 infirme dans la population, susceptible de se garer sur ces places privilégiées.
C'est dingue, ça va à l'encontre du bon sens enfin quoi? Tiens, devant le magasin tralala de machin-truc, pour ne pas le citer, il y a 20 places bleues (5 places sur 4 rangées) avec des bonhommes blancs à roulettes peints dessus. Premièrement ces places sont 2 fois plus larges que les places normales, alors qu'un fauteuil roulant est 2/3 moins large qu'une voiture. Deuxièmement elles sont juste devant l'entrée du magasin, alors que l'invalide est assis sur un fauteuil roulant, généralement poussé gratuitement par quelqu'un de son entourage, tandis que le valide doit marcher tout seul de ses propres pieds depuis le fin fond du parking. Troisièmement l'invalide n'achète pas beaucoup, et surtout pas lourd car il ne saurait pas comment tout transporter, alors que le valide doit retourner au fin fond du parking, au mieux en poussant un caddy défectueux à roulettes qui grincent, au pire les bras chargés d'un lourd fourbi. Et finalement la probabilité que 20 handicapés décident au même moment de se garer devant le même magasin (sauf si c'est journée "révision gratuite des 5 km pour fauteuils roulants") est aussi élevée que de trouver un épilateur dans le sac à main d'un orang-outan. Mieux, en plus des handicapés, les Allemands délimitent des places privilégiées pour les femmes seules, aux abords des stations services, dans les parkings publics, etc... A quand des places assises pour les vieux dans les trams? Sans dec, ça va vraiment devenir compliqué d'être un mec normal, jeune, valide, séduisant, prospère et désiré. Bref, retour à l'hôtel des invalides (ce que je peux être con des fois, trouvez pas? :-) En 1935, les impotents furent tous déménagés dans leurs nouveaux locaux de "Hořice", où ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants jusqu'en 1965.
La chapelle des invalides de Prague passa sous la juridiction de la communauté pour l'entretien et la décoration de l'église St Cyril et Méthode de "Karlín" (véridique, ça a existé), et avant même que l'on ne trouve une nouvelle fonction aux autres bâtiments vides arrivèrent les évènements de Munich de 1938, suivis de la seconde guerre mondiale. En 1941 naquit un projet totalement farfelu de reconstruction de l'hôtel des invalides ainsi que des terrains avoisinants pour les besoins du musée militaire. Farfelu le projet, parce que fout' du pognon dans une reconstruction en temps de guerre, sans savoir si les uns ne vont pas bombarder par erreur, les autres y foutre le feu par vengeance, genre investir dans un tel climat d'incertitude, c'est comme planquer ses Hedge Funds chez Bernard Madoff. Le projet ne vit pas le jour, ben tiens, par contre en juin de cette même année, le musée technique vint temporairement s'implanter dans les locaux vides, suivi du ministère des finances. En 1942, notre édifice fut occupé par la fondation allemande pour la colonisation germanique des terres de Bohême, office chargé de la redistribution aux militaires émérites de la race supérieure des terres colonisées et vierges de toute population dégénérée. Les bons offices de la fondation n'eurent pas le temps d'être réellement mis à profit pour raison de guerre perdue.
Le 5 mai 1945 lors de l' insurrection de Prague, quelques bidasses de la Wehrmacht se retranchèrent dans l'hôtel des invalides. Ils finirent cependant par capituler 3 jours plus tard, apeurés par l'avancée de l'armée rouge, après avoir négocié leur départ vers l'Ouest préférant être faits prisonniers par les alliés que par les Ruskofs. L'hôtel des invalides passa alors sous l'administration du ministère de la défense, et les collections du NTM intégrèrent leur emplacement actuel, ce fameux bâtiment fonctionnaliste tellement hideux qu'il en est sympathique sur la colline de "Letná". Une partie cependant du musée technique resta aux invalides, et pas la moindre: les archives de l'architecture et de la construction, un fond absolument fabuleux et mondialement précieux d'un demi-million de plans, d'esquisses, de dessins et de plusieurs milliers de maquettes en papier, bois, carton, plâtre et crottes de nez. Z'imaginez, le jus de cervelle de purs génies comme "Josef Zítek", "Josef Schulz", "Josef Fanta", "Alois Dryák", "Josef Gočár", "Jože Plečnik", "Otakar Novotný" et j'en oublie, conservé là en bouteilles (le jus de cervelle).
Des "immortels" sans lesquels Prague, la République nostre, l'Europe, le MONDE ENTIER ne seraient pas ce qu'ils sont aujourd'hui. Eh oui... enfin non.
Pis arriva la catastrophe, la vraie, celle que personne n'avait envisagée même dans ses pires cauchemars, et surtout pas les météorologues ni encore moins les techniciens en rétention d'eau dans les barrages du pays. Le 13 août 2002, alors qu'on annonçait seulement l'inondation du siècle dans Prague, les employés de l'hôtel des invalides déménagèrent en toute hâte les documents militaires comme les plans et les maquettes les plus précieux à l'étage (par exemple les notes prises lors du procès des protagonistes de l'attentat manqué contre Hitler en 1944), puis surélevèrent le reste sur tout ce qui pouvait servir de support: tables, chaises, armoires, etc... Malheureusement en 48h, les 1 m d'inondation prévus furent engloutis de plus de 2 m, et tout ce qui se trouvait au rez-de-chaussée du bâtiment se retrouva sous plus de 3 m de flotte boueuse (je vous ai trouvé des photos. Les boules). L'inondation du centenaire se transforma soudainement en inondation du demi-millénaire, mais ça, personne ne l'avait prévu, ou plutôt autrement, personne ne l'avait prévu suffisamment à l'avance, encore moins en intensité.
Une fois que la vague super catastrophique se mit en marche vers Prague, il était trop tard. Lorsque les eaux se retirèrent, les documents détrempés furent transportés de toute urgence à "Kladno" (25 km à l'Ouest de Prague) afin d'être congelés dans l'usine de fabrication de légumes surgelés "Mochov" ("Mochovské mrazírny", entreprise fermée en 2009 pour [à nouveau] totale incompétence municipale et concussion administrative, longue histoire que je vous conterai une autre fois). Au rez-de-chaussée des invalides (3200 m²) se trouvaient 33.000 cartons datant d'après 1945. 25.000 cartons furent noyés sous les eaux, environs 16.000 furent congelés, mais 9.000 durent être à jamais détruits devant l'avancée de la moisissure. Juste après la catastrophe, les experts estimaient qu'il faudrait entre 5 et 8 ans afin de tout décongeler et sécher proprement, et qu'il faudrait des dizaines d'années de plus pour une complète restauration. Pour comparaison, les documents congelés à Florence après les inondations de 1966 ne sont pas encore entièrement restaurés, et certains pessimistes avancent carrément 50 ans de travail en ce qui concerne les documents praguois. Alors et maintenant quand même la bonne blague, juste pour vous donner une idée du délire dans lequel nous vivons en notre République Tchèque.
Le fait que les archives militaires comme architecturales se trouvaient en zone (foutrement) inondable, tout le monde le savait. Nombreux "responsables" des archives, directeurs, experts, scientifiques en avaient informé les autorités (in)compétentes, leur demandant un déménagement en urgence en des locaux appropriés, et ce depuis 1990, juste après la révolution. Rien ne fut fait. Après les redoutables inondations de 2002 et la perte de nombreux documents qui ne purent être congelés à temps, l'on amenda la loi sur les archives interdisant leur stockage en zone inondable (délire non? Il faut en ce pays une loi pour imposer le bon sens). L'on considéra alors le transfert des documents militaires dans un ancien entrepôt chimique près de la ville de "Olomouc" au plus tard fin 2006. Eh bien fin 2009, les archives s'y trouvaient encore et toujours, en l'hôtel des invalides. Forcément, aux dernières nouvelles, l'administration et ses biens devraient être déménagés en 2014 dans le gymnase militaire près de l'aéroport de "Ruzyně" après qu'icelui eut été reconstruit. A voir...
Aujourd'hui donc, s'y trouve toujours et encore les archives militaires, dans notre hôtel des invalides, et sans parler des risques d'inondation, ce n'est vraiment pas l'emplacement idéal. L'humidité y est énorme et constante, et les coûts d'entreposage sont extrêmement élevés.
Un employé à la retraite raconte (dans le magazine Reflex) les conditions dans lesquelles il travaillait dans les années 80: humidité de 90%, température en hiver proche de zéro et jamais plus de 14°C en été, sans eau chaude (!?), chiottes turques datant de l'Autriche-Hongrie, chauffage au charbon qu'il fallait récupérer à l'autre bout du bâtiment, avec une brouette qui grince... Du bonheur en boîte par 6 dont 1 gratuit. Aujourd'hui le bâtiment est dans un état toujours effroyable, aggravé par les susmentionnées inondations. L'armée ne veut pas investir dans du temporaire (en zone inondable, tu m'étonnes), aussi tant qu'elle ne déménagera pas, et qu'un nouveau propriétaire (locataire) ne trouvera pas une activité rentable pour ces locaux, il ne faut s'attendre à rien. Des intéressés, il y en a. L'université Charles IV par exemple envisage d'y fonder un campus de la faculté de philosophie. Des projets commerciaux existent évidemment également, comme un hôtel de luxe (encore?), des bureaux professionnels (encore?) et d'autres inepties destinées à rapporter moult pognon. Mais qui va investir les quelques 100 millions de couronnes (presque 4 M €) nécessaires à l'assainissement?
Allez, après tant de tristesse, quelques anecdotes relatives à l'hôtel des invalides de Prague, comme ça, en vrac, sans chronologie particulière.
Comme déjà mentionné dans ma publie sur le turf à Prague, il y eut sur le champ des invalides des courses de bourrins dans les années 1839 et 1840, suivies plus tard (en 1883) par des courses de vélo-six-pèdes. Cependant le terrain initialement prévu était si vaste, qu'on y faisait également des entrainements militaires, genre défilés du 14 juillet et du 11 novemb', on y faisait également des concours de tir (à la carre à bine, parce que pour le tir au cas non, c'était quand même pas aussi grand), et y avait même un coin pote âgé pour la culture des légumes bio par les estropiés sans bras en fauteuil roulant.
Et tiens, dans le cadre d'un ces entraînements militaires, le 3 ème bataillon de campagne ("polní prapor" en Tchèque, "Feld-Bataillon" ou "Landwehr-Bataillon" en Allemand) d'Autriche-Hongrie résidait en l'hôtel des invalides dans la nuit du 2 au 3 septembre 1890. Lorsque les eaux de la "Vltava" commencèrent à monter méchamment, et menaçaient le pont provisoire construit par dessus les (eaux de la "Vltava"), le commandant ordonna aux sapeurs du génie d'aller renforcer tout le bastringue avant qu'il ne s'effondre. Alors qu'ils étaient à la tâche, le fleuve en furie qui charriait avec lui des arbres, des branches et des saloperies diverses qui se trouvaient sur son chemin, arracha un des pontons à la construction, précipitant une trentaine de pauv' boug' dans les eaux bouillonnantes. 20 d'entres-eux périrent morts noyés.
En leur mémoire se trouve encore aujourd'hui dans le parc dit "Kaizlový sady", 60 m devant Pierre Strozzi, un obélisque haut de 7 m portant mention du tragique évènement. Juste pour l'anecdote, de nombreuses sources mal informées vous diront à tort qu'ils périrent en portant secours à la population civile ("položili život při záchraně civilního obyvatelstva"). Faux, ils essayaient désespérément de sauver un bête pont de fortune qui n'avait aucune chance de résister face au courroux de la nature. Un bel exemple d'ordre stupide et inconsidéré aux conséquences dramatiques, dicté par une hiérarchie militaire irresponsable et incompétente.
Dans les années 30, juste avant sa faillite, c'est le cirque , l'un des plus grands cirques d'Europe (après l'assemblée tchèque), qui planta son chapiteau aux abords de l'hôtel des invalides. Sa ménagerie composée de plusieurs centaines d'animaux (et 3 députés de la chambre basse) avait toutes les difficultés du monde... de l'Europe pour trouver un emplacement suffisamment vaste afin de faire paître (et déféquer) tout son bétail exotique. Ben grâce au "champ hospitalier", des milliers de petits nenfants purent assister aux clowneries des professionnels du cirque.
Et "Josef Sudek", vous connaissez? Un grand photographe tchèque (et au-delà) du XX ème siècle? En 1916, lors de la première guerre mondiale, une grenade lui arracha une partie de l'épaule avec au bout son bras droit. Il finit aux invalides de Prague, et jusqu'en 1927 il y photographia ses oeuvres de jeunesse intitulées justement "de l'hôtel des Invalides" ("Z Invalidovny", 1922-1927) que d'aucuns n'hésitent pas à comparer à la peinture impressionniste du XIX ème siècle.
Photo pas trop? Alors cinémo... cinéma, ça vous va? "Amadeus" de "Miloš Forman", lorsque Salieri se confesse de son abominable péché (le meurtre de J.F. Kennedy), dans l'asilàbranques. Ben la scène c'est dans l'hôtel des invalides. Pensez-vous que "Fahrid Murray Abraham" (Salieri) aurait gagné son Oscar sans ce fabuleux bâtiment? Kafka, de "Steven Soderbergh" avec "Jeremy Irons", z'avez vu? Ou Hellboy, l' hôpital Belamine, vous connaissez? Pareil, tournés en partie aux invalides. Certaines sources parlent encore d'un docteur Jivago, d'un commissaire Moulin, d'une suite des X-Files, mais ceux-là je ne les ai pas vus, alors je ne peux pas confirmer.
Sinon l'expression "dopadli jak sedláci u Chlumce" (ils finirent comme les paysans près de "Chlumec [nad Cidlinou]"), ça vous parle? On l'emploie pour dire que quelqu'un a mal fini, genre en Français on pourrait dire qu'ils "finirent comme Napoléon à Waterzooi". Ok, "Chlumec (nad Cidlinou)" c'est pas l'hôtel des invalides, mais j'y viens, attendez voir. L'histoire que je vous compte là est un résumé des milliers de lignes d'intérêt varié (généralement nul) laissées par un sombre fonctionnaire de "Čáslav", "Johann Ferdinand Opiz" (i.e. "Opitz"), qui eut la gloire d'accéder à postérité pour l' abondante correspondance échangée avec un illustre libertin obscène pour certains, fascinant pour la plupart: Giacomo Casanova. L'histoire donc, selon "Opiz" ...
Préambule. En mars 1775, de nombreuses grappes (parfois sévèrement fournies) de serfs sillonnaient la campagne de Bohême afin de faire abolir (sinon amoindrir) leurs corvées, ainsi que d'autres tâches incombant à leur statut de sujets asservis. Or bien que leurs doléances semblaient (aujourd'hui) tout à fait légitimes, la façon de les revendiquer l'était nettement moins: brigandages et pillages sur les domaines des privilégiés jusque dans leurs doux foyers ("Všude chtějí patent a vyvádějí jako smyslu zbavené", partout ils réclament une lettre patente et agissent comme de raison dépourvus).
Nobles, bourgeois, gens des glizes, tous subissaient leurs vilaines exactions dans la campagne ("Chlumec") jusqu'au jour ou une cohorte de vilains boug' enhardis prit la direction de la capitale.
Mercredi 22 Mars, écrit "Opiz": "ce jour vinrent en Poděbrady 5 milliers de paysans [...], ils s'en aboulaient de Chlumce. Le chemin suivi ces derniers jours par la meute peut être exactement déterminé de par les auberges seigneuriales dans lesquels ils ne payèrent pas leur bière, pareillement à la liste établie par le vicaire du consistoire archiépiscopal faisant état des paroisses dans lesquelles ils mangèrent et burent tout ce qu'ils trouvèrent dans les caves des presbytères."
Jeudi 23 Mars: "Il en vint quelques 3000 à Brandýs nad Labem [...]"
Vendredi 24 Mars: "Ce matin les paysans étaient aux portes de Prague, respectivement devant la porte de l'hôpital. L'on dut la fermer ainsi que la Nouvelle porte, d'où partent les routes vers la Saxe et la Silésie." Alors si l'on en croit les écrits plutôt fiables de "Gelasius Dobner", les paysans se livraient au pillage des maisons juives tout autour de l'hôtel des invalides.
Aussi dès le levé du soleil, le comte "Antonín Nostic" à la tête d'une infanterie de 500 hommes et d'une cavalerie de 100 chevaux encercla sans peine les furieux qui se rendirent sans beaucoup de résistance. Ils furent enfermés dans notre édifice, entendus individuellement par les commissaires du gouverneur, et les meneurs furent emprisonnés avant de passer devant le tribunal praguois. La légende raconte que lorsque la garde rassemblait le troupeau de serfs, les bidasses leur coupaient les boutons et les ficelles des pantalons afin que les gueux les tiennent à 2 mains et qu'ils ne puissent pas courir. Chais pas si c'est bien vrai, parce qu'à leur place, j'aurais jeté mon froc et couru en habit d'Adam.
Mercredi 29 Mars: "Aujourd'hui, un des paysans fut pendu près de la porte de Poříčí, à côté des invalides. [...] Autour de son cou, l'on avait apposé une pancarte: agitateur séditieux de la cause paysanne et brigand nuisible." Le jugement fut sommaire, l'exécution hâtive, et selon les témoins, le malheureux père de famille fut plutôt choisi par hasard plus que pour ses méfaits. C'est ainsi que prit fin la rébellion paysanne, mais pas la répression, car durant les jours qui suivirent, l'armée sillonnait la campagne et remplissait les prisons de la capitale sur simple dénonciation. En seulement 9 jours de procès, 7 autres meneurs furent envoyés à la potence afin de décorer l'entrée des portes de "Poříč", "Oujezd", "Vyšehrad"... Fin avril 1775, le chancelier envoya à Marie-Thé un décompte précis: 7 pendus, 6 travaux d'intérêt général de longue durée, 117 condamnations au fouet, 366 relaxes avec blâme et mise en garde, 567 en attente de jugement et 2 échappés (les salopards).
Les derniers boug' furent jugés en juillet, et l'affaire fut finalement close. Bien que de prime abord ces révoltes semblaient avoir renforcé l'absolutisme habsbourgeois sur la paysannerie, elles eurent des conséquences positives indéniables. En août 1775, Marie-Thé promulgua une nouvelle patente sur la corvée nettement plus souple, et 6 ans plus tard, le 1er novembre 1781, son fils (à Marie-Thé) Joseph II abolit définitivement le servage en Bohême, soit 8 ans avant la France laquelle, sans sa révolution...
Cependant l'un des plus importants et grandioses évènement qui eut lieu sur ces terres fut le couronnement du roi Ferdinand V, le dernier couronnement "roi de Bohême véritable tiré à la ficelle" (attention, il y en eut d'autres, des rois ensuite, mais ces faignants ne se faisaient plus couillonner... couronner [à la ficelle] à Prague, ils recevaient le titre, le pognon, et au r'voir m'sieur dame). Le 14 septembre 1836, Ferdinand et son nez pouze furent accueillis par la foule en délire sous vos applaudissements sur le terrain de l'hôpital. Défilés, fanfares, majorettes et cotillons, tout était là, prévu comme il faut, y compris la fête foraine et les bicoques à couillons qui vendent des mets(?) archi-coûteux comme sur la place de la vieille ville. Parenthèse: les stands sur la place de la vieille ville, c'est un vrai piège à touristes je vous préviens à l'avance. Tiens-toi bien, la bière (de plus en plus dégueulasse je dois dire) en gobelet plastique: 35 CzK. J'en trouve à 23 CzK (34% moins cher) plein centre de Prague 1, et même à 18 CzK (moitié prix) hors Prague.
Le jambon grillé sur place, qui tourne toute la journée sur sa broche: 130 CzK les 100 gr. C'est le prix d'un rumpsteak argentin servi au restau sur une assiette en faïence avec des couverts en argent. Et les saucisses, les brochettes... Bref, si vous pouvez éviter de manger sur la place de la vieille ville, alors évitez de manger sur la place de la vieille ville, c'est vraiment un attrape couillons colossal. Retour à 1836... Et donc du reste, une fresque sur l'école de la place "Lyčkovo náměstí" rappelle cet évènement.
Et toujours sur ce même bâtiment de la place "Lyčkovo náměstí", se trouve une autre fresque en rapport et qui rappelle comment "Jan Rokycana" alla au devant de ce borgne nuisible de afin de calmer sa hargne destructrice.
En fait, lorsqu'une partie des Praguois, autant hussites (modérés) que catholiques (les Praguois), se rendit compte du bordel économique et social engendré par la guerre civile (de religion), elle décida (la partie) d'entamer des négociations (de paix) avec le roi "Zikmund" (le prétendant au califat de Bohême). Quand le borgne eut vent de ces tractations, il péta une furie si cataclysmique que son oeil de bois en tomba dans sa soupe (on n'avait pas encore inventé l'oeil de verre en ce début de XV ème siècle, les lunettes si, mais pour les malvoyants, pas pour les borgnes). Il laissa donc tomber sa soupe, ramassa son oeil, annula sa partie de pêche avec son pote le tondu ("Prokop Holý"), et dirigea son armée de bras cassés sur Prague dans l'idée d'y fout' le feu et massacrer ses habitants comme il était de coutume chez ces sauvages. Mais lorsqu'ils arrivèrent sur le terrain du "champ hospitalier" ("na Špitálském poli"), "Jan Rokycana" se rendit au devant des rustres accompagné d'une procession de petits zenfants chantant "Jésus revient, Jésus revient...". Il leur dit ainsi (aux rustres, pas aux petits zenfants): "Holà nobles guerriers cruels cons qu'errants, pourquoi vouloir abattre vos bras vengeresses d'une terrible colère de la terreur les boules que ça fout?
Lorsque nous quittâmes l'hôtel des invalides pourvus d'une luxueuse documentation concernant les services des archives militaires imprimée sur papier glacé onéreux et distribuée quasi obligatoirement à tous les visiteurs du bel édifice, nous échangeâmes avec ma tendresse nos opinions mitigées. Et tandis que l'on s'en approchait de la voiture, elle me dit "et concernant l'autre empoté vendeur de produit miracle, je ne lui avais rien demandé. Quel chieur! Il se retourna soudainement, commença à parler des monuments visitables dans le cadre des journées du patrimoine, pis encore plus soudainement entama son argumentaire de vente. J'étais sciée.
Alors comme dit précédemment, z'avez pas grand chance d'y accéder dans le dedans, mais vous pouvez quand même voir l'extérieur. Aussi pour ceux qui seraient intéressés, l'hôtel des invalides se trouve là: 50°5'41.674"N, 14°27'42.235"E.