Le rédacteur Web est un métier passionnant. Seulement, avec la multiplication des caisses de résonance (blogosphère, Twitter, Facebook), il doit dépasser les opportunités offertes par le référencement naturel et inscrire son travail dans une démarche d’influence. Est-il un animal social ? Je n’ai, bien sûr, pas la réponse, mais une récente discussion avec un confrère m’encourage à la poser.
Le Web créé en permanence de nouveaux métiers. Le référenceur et, plus récemment, le community manager font partie de ceux-là. Seulement, là où les choses se compliquent, c’est dans le périmètre et la définition des métiers. Le blog du Concepteur Rédacteur et Dithyrambe s’accordent pour définir le référencement comme une compétence et non un métier à part entière. Sur TechToc.tv, le métier de community manager fait également abondamment parler de lui.
Metteur en texte
Dans l’univers de la presse, outre le métier de Community Manager, très à la mode, comme le montre Antoine Daccord sur LeFigaro.fr, un autre métier est en plein développement, celui de Front page editor.
Enfin, il doit faire preuve de réactivité, cette qualité qu’il partage avec le Community Manager (comme le souligne Fabrice Ebelpoin lorsqu’il évoque sur l’un des plateaux de TechTocTV la capacité à répondre « en un claquement de doigt »), afin de faire évoluer sa « Une » en fonction des contenus et évènements, tout en gardant à l’esprit les contraintes pour les moteurs de recherche (SEO).
Les fondamentaux du réfé-dacteur
Aujourd’hui, je ne peux pas imaginer qu’un rédacteur puisse « pondre » un contenu sans penser à sa dimension sociale (les contenus sont exportables, disséminables car aujourd’hui, plus de la moitié des internautes consultent du contenu en dehors de leurs sites d’origine – source : Universal McCann). Les composantes du référencement sont nécessaires, seulement, elles ne sont qu’un point de départ. Je rejoins donc à 100% le fait que le référencement n’est qu’une compétence (sauf s’il opère dans une agence interactive).
Parmi les fondamentaux, il est important que le rédacteur puisse connaître les éléments suivants :
- L’importance de la balise de titre navigateur (title) et ses 70 caractères autorisés sur Google, aussi robuste pour les pages de résultats qu’essentielle pour les aggrégateurs (les contenus sont exportables par nature)
- La nécessité d’écrire une balise de description informative et incitative, même si son intérêt pour un positionnement pur est contesté.
- L’urgente nécessité de réécrire les URL, afin, d’une part, les conceptualiser, et, d’autre part, les raccourcir, en ôtant autant se faire que peut les mots d’arrêt (de, en, à, et, où). Une URL courte aura d’ailleurs moins de chance d’être décapitée par les raccourcisseurs d’URL.
- La compréhension de la structuration d’une page, avec comme figure de proue le fameux titre H1, dont le caractère unique risque d’évoluer avec l’arrivée progressive du HTML 5 et de la structuration des pages en section.
- Les notions « contestées » de densité, de duplicate content, de netlinking, etc.
- La différence entre une légende ALT porteuse d’information et son pendant purement illustratif.
- Les abbréviations et autres points de contrôle de l’accessibilité concernant le rédacteur
- L’importance de créer des passerelles internes pertinentes entre les contenus par le biais de liens internes explicites afin, d’une part, d’améliorer le référencement global, et, d’autre part, de garder à demeure plus longtemps les visiteurs (diminution du taux de rebond notamment par page, augmentation du nombre de pages vues).
- L’importance du wording des menus et libellés de bouton afin d’améliorer l’ergonomie incitative.
Référencement (non exhaustif)
Accessibilité (non exhaustif)
Ergonomie éditoriale (non exhaustif)
J’ai très peu de clients qui « exigent » de leurs rédacteurs d’être des « as des balises ». J’ai d’ailleurs très peu de clients qui mettent le contenu dans leurs priorités. Après la création et le référencement, l’éditorial est souvent le parent pauvre d’une stratégie Web.
Seulement, la mise en texte passe irrémédiablement aujourd’hui par une connaissance des fondamentaux du référencement et du HTML (une petite vingtaine de balises et attributs doit suffire à couvrir 80% des besoins de mise en texte).
Les contenus voyagent
Avec le « brand content », les marques avancent masquées, elles se conçoivent comme des « séquences narratives », des récits, et non plus comme des « campagnes » publicitaires. « Brand content » et « Social Influence Marketing », même combat ? Probablement. Steve Denning, le « père » du storytelling moderne, le dit ainsi : « Une marque est essentiellement une relation ». Hors, une relation se nourrit, elle s’entretient, il faut donner et faire des compromis.
Lorsque Seth Godin explique que les médias sociaux sont difficiles à appréhender pour les marques parce qu’ils sont « un processus » et non « un évènement », nous recentrons bien le point nodal de l’argumentation autour de la notion de continuité et de permanence. Aujourd’hui donc, tant pour le « brand content » que pour les médias sociaux, les marques ne peuvent plus se permettre de diffuser des messages et des promesses qu’elles soumettent massivement aux consommateurs. Elles doivent trouver d’autres terrains d’expressions, elles doivent offrir des expériences.
Le rédacteur doit donc connaître son secteur afin d’apprendre à connaître ses confrères et les fans de la marque. Il doit également savoir si des communautés (ne vaut-il pas mieux faire partie d’une communauté plutôt que de croire en créer une ex-nihilo pour sa marque ?) et des digg-likes existent. Il doit également connaître les influenceurs d’influenceurs, détectables sur des blogs et autres digg-likes, afin de bénéficier des leviers que sont le guest-blogging et Twitter, dont l’objet social reste l’information et qui joue à plein son rôle de diffuseur.
Pour une marque, et Shiv Singh de Razorfish, le montre très bien pour l’édition. Faut-il embaucher un auteur avant ou après qu’il se révèle ? Dans les domaines du e-commerce, faut-il embaucher un animal social avant ou après qu’il se révèle ?
En fonction de sa cible, le rédacteur se pose la question de republier sur Facebook (si la cible est BtoC), qui permet de sortir de sa ligne éditoriale initiale et d’extérioriser la marque avec des sujets plus légers. Il doit appréhender fortement les notions de « Watching » (écoute), « Sharing » (partage), « Commenting » (engagement) et « Producing » (production), le « Curating » (animation / administration) étant davantage le cœur de mission d’un community manager.
La pyramide de la marque engagée, Altimeter
Il est désormais temps de passer de la sphère du marketing relationnel (Social Media Marketing) vers la sphère de la stratégie d’influence (Social Business Strategy). Lorsque nous arrêtons de regarder les technologies sociales à travers le prisme des médias, nous réalisons que le contenu et les conversations représentent les premiers niveaux permis par ces technologies : la collaboration, les communautés et l’intelligence collective interviennent, quant à elles, dès le second niveau.
Je suis donc intimement convaincu que le rédacteur Web « de la seconde décennie du XXIème siècle » devra maîtriser sous le bout des doigts les opportunités du référencement (je n’appuie pas volontairement sur le terme « contraintes ») et d’être en mesure de faire vivre sa personnalité, et, au-delà, la personnalité de la marque pour laquelle il travaille. Le rédacteur Web ne travaille plus seulement avec une stratégie SEO en tête. Deviendra-t-il un expert sectoriel et donc un animal social de premier niveau , le second niveau étant la chasse gardée du community manager ?
Pour Cédric Deniaud,« il est naturel que les Community Managers appartiennent à la génération Y ». En est-il de même du métier de rédacteur Web ?
L’avenir et la recomposition du Web, cette « économie de l’attention où l’audience se mérite plus qu’elle ne s’achète » *, nous le diront vraisemblablement.
Sources et ouverture
- Satellinet, n°2 du lundi 11 janvier 2010
- Joël Ronez, L’écrit Web, Edition CFPJ
- * Emmanuel Vivier, Vanksen