Face aux dirigeants de Total, les ministres sont nombreux au bal des hypocrites…
Par Jean-Emmanuel Ducoin
Tout le monde ne voit pas les choses à la hauteur du peuple… Bien qu’elle s’en défende, la seule préoccupation de Christine Lagarde est donc de profiter de l’argument d’une éventuelle pénurie de carburant dans les jours qui viennent pour occuper l’espace médiacratique. Chacun fait ce qu’il peut à la hauteur de ses ambitions : brandir une nouvelle peur, parmi tant d’autres peurs érigées depuis 2007 par les paranoïas du prince-président… Ainsi, invitée à commenter le conflit qui s’étend chez Total, depuis l’annonce par les salariés d’une grève générale illimitée dans les six raffineries françaises du groupe et de l’arrêt unilatéral de certaines unités, la ministre de l’Économie, qui nous prépare en coulisses un super plan d’austérité, n’a rien trouvé de mieux à dire qu’il n’y avait « pas de risque d’approvisionnement » pour les Français. Comme si l’ampleur du mouvement social en cours chez le géant pétrolier pouvait se résumer aux seules préoccupations de consommation…
Alors que toute personnalité politique responsable devrait d’abord s’indigner de la possible fermeture de la raffinerie des Flandres, Mme Lagarde refuse le débat de fond. Il faudrait, sinon, expliquer aux citoyens concernés qu’une loi interdisant les licenciements dans les entreprises faisant des bénéfices empêcherait Total de se séparer de 370 salariés après ses 13,8 milliards d’euros de bénéfices en 2008, 8 milliards en 2009… Ne rêvons pas. Comment Sarkozy et ses affidés pourraient-ils contester les décisions des grands groupes, prises dans le silence ouaté des réunions d’actionnaires prêts à tout pour assurer « la meilleure rentabilité », alors qu’ils sont dirigés par autant d’amis proches et bienséants ? La France de Sarkozy est aux antipodes de la République universelle qui a formé tant de consciences. Depuis 2007, seule compte la « méritocratie » par l’argent, voire celle, médiocre et vulgaire, des VIP…
Face aux dirigeants de Total, ils sont si nombreux au bal des hypocrites qu’aucune musique ne pourrait souffrir de telles danses sournoises… La palme revenant sans doute à Christian Estrosi, alias ministre de l’Industrie, qui, hier, réclamait du PDG de Total qu’il « rassure très rapidement les salariés »… Christophe de Margerie en tremble ! Mais évidemment, aucun commentaire sur le « cas d’école Total » : ce crack du CAC 40 justifie en effet de fermer son site des Flandres sous prétexte que la consommation baisse en France, mais annonce dans le même temps qu’il augmentera ses capacités de production dans les années à venir. Pour Lagarde et Estrosi, aucune contradiction…
Pendant ce temps-là, un autre ministre, Xavier Darcos, a tenté d’abuser la galerie en délivrant des pastilles vertes, oranges ou rouges (sic) pour qualifier la promptitude d’une entreprise à « prévenir » ou non le stress de ses salariés. Bref de l’affichage, pour valoriser quelques accords bidons, ouvrir des discussions qui ne mène en rien, façon plan de com’ dont Nicolas Sarkozy est coutumier… Seulement voilà, la tentative a déjà fait long feu. Le ministère du Travail, contacté par des entreprises « rouges » (de colère ?) sûrement prêtes à toutes les représailles, a déjà reculé en retirant de son site Internet la fameuse liste… Après le grotesque de l’initiative, voici le « courage fuyons » du gouvernement. Total n’est manifestement pas la seule entreprise à pouvoir essuyer ses pieds sur les paillassons de l’Élysée…