Peintre versus Musicien
Dans le même temps où l 'art pictural est figé dans ses deux dimensions : largeur et longueur, certaines toiles , malgré leur célébrité ,(j 'éviterai de parler de la Joconde qui a perdu sa " lumière" pour avoir été usée , je suis tentée d' employer le terme anglais "exhausted" pour le "ex" ,) meurent de solitude ..
L'œuvre musicale , elle, peut naître et renaître grâce à différents interprètes plus sensiblesà l 'approche du compositeur , dont la personnalité dévoilée dans le temps de
l 'émotion de l 'exécution, (on peut aussi parler de trac ,sans être loin de la véritable angoisse qui s' empare de ceux qui sont sur le point de faire face au public. ),ne peut être escamotée à l 'oreille de l 'amateur.
Personne ne viendra recomposer le tableau pour le faire vivre sous les yeux de l ‘ observateur. .
Quand une œuvre picturale séduit par ses formes,ses couleurs ,il lui faut une sacrée dose de masse moléculaire de vies innervées dans ses pigments ,pour que l 'esprit soit sensible à ce clin d'oeil, pour que ce mur de l 'enchantement soit perçu par le passant.
Il faudrait que les vibrations soient de l 'ordre d e l 'espace pourqu 'une toile accède à l 'oreille....pour que l 'abstraction transgresse le trait en onde vibratoire, que le chant de la toile résonne .Quelle métaphore s' impose alors au regard éberlué!
Sinon le tableau reste pétrifié dans sa construction, aussi pesant qu'une trace de pas , muet, inapte à diffuser sa matière inerte .
La capacité à être émue par la musique peut soulever à la façon d' un jet, dans un univers sans terre, sans ciel , du réel aux rives des larmes du bonheur,
L'oeuvre musicale est allée envahir un volume .
-Comme ça!
mais cela dépasse de loin la variété des sons et des couleurs .
Il arrive aussi , un peu trop souvent, que le compositeur soit oblitéré par un interprète arrimé aux notes et seulement aux notes .
Il fut un temps, où Raymond Trouard qui consacra sa vie au piano , à l 'amour de la musique dont nombreux furent ceux qui eurent le privilège de son enseignement, massacra les trois quarts d' un récital , vaincu par une immense perte de ses moyens,livrant dans le dernier quart d' heure à une salle confondue une fin magique , parce que , enfin , la scène avait disparu pour laisser place à cet interprète raffiné .
L'exceptionnelle virtuosité des pianistes entendue la semaine dernier à Monte -Carlo pour le prix Prince Rainier ont opérer une ablation totale sans épargner une seule cicatrice à la musicalité des œuvres choisies , excepté pour l ' un deux qui n 'a pas été choisi parmi les finalistes , Alexandre Moutouzkine,
Chaque génération,chaque conservatoire peut lancer sa foulée d' instrumentistes interprétes .
Aujourd ' hui, la mécanique "vélocité de l 'extrême" est à l ' honneur .On ne pleure plus, on se positionne , on s'en remet à la triste expression , périple planétaire ,mégatone de la lyre d' Orphée.
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