Le quotidien Le Monde y consacre son éditorial. Et il a raison. Une fois de plus, on ne peut pas dire « qu’on ne sait pas ». Une fois de plus, on est écartelé entre la stupeur, la révolte, et…un terrible sentiment d’impuissance. Comme face à d’autres tragédies qui, mondialisation oblige, n’ont rien de lointain… Que faire en Somalie, pour les Somaliens ? Alerter, quand on en a les moyens, mêmes faibles. C’est dans cette perspective que RELATIO reprend l’édito du Monde. Un SOS Humanité ! L’Union européenne n’est pas le pompier du monde, ni le garde champêtre de la planète, c’est clair. Mais l’indifférence est un crime.
"DESCENTE AUX ENFERS"
La guerre se poursuit en Somalie, dans l'indifférence générale. Pour la deuxième fois en dix mois, l'armée éthiopienne riposte, à Mogadiscio, à des attaques des insurgés proches des Tribunaux islamiques. Les combats sont marqués par des bombardements lourds, la destruction d'habitations, des pertes civiles et la fuite des populations. En deux semaines, 173 000 personnes ont quitté la capitale somalienne, selon le HCR. Lors d'une précédente bataille, en avril, le représentant de l'Union européenne au Kenya s'était demandé si « l'usage disproportionné de la force dans des zones densément peuplées ne relevait pas de ''crimes de guerre'' ».
Au conflit civil, qui a éclaté en 1991, s'ajoutent, ces dernières années, les ingrédients internationaux du "djihad" mené par Al-Qaida et de la "guerre contre le terrorisme" conduite par les Etats-Unis. D'un côté, la mouvance djihadiste et certains pays, Erythrée en tête, soutiennent les insurgés. De l'autre, l'Ethiopie mène, depuis fin 2006, avec les encouragements de Washington et sans mandat international, une intervention militaire destinée à épauler les soldats du gouvernement fédéral de transition (TFG), et perçue comme une guerre d'occupation par la population.
Si les chefs de guerre somaliens n'ont pas attendu le 11-Septembre pour ravager leur pays, si Al-Qaida ne cesse de chercher de nouveaux terrains de bataille afin d'étendre son influence, les Etats-Unis ont aussi une responsabilité dans le nouvel embrasement. Traumatisés par leur sanglant enlisement de 1993, ils sous-traitent la guerre à l'armée d'Addis-Abeba. Confondant terrorisme, djihadisme et islamisme, ils ont - sous prétexte d'arrêter les organisateurs des attentats de 1998 contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie, cachés à Mogadiscio - provoqué une mobilisation croissante de combattants. Ceux-ci, recrutés en Somalie et dans les pays voisins, s'attaquent aux alliés des Etats-Unis, Ethiopiens et soldats du TFG.
Tétanisée, la communauté internationale est dans une telle impasse que le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, s'est prononcé, le 8 novembre, contre le déploiement d'une force de paix. La traque d'Al-Qaida, aussi justifiée soit-elle, ne peut reléguer à l'arrière-plan la nécessité d'engager en Somalie un dialogue politique incluant tous les clans et les organisations islamiques. Sans appui diplomatique, la "conférence de réconciliation", réunie cet été, ne pouvait aboutir, et les ennemis des Etats-Unis, de l'Ethiopie et du gouvernement somalien se sont coalisés pour relancer l'offensive.
A moins de risquer un dangereux embrasement régional, aucune issue militaire n'existe à un tel conflit. Mais, faute d'une mobilisation internationale en faveur de négociations politiques, la descente aux enfers de la Somalie ne peut que se poursuivre. »
(Le Monde, Article paru dans l'édition du 15.11.07)
Crédit photo : John Martinez Pavliga (Flickr)