Andrée Chédid place souvent ses personnages face à la mort, pour les forcer à entrer en lutte contre toute fatalité et résignation. Dans L’Autre, un vieil homme est persuadé que le jeune touriste de l’hôtel qui vient de s’effondrer est encore en vie ; dans Le Sixième Jour, il faut tout l’amour d’une grand-mère pour tenter de sauver son petit-fils du choléra ; dans Le Message, une jeune fille blessée par un tireur embusqué veut à tout prix faire parvenir un message d’amour à l’homme qu’elle aime.
L’Enfant multiple traite du même thème, mais cette fois, la mort est derrière : c’est un travail de deuil que doit faire le jeune héros : deuil de ses parents, de son pays, de son bras arraché lors d’une explosion à la voiture piégée. Or, Omar-Jo n’accomplira ce douloureux deuil qu’en étant une sorte d’aide solaire pour les autres. Ainsi, il va convaincre Maxime, le « forain » pris de morosité, de redonner un coup de jeune à son manège, pour en devenir le cœur souvent clownesque, parfois tragique. Sa vitalité, son ubiquité, son énergie deviennent une eau de Jouvence pour ce manège et son propriétaire.
Au delà, L’Enfant multiple dénonce l’horreur de la guerre, d’autant plus cruelle quand elle est fratricide, d’autant plus vaine quand elle est due à des querelles de religion. Omar-Jo, enfant d’une Libanaise chrétienne et d’un Egyptien musulman est le symbole vivant de ce que ces religions qui se heurtent ont en commun : « Il n’y a qu’un seul Dieu : le tien, le mien, et le sien. Seules varient les façons de le vénérer…»
Si les fanatiques lisaient un peu de la littérature, voilà un livre qu’il faudrait mettre entre leurs mains…