Chaque année, quand février pointe son nez, c'est le même émoi. Les supporters préparent la grande transhumance, le voyage entre amis vers Londres, les capitales celtes ou, depuis 2000, Rome l'éternelle. Pour un week-end immuable. On frissonne à l'écoute des chants légendaires entonnés par des dizaines de milliers de poitrines ; on trinque à la santé du voisin écossais qui partage sa flasque de whisky ; on savoure les bières brunes lors de troisièmes mi-temps brûlantes à Dublin ou Cardiff. L'ambiance est à la fête, bien loin des violences gangrenant le football. L'attrait est toujours aussi vivace. En 2007, pour la première fois, plus de un million de spectateurs ont assisté aux quinze rencontres du Tournoi dans des stades toujours plus grands. Twickenham ne cesse de repousser les murs. Les Irlandais attendent, en avril, la livraison du nouveau Lansdowne Road. Même l'Italie, où l'intérêt pour le rugby frémit, voit plus grand. Flaminio, le stade champêtre de Rome, va subir un lifting pour quasiment doubler sa capacité (de 24 300 à 42 000 places). En attendant, les matchs vont se disputer dans l'immense stade olympique (75 000). Pas d'inquiétude. En novembre dernier, les 80 000 places de San Siro, à Milan, s'étaient arrachées pour la venue des All Blacks.
Un succès médiatique
Fin 2007, France Télévisions s'est battu pour conserver l'épreuve, également convoitée par TF1 convaincue par le succès de la Coupe du monde. Le montant des droits est un secret bien gardé, mais il serait passé de 19 millions d'euros par an à près du double sur la période 2009-2013. La chaîne publique a donc mis le prix pour garder le navire amiral de ses retransmissions sportives. Chaque match du XV de France attire en moyenne 5 millions de téléspectateurs. Soit autant que les étapes les plus suivies du Tour de France ou que la finale messieurs de Roland-Garros. L'apparition, depuis 2004, de rendez-vous en prime-time garantit des pics d'audience. Plus de 6 millions en 2009 pour France-Galles, 7 millions en 2008 pour France-Angleterre, le record restant détenu par cette même affiche en 2004, grand chelem en jeu, avec 8,3 millions de téléspectateurs.
Un succès économique S'il fallait une preuve de l'attrait du Tournoi, elle est à chercher du côté de la Royal Bank of Scotland. Ballottée par la crise, sauvée de la faillite par l'État, la banque a néanmoins prolongé son partenariat. Sponsor titre de l'épreuve, RBS a resigné en janvier dernier pour quatre ans et 20 millions de livres (22 M€). Même fidélité côté français, où la GMF et la Société générale ont reconduit leur partenariat. La compagnie d'assurances consacre 90 % de son budget sponsoring au rugby. «Le sport qui a, de loin, la meilleure image», souligne Sylvie Lagourgue, la directrice marketing et communication de la GMF. Convivialité, respect, fête… Autant de valeurs plébiscitées dès qu'il est question de ballon ovale. «En citation spontanée, les treize premières valeurs véhiculées par le rugby sont positives», constate Raphaël Niemi, le responsable du partenariat à la Société générale. Résultat de cette inflation des droits, commune aux six nations, le budget annuel du comité organisateur du Tournoi a bondi, entre 2008 et 2009, de 62 à 95 M€. En hausse de 53 % ! Une aubaine pour les fédérations nationales. La part reversée à la FFR est ainsi supérieure à 10 millions d'euros par an. Merci le Tournoi…