« Mignonne, allons voir si la Rose,
Qui ce matin avait éclose »
La rose,
Ce matin,
Je ne la vis point.
Dans les brumes de l'aurore,
Il n'y a que toi
Que je vois.
Éclose la rose ?
Dans les vapeurs de la nuit qui s'enfuit,
Il n'y a que ton amour
Qui pour moi peut éclore.
« Mais par l'herbe tu ne fais ore
Que suivre des prés la fraîcheur, »
A cette heure,
Avancée vers le midi,
De l'herbe, moi aussi
Je roulerai pour toi ma belle,
Et te prendrai en mon escarcelle.
« Parce que tu n'as point encore
Trouvé quelque bon chevaucheur »
Quand sonneront les vèpres,
Je me glisserai dedans les bois,
Je chanterai à perdre tête
Mais tu verras une douce fête.
« Mais si je t'avais sous ma main,
Assure-toi que dans la bouche
Bientôt je t'aurais mis le frein. »
Oh qu'il est fin
Le doux poète :
Moi, à ta bouche, je ne veux rien ;
C'est tout ton corps qui sera mien ;
C'est toute ton âme qui sera mienne.
« Mais vous avez le cœur d'une fière lionne. »
Ton crinière est bravache,
Ton regard pénétrant,
Ton amour infini,
Tu me retournes,
Et voilà,
Que je redeviens un enfant,
Tu es ma muse,
Et pourtant
Je t'aime infiniment.
Ta volonté est féroce,
Mais ton corps est carrosse.
Pour toujours,
Je te mords,
Au plus profond, de l'écorce.
Ton amour est pour moi,
Une indicible joie,
Un permanent carrousel,
Un plaisir qui rougeoie.
« Car si j'avoi de chair un coeur humain,
Long tems y a qu'il fust reduit en cendre,
Veu le brasier dont toujours il ard plain. »
J'ai un cœur de marbre,
Qui résiste au foyer,
Qui brule dans mon âme,
Lorsque je te vois.
Qui se consume dans mon esprit,
Quand tu es partie.
Qui flambe dans mon âtre,
Quand tu dois combattre.
J'ai un cœur câlin
Dès que tu t'approches.
Dès que je te vois,
Il fond dans tes bras,
Il crépite d'amour,
A toi pour toujours.
« Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle. »