Un environnement intégré articule des services, des lieux et des biens. Un bon moyen d’aborder ce concept consiste à suivre l’exemple de la révolution automobile en cours.
La voiture servicielle
L’automobile fait débat dans notre société. Avec un taux de motorisation par ménage de 80% et une part de 86% dans nos déplacements, ce modèle économique se voit pourtant ébranlé par la fin de l’énergie bon marché et la montée de la conscience environnementale. En réaction se développent sous l’impulsion des grands constructeurs le concept de voiture servicielle, avec de nouveaux usages et de nouveaux réseaux.
Imaginez ne plus être propriétaire de votre voiture mais pouvoir en utiliser une quand bon vous semble sans entretien, réparations ou frais d’assurance : c’est l’auto-partage. Neuf ans après son lancement, le service Zipcar est disponible dans une soixantaine de villes des Etats Unis et met en partage quelques 6.500 véhicules pour 325.000 membres. Son succès est tel que l’université d’Harvard en à fait un cas d’étude. Ce concept s'implantera dès septembre 2011 en région parisienne avec l’Autolib’. Imaginez maintenant pourvoir repérer une place de stationnement libre grâce à votre GPS ou trouver un covoiturage avec votre téléphone portable. Les nouvelles technologies se rendent utiles pour faciliter les déplacements urbains et de nombreuses applications existent déjà. Ces exemples montrent que la voiture en tant qu’objet perd son autonomie pour s’intégrer dans une chaîne de mobilité dont elle n’est plus qu’un élément.
Ce faisant, le visage des grandes agglomérations se transforme peu à peu : la ville se numérise. Les écrans sont sur les façades, dans les lieux de transports, dans nos poches avec un mobile. Ces systèmes dialoguent entre eux et interagissent avec leur environnement. L’opposition stérile qui a polarisé le débat jusqu’à ce jour entre la voiture et les transports en commun est en train de laisser avantageusement la place à la possibilité d’une offre globale entre un nombre accru de modes de transport mais avec une source unique d’information sur le meilleur moyen d’effectuer un déplacement en fonction de l’état des réseaux et la disponibilité des véhicules.
Combiner des services, des lieux et des biens
On voit bien que les frontières deviennent floues entre les modes de transports. Ce n’est pas un hasard si la SNCF s’est portée candidate à la consultation d’Autolib’ sur le modèle du Vélib’. Nous entrons dans l’aire d’une culture de la mobilité et du Green Design qui stimule l’émergence de nouveaux environnements articulant des services, des lieux et des biens. Sous la formule d’environnements intégrés se cache la possibilité de produire des situations de vie intégrant des concepts d’organisation, des lieux et des biens. Comme nous l’avons vu avec la voiture, la possession d’un bien peut être remplacée par un service de mise à disposition d’un bien identique mais renouvelable et toujours entretenu. Le bien matériel est alors intégré à un service plus vaste qui colle finement aux besoins de l’utilisateur.
La formule même d’environnements intégrés provient de l’informatique. Un environnement de développement intégré (EDI) décrit un programme regroupant un ensemble de différents outils se combinant pour faciliter le développement de logiciels. Si nous revenons à la société contemporaine, on s’aperçoit que nous avons des réponses ponctuelles à des besoins mais que ces réponses se superposent mal. Un environnement intégré structure l’ensemble des réponses à donner à une situation en mêlant simultanément les lieux, les biens et les services avec un mode d’administration invisible pour l’utilisateur. Si on reprend la consultation Autolib’, le mandataire doit s’associer avec un gestionnaire de parking, un gestionnaire de location de véhicules ayant une forte expérience, un fabriquant de voiture électrique, un développeur d’applications informatiques de gestion de comptes, un réseau de téléphonie mobile, un fabriquant de cartes magnétiques et une kyrielle d’autres entreprises pour la maintenance et le nettoyage des voitures… pour offrir un service simple et intuitif à l’utilisateur.
Créer de nouveaux territoires
Et les lieux dans tout ça ? La révolution est bien là, les services s'enracinent dorénavant dans les lieux pour créer des ambiances qui les trancendent. Jusqu'à présent, les consommateurs devaient se rendre dans des lieux dédiés pour trouver un service et cela évinçait les besoins de courte durée ou irréguliers. Aujourd'hui, nous observons un retour du « locus », où les services associés à des biens vont à la rencontre des consommateurs pour s'intégrer dans leur territoire de vie. L'offre ainsi générée associe des lieux, des biens et des services. « Après avoir diversifié les biens puis les services, la nouvelle technologie générique permettra de les conjuguer afin de satisfaire cette demande » explique Michèle Debonneuil auteur de « L'espoir économique. Vers une révolution du quaternaire ».
L'espace public devient soudain le lieu propice à la livraison de ces services et ce n'est pas pour rien que les lieux de transport jouent un rôle majeur dans cette nouvelle économie. Situés sur le passage de beaucoup de citadins, ils offrent un point de livraison rêvé pour des services ajustés au mieux à leur besoin (de la vente à la mise à disposition de biens ou de savoirs-faire). Ce faisant, ils enrichissent considérablement l'intérêt de ces lieux pour les consommateurs en leur conférant une plus value et une nouvelle identité.
Demain, nos rues et nos gares deviendront sans doute des espaces providentiels, où trouver ce qu'il vous faut sera simple à condition d'en payer de prix. L'hybridation de l'urbain et des technologies permettra d'associer des lieux, des biens et des services dans un montage complexe pour l'opérateur mais simple pour le consommateur.