Sanofi-Aventis a enregistré en 2009 une hausse de son bénéfice de 17% en un an (soit un bénéfice de 8 milliards d’euros). Spéciale dédicace aux 100 millions de doses de vaccin contre la grippe A(H1/N1) n’ayant finalement participé qu’à hauteur de 5% dans le bénéfice total du groupe pharmaceutique! A mettre en balance avec le fait que 80% des nouveaux produits pharmaceutiques mis sur le marché n’apporte aucun bénéfice d’après le classement annuel des autorités sanitaires…
Après la rencontre des dirigeants de ces firmes avec Nicolas Sarkozy le 26 octobre dernier, un rapport publié récemment par le ministère de l’Industrie fait un état des lieux des propositions destinées à « soutenir » l’industrie du médicament déjà très bien portante (mais dont la bonne forme ne fait curieusement l’objet d’aucun article de l’Express !! contrairement aux LABM (cf cet article)). Dans ce rapport, plusieurs propositions sont décrites comme celle ahurissante d’un « crédit d’impôt innovation » qui pourrait faire bénéficier d’un avantage fiscal les laboratoires qui soigneraient la présentation de leur produit (c’est Jean Louis Borloo qui va être ravi, lorsque l’on voit déjà la débauche de carton et plastique pour contenir parfois un seul comprimé…). Comme l’analyse François Autain, sénateur et secrétaire de la commission des affaires sociales au Sénat, « la frontière entre recherche et marketing est parfois ténue lors de l’expertise des budgets alloués à tel ou tel poste ».
Pas perso pour un sou, les laboratoires pharmaceutiques ont demandé par ailleurs « un maintien des moyens alloués à la recherche publique » afin de pouvoir bénéficier des découvertes fondamentales des chercheurs français, aux frais de la collectivité, sans que la dite collectivité bénéficie d’ailleurs d’une mansuétude particulière concernant le cout de certains traitements…
Face à ces géants industriels, les pouvoirs publics semblent bien peu téméraires à les impliquer dans la maîtrise du déficit structurel de l’Assurance Maladie. En 2007, en France, les médicaments remboursables représentaient pourtant 74 % du chiffre d’affaires de l’industrie du médicament. L’attitude de protection des pouvoirs publiques des industries du médicament pourtant largement bénéficiaire est difficilement acceptable lorsque dans le même temps, une réforme casse délibérément notre profession. Rappelons que le remboursement des analyses médicales par l’Assurance Maladie n’excède pas 4.5 Milliards d’euros (soit près de la moitié du seul bénéfice de Sanofi Aventis cette année) et qu’aucun dépassement d’honoraire n’est autorisé pour les biologistes.
Visée par de multiples rapports, l’Industrie pharmaceutique s’en sort pour l’instant plutot pas mal !
La CE avait publié le 28 novembre 2008 un rapport préliminaire sur la concurrence dans le secteur de l’industrie pharmaceutique. Le rapport montrait que les laboratoires pharmaceutiques, qui développent et vendent de nouveaux médicaments, ont recours à différentes méthodes pour retarder ou entraver l’accès au marché des entreprises concurrentes ou commercialisant des médicaments génériques. Parmi les moyens utilisés figurent le dépôt de « grappes de brevets » pour un seul médicament, la multiplication des litiges allongeant les délais de mise sur le marché, ou bien encore l’intervention dans les procédures nationales d’agrément des médicaments. La mise sur le marché des médicaments génériques en est en moyenne retardée de sept mois, générant des coûts faramineux pour les systèmes de soins de santé, les consommateurs et les contribuables. Pour la commissaire Européenne les patients et les caisses de maladie auraient pu économiser 3 billions d’euros entre 2000 et 2007 si les génériques avaient pu être mis sur le marché plus tôt.
Dans un autre rapport cette fois ci en 2007, l’IGAS (inspection générale des Affaires sociales) avait pointé du doigt la trop forte pression des visiteurs médicaux exercée selon elle, par les laboratoires pharmaceutiques sur les médecins généralistes, générant la contre attaque des Entreprises du médicament (LEEM) au nom de la libre entreprise (plutot cocasse quand on se reporte au précédent paragraphe!). En 2005, les dépenses promotionnelles auraient ainsi atteint le chiffre impressionnant de 3 milliards d’euros, dont les trois-quarts pour les visiteurs médicaux. A titre d’exemple, un médecin généraliste voit défiler tous les ans dans son cabinet… 330 visiteurs médicaux !! Cette « visite médicale », « financée en fait par la collectivité à travers les prix administrés du médicament, s’avère un moyen très coûteux », avec « plus de 25.000 euros par médecin généraliste et par an ». Sans compter l’influence sur l’expansion globale des prescriptions.
L’IGAS avait préconisé donc que la HAS devienne « l’émetteur unique d’information sur le bon usage du médicament ». Ce vœu pieux n’a pour l’instant pas été porteur de trop lourdes conséquences…
L’Ordonnance 2010 portant réforme de la Biologie Médicale ne se propose d’emblée pas de limiter la casse, puisqu’elle autorise délibérément la publicité dans le domaine des analyses, jusqu’ici très peu développée, auprès du corps médical et pharmaceutique.
Au terme de votre lecture, ne vous semble t’il pas qu’il y ait deux poids, deux mesures entre l’industrie pharmaceutique et l’intense acharnement centré depuis deux ans sur nos laboratoires d’analyses médicaux suite à la plainte d’un groupe leader européen en diagnostic médical?
Le plus inquiétant est qu’à terme, les interlocuteurs principaux des autorités ne seront plus les représentants syndicaux d’une profession libérale jugée trop protégée mais bien les dirigeants des 4 ou 5 futures firmes se partageant en Europe le monopole du diagnostic médical. Les conséquences pour nos patients seront sans doute sans commune mesure…
Qui vivra verra. Mais ne cessons pas le combat !