Les traders attaquent la dette grecque avec les CDS A l’époque, quand les banques britanniques "HBOS" (deuxième banque d’Angleterre) et "Bradford and Bingey" ont voulu se recapitaliser par l’émission d’actions sur les marchés, cela fut impossible car le « shadow banking » vendait court (à terme) les actions (qu’il n’avait pas) des deux banques pour les faire tomber en dessous des prix d’émissions et les racheter à prix cassés…les deux banques n’ont pas trouvé d’investisseurs pour leurs actions, elles n’ont donc pas pu se recapitaliser, l’Etat britannique a été obligé de les sauver.
En 2010, les traders attaquent la dette grecque avec les CDS (Credit Default Swaps), contrats qui permettent aux détenteurs d’obligations de s’assurer contre le défaut de l’emprunteur. Le « charme » des CDS, c’est que l’on peut souscrire un contrat d’assurance sur un crédit que l’on n’a pas accordé, comme si l’on souscrivait une assurance incendie sur la maison du voisin ou une assurance vie sur son meilleur ami !
Ainsi, 76 milliards de dollars de CDS ont été passés sur la dette grecque, soit près de 30%...les spéculations habituelles commencent à 5% ! Les traders ont donc misé l’équivalent de 30% de la dette grecque sur la faillite de la Grèce…évidemment, le taux des primes d’assurances par CDS a monté, il représente maintenant plus que les taux d’intérêt de base des dettes souveraines. En conséquence, le taux de la dette grecque a doublé, donc la valeur des 250 milliards de dollars des obligations grecques détenues par les banques européennes a baissé. Les gérants de ces banques font sûrement la tête du roi Augias jeté par Hercule en pâture à ses chevaux !
De plus, certains traders facétieux ont même passé 57000 contrats de vente à terme pour une valeur de plus de 8 milliards de dollars contre l’Euro pour le faire baisser et le racheter après, son taux de change a d’ailleurs baissé de 1,5$ à 1,37$...
Les banques européennes ont prêté 258 milliards de dollars à l’économie et à l’Etat grec L’émission de la dette grecque de janvier 2008 est passée, les prochaines émissions s’annoncent en avril et mai 2010 et l’enthousiasme des marchés fait peine à voir. Le Premier ministre grec est-il capable de tenir ses promesses de stabiliser les finances publiques ? Après tout en Estonie, les exigences du FMI ont amputé le PIB de 26%, réduit de 50% les salaires des fonctionnaires et abaissé de plus du tiers les dépenses sociales…d’où l’appel à la solidarité européenne.
Mais l’opinion allemande n’est pas prêteuse et c’est là son moindre défaut. Le problème est que derrière la dette grecque il y a les banques européennes. Elles ont prêté 258 milliards de dollars à l’économie et à l’Etat grec (Source : Banque des règlements internationaux). Certes, la dette souveraine grecque (250 milliards de dollars), c’est la moitié du bilan de Lehman Brothers (618 milliards de dollars), mais derrière la Grèce, il y a l’Espagne, or la croissance espagnole résulte d’une spéculation immobilière.
L’économie espagnole n’est donc pas vraiment solvable, dans ces conditions l’Etat espagnol peut-il payer ses dettes ? Or, les banques européennes ont prêté 671 milliards de dollars à l’économie et à l’Etat espagnol (Source : Banque des règlements internationaux), ce chiffre tient-il compte des 550 milliards de dollars de crédits hypothécaires en Espagne ? Cela n’est pas sûr du tout ! Le total des engagements des banques européennes sur la Grèce et sur l’Espagne dépasse donc les 900 milliards de dollars.
Tout ceci est de nature à faire hésiter la toute puissante Chancelière Angela Merkel : faut-il secourir la Grèce et l’Espagne pour protéger les banques ou à nouveau comme Pénélope soutenir les banques en difficulté lorsque la Grèce et l’Espagne auront tourné de l’œil ?
Le choix est implicite mais il va déterminer les décisions de l’Allemagne donc de l’Union européenne : une chaleureuse solidarité européenne pour sauver la Grèce ou la punition de la cigale grecque pour ses dépenses somptuaires… "Timeo danaos et dona ferentes" (Virgile, L’Enéide)… "Je crains les Grecs et quand ils font des cadeaux".
Morad El Hattab et Philippe Jumel, les auteurs de ce texte, ont coécrit, en 2008, La finance mondiale : Tout va exploser.