Haïti : l'attente des tentes
Le président René Préval s'en plaint, il n'y en a pas assez sur le marché mondial. Bill Clinton en promet, mais ne peut dire quand elles arriveront. Nicolas Sarkozy double la mise : il en propose et aussi des bâches. La population en rêve depuis le tremblement de terre du 12 janvier.
En Haïti, l'attente des tentes ronge les nerfs de tous.
Pour le moment, de rares privilégiés en disposent alors que la grande majorité de la population sinistrée s'abrite sous des refuges de fortune faits de bric et de broc, en toile, en plastique ou en tôle. Sur des terrains vagues, des places publiques ou dans la cour de leur maison effondrée.
Avec les premières pluies, les craintes des responsables augmentent. Ils vivent dans la hantise de manifestations incontrôlables des insatisfaits fatigués de vivre dans des conditions pénibles. Chaque jour de petits groupes, ici ou là, dénoncent la lenteur des distributions d'aide et l'interminable attente des tentes. Cela peut déborder à tout moment.
Les responsables sanitaires redoutent aussi l'apparition de maladies et d'épidémies dans les regroupements improvisés de population et tous les autres périls qui rodent en silence dans les rangs des sinistrés, périls que la pluie pourrait provoquer ou aggraver.
Les incendies qui à tout moment peuvent se déclarer sous ces refuges de toile font partie des risques que des abris fabriqués en tissus ininflammables réduiraient.
Cependant, les tentes présentée comme le panacée, masque les autres débats qui auraient dû se tenir en dépit de l'urgence : faut-il vraiment des tentes, de quelle capacité et en quelle quantité ? Faut-ils des abris sûrs ou des abris provisoires ? Au prix que coûte une tente comparé à celui du mètre carré de construction en Haïti pour une famille modeste, ne serait-il pas préférable d'investir dans un gigantesque projet de logements sociaux ?
Dans un pays où naturellement le provisoire dure longtemps, tout est à craindre.
Ajouté à cela, personne ne sait combien il y a vraiment de réfugiés ? Les chiffres devenus officiels sont sortis de nulle part dans la première semaine qui a suivi le tremblement de terre, sans aucun recensement réel.
Personne ne sait non plus, pour n'avoir mené enquête, combien de ceux qui sont actuellement dans les abris ont perdu leur maison ? Combien y sont parce qu'ils ont peur de dormir sous un toit par appréhension des répliques qui, plus d'un mois après le séisme meurtrier, ne cessent de troubler la quiétude de la population ?
Dans l'attente des tentes, le temps passe. Les millions s'alignent dans des projets pharaoniques qui n'annoncent rien de concret pour ceux qui ont perdu leur petite maison dans la ville, leur habitation, leur commerce, leur gagne pain.
Une tente, des sacs de riz, l'eau à proximité des camps, les visites médicales gratuites, la distribution d'électricité improvisée dans les lieux de regroupement et même dans des villages loin du centre-ville, rien de cela ne comblera l'attente de ceux qui espèrent que l'aide leur redonnera leur vie d'avant ou quelque chose qui y ressemble.