Qu’on se rassure, il ne s’agit pas de politique. Ou plutôt si ! Mais de Politique au sens d’art de l’impossible.
Mais, en tant que suiveur de longue date du débat sur les nanotechnologies, il me tenait à cœur de pouvoir expliciter les malentendus sur les anti-nanotechnologies. Il se trouve que la secrétaire d’état à l’écologie, Chantal Jouanno, tombe à pieds joints dans toutes les idées reçues. Naïveté… ou technique de communication.
Extrait commenté de l’entretien paru dans Le Monde
Nous ne construirons une société écologique que dans une démocratie réaffirmée. Briser l’élan de la parole, empêcher les débats publics et l’information sont les voies redoutables de la tyrannie, non pas verte, mais tout simplement obscurantiste. Ce sont pourtant ces procédés qui bloquent aujourd’hui le débat autour des nanotechnologies, ouvert le 15 octobre 2009 et qui doit se clore le 23 février 2010. Cet engagement du Grenelle de l’environnement, voulu par tous ses acteurs – associations, syndicats, acteurs économiques et experts – est aujourd’hui en butte à d’inquiétantes entraves.
Dire que les empêcheurs de débat public sont des obscurantistes, c’est croire qu’il existe des obscurantistes. C’est à dire des gens qui diraient « halte au savoir !» . Honnêtement, mis à part les créationnistes, absents du débat français, on connaît peu de cette clique là. Il faut rappeler que les collectifs anti-nanos, dont Pièces & Main d’Oeuvre est incontestablement la figure de proue, ne versent pas vraiment dans l’obscurantisme. Il suffit de lire leur abondante littérature pour se convaincre qu’ils maîtrisent mieux que n’importe quel politique (et même n’importe quel technicien !) les concepts et enjeux des technologies convergentes. Et pour cause, la critique des nanos vient aussi et surtout des milieux scientifiques, universitaires et de chercheurs !
La clique qui existe bel et bien, c’est celle des technophiles. C’est à dire de ces gens qui confondent progrès et progrès technique. Ces gens qui naviguent encore sur cette vétuste conception de la science neutre démentie par l’histoire et l’actualité quotidienne.
Inquiétantes, tout d’abord, parce qu’elles trahissent les fondements mêmes de notre démocratie que sont la libre parole dans l’espace public et l’accès à l’information. Remplacer le verbe par la menace ou la violence, c’est manquer à notre tradition de liberté éclairée et partagée. Empêcher la tenue d’un débat dont le principe a été discuté, admis et inscrit dans la loi Grenelle 1 du 3 août 2009, c’est dénier la démocratie.
C’est un paradoxe que de dire que la libre parole est gage de démocratie quand on empêche la parole anti-nano de s’exprimer. Passons sur la menace ou la violence qui sont des fantasmes purs et simples. Ou alors dans quelle catégorie d’arme classer la boulettede papier ? On dirait du Jean-Christophe Rufin qui voit dans les divers fronts de libération animale (inexistants en France d’ailleurs) une menace terroriste majeure quand ces groupuscules étrangers n’ont jamais blessé le moindre humain. Pour information un certain Water Bousson, aimablement surnommé à juste titre Docteur La Mort, est lui un scientifique dont les exploits terroristes sont tels qu’on se demande comment il peut encore officier dans les universités. A croire que stériliser les femmes noires et concocter des cigarettes à l’anthrax est un crime moins grave que libérer une douzaine de singes comme Brad Pitt.
Bref, on est ici dans le mensonge ou l’exagération.
Par contre, on peut admettre que ce soit effectivement un déni de démocratie que d’empêcher un débat qui a été décidé par une loi. Il s’agit plus d’entrave à la loi que de refus de la démocratie (beaucoup d’organisations environnementales ont dénoncé le Grenelle… mais c’est un autre débat). Mais du coup, comment qualifier ceux qui organisent un referendum et passent outre (29 Mai) ou ceux qui n’appliquent pas la loi sur le logement social etc. Ne sont-ce pas là des manifestes dénis de la démocratie ?
Inquiétantes, aussi, parce qu’elles ferment la voie à ce que l’évolution du monde nous impose aujourd’hui de fonder : une politique appuyée sur des choix éclairés et débattus. Dans un domaine récent et en croissance rapide, les débats entre experts scientifiques sont une nécessité : il n’est pas de décision responsable qui soit fondée sur l’ignorance. Les bénéfices espérés des nanotechnologies pour nos modes de vie peuvent être majeurs, leurs effets potentiels sont à explorer. Elles appellent donc une information et une réflexion collectives. Elles appellent de nouveaux processus de concertation, ceux-là mêmes que le Grenelle de l’environnement a inaugurés. Empêcher le débat, c’est limiter l’accès au savoir et insulter notre société.
Paradoxe paradoxe… « L’évolution du monde nous impose» mais il y a « un débat pour décider« … Et comme on aimerait entendre ces déclarations vertueuses pour d’autres enjeux technologiques comme les nouveaux chantiers nucléaires (nouvelle génération et fusion ITER), le type d’enfouissement des déchets associés (ah mais si le débat a eu lieu… après décision par lesdits experts), ou encore l’expérimentation génétique. En somme, nous souscrivons volontiers à ces pétitions de principe. Tout en regrettant que ceci n’ait jamais eu lieu en réalité. Et nous regrettons bien sûr que la seule fois où les experts se frottent vraiment à l’opinion publique et la démocratie populaire, ils dénigrent la vindicte plébéienne…
Entraves inquiétantes, enfin, parce que si elles ferment la porte du savoir et du progrès, elles ferment tout autant celle de la précaution. Ne nous mentons pas : la sûreté de notre société ne peut être construite dans l’ignorance des évolutions qui sont en cours. Car parler de nanotechnologies, c’est parler de quoi ? Non seulement de l’avenir, avec les inquiétudes autant que les espoirs qu’il soulève, mais c’est aussi parler de notre quotidien. Des cosmétiques à l’électronique, en passant par les emballages alimentaires, les médicaments ou les raquettes de tennis, leurs applications se multiplient. C’est donc aujourd’hui qu’il nous faut apprécier leurs impacts potentiels, qu’ils soient sanitaires, environnementaux, économiques ou éthiques, pour accompagner leur développement.
Prétendre qu’un tel débat n’a pas de sens est imprudent puisque, précisément, certaines nanotechnologies sont déjà sur le marché. Le développement des sciences et des technologies est encouragé par notre société et c’est à notre société de construire une démocratie capable de les réguler et de les encadrer. C’est à notre société de refuser que les applications de la science deviennent incontrôlables. Le débat est une voie de régulation, car il permet de discuter et de fonder nos choix collectifs. La transparence, clé d’un accès partagé au savoir, l’est tout autant. C’est pourquoi nous avons voulu mettre en place un inventaire obligatoire de toutes les utilisations connues de substances nanoparticulaires dans le projet de loi Grenelle 2, actuellement en discussion à l’Assemblée nationale. C’est là une première, qui fait de la France une pionnière en matière de débat public et de vigilance sur ces questions.
Paradoxe toujours ! Les nanotechnologies sont déjà là. « La démocratie ne sert qu’à les encadrer« . Et dans la phrase d’après, on nous dit que le débat sert à discuter les choix collectifs. Choisir ou encadrer il faut… débattre.
On en perd son latin face à cette quadrature du cercle où la science incontrôlable doit se plier au règle de la démocratie qui consiste à encadrer la science. Passons sur la réduction du débat sur les nanotechnologies au plan toxicologique. Alors que PMO explique que ce qui est refusé, c’est la nanomonde, la société de contrainte à venir et rendue possible par les nanotechnologies.
Il nous appartient de construire un monde qui soit capable d’intégrer des technologies nouvelles. Nous ne devons pas en avoir peur. Le choix est simple : ne pas progresser, ne pas s’informer, ne pas dialoguer… ou inventer, connaître et choisir collectivement, pour un monde conscient et serein.
Un peu manichéen… On se demande même si Chantal Jouanno sait que PMO diffuse, organise des débats et possède même, comble de la perversion obscurantiste, un site internet où tous les documents sont accessibles.
Pour toutes ces raisons, nous avons besoin d’un débat ouvert sur la question des nanotechnologies. Un débat où chaque citoyen puisse s’exprimer, interroger, mesurer les risques. Il est encore temps de construire l’avenir en ce domaine, respectons le moment du débat. Donnons-nous, ainsi, les moyens de construire une société durable, qui soit une société du savoir et de la démocratie.
Il serait bon que quelqu’un réponde à toutes les critiques formulées par PMO sur la prétendue neutralité de ce débat. Est-ce un hasard si les Amis de la Terre, la Ligue des droits de l’Homme, pompeusement invitées, se sont retirées des débats. Est-ce normal que ce soit un cabinet de lobbying qui sous-traite l’organisation du débat ? Est-ce normal que des instituts travaillent sur l’acceptabilité, par tous les moyens -notamment ludiques-, des nanotechnolgies de contrainte ?
Pour finir, se pourrait-il que ce pseudo-débat fasse partie du programme d’acceptabilité (» Oh mais attendez, il y avaot un débat pour vous exprimer !» ) ?
Baptiste, ingénieur optronique.
Pour ceux qui ont des yeux :