Les entreprises face au changement climatique : l’après Copenhague

Publié le 17 février 2010 par Jblully

La conférence de Copenhague s’est, certes, conclue par un accord non contraignant, mais pour la première fois la nécessité, d’un point de vue scientifique, de contenir l’évolution de la température de la planète en dessous de 2 °C, a été reconnue. Une montée en puissance des politiques publiques d’atténuation du réchauffement climatique semble très probable. Ces engagements auront des conséquences pour les entreprises, et celle-ci doivent se préparer à des changements qui vont nécessairement engendrer des coûts mais peuvent également être porteurs d’opportunités. C’était l’objet du débat qui s’est tenu le 1er février dernier à la CCIP entre chefs d’entreprises et experts.


Le sommet de Copenhague s’est soldé par un échec, pour autant les entreprises doivent faire face à des changements. Premier changement, la montée en puissance des politiques publiques, avec des choix d’instruments encore à faire entre quotas (système ETS), taxes et normes. Ces instruments sont-ils substituables ou complémentaires ? La décision du Conseil constitutionnel invalidant la contribution climat énergie soulève, au-delà du problème de l’égalité devant l’impôt, la question de l’articulation et de la dualité de l’approche par les quotas et de l’approche par les taxes. Ces questions sont soulevées dans l’ouvrage présenté par Stefan Ambec et Francesco Ricci.

Ces réglementations auront un effet sur le développement des innovations, qui pour certaines seront des innovations de contournement. Les chefs d’entreprises présents à ce débat ont démontré qu’il existe des opportunités liées au développement de l’économie verte. Ainsi, l’industrie éolienne représente en France 9500 emplois directs et pourrait aller jusqu’à 60 000 emplois à l’horizon 2020. La production d’énergie éolienne est certes aujourd’hui aidée par un tarif subventionné, mais l’augmentation du prix des énergies fossiles la rend de plus en plus compétitive. D’autres secteurs non directement positionnés sur les marchés verts, peuvent se transformer pour devenir à la fois plus respectueux de l’environnement et plus compétitifs. C’est tout l’enjeu de l’éco-conception, qui consiste à intégrer l’environnement dans toutes les étapes du cycle de vie d’un produit : réduction des coûts, amélioration de la qualité du produit et de sa longévité notamment. Dans certains secteurs traditionnels comme les industries électriques (Gimelec), la mise en place de normes et de dispositifs fiscaux peut pousser les entreprises à proposer une nouvelle démarche.

Les experts ont néanmoins tempéré l’enthousiasme des chefs d’entreprises. La croissance verte apparaît comme une solution miracle pour générer la croissance de l’après crise. Certes, mais la question est bien de savoir où se fera la croissance ? L’exemple de l’éolien et de son leader mondial danois, Vestas, ne doit pas faire oublier qu’aujourd’hui la plupart des cellules photovoltaïques sont fabriquées en Chine. Des doutes se sont exprimés quant à la capacité de créer 600 000 emplois vert (voir rapport du Conseil d’orientation de l’emploi). Premier doute, qu’est-ce qu’un emploi vert ? Deuxième doute, il y aura des transferts d’activités, certains secteurs gagneront au détriment d’autres, ainsi la croissance verte créera des emplois mais elle en détruira également. Enfin, où seront crées les emplois, car la mondialisation existe également dans l’économie verte ?

Ainsi, Copenhague a été le lieu d’une immense bataille industrielle, chacun des acteurs y menant une stratégie propre afin de pousser ses technologies. Les gagnants seront les premiers présents sur les marchés, pour les occuper mais surtout pour fixer les régles du jeu. Ce séminaire a été l’occasion de faire le point sur la capacité de l’Europe à se positionner sur ces marchés et sur son retard pris en matière d’innovation (voir CERNA).

L’intégralité des actes de ce séminaire, et notamment les interventions de Christian de Boissieu et Corinne Lepage, sont en ligne.

*) Christian de Boissieu (Président du Conseil d’Analyse Economique, Conseiller économique de la CCIP), Corinne Lepage (Député Européen, Vice-Présidente de la Commission Environnement, Membre de la délégation européenne à la conférence de Copenhague), Stefan Ambec (Ecole d’Economie de Toulouse), Francesco Ricci (Université de Poitiers et Ecole d’Economie de Toulouse), Nicolas Wolff (Directeur général, Vestas France), Catherine Ronge (Directrice O2 France, Vice Présidente Entreprendre Vert), Gérard Cappelli (Gimélec), Mathieu Glachant (CERNA Mines Paris Tech), Bernard Sinclair Desgagné (HEC Montréal).