La Cour d’appel de Paris dans un arrêt en date du 16 octobre 2009 a reconnu au mannequin la qualité d’artistes-interprètes dès lors que celui-ci s’est livré à une interprétation personnelle de son personnage.
La jurisprudence s’accorde pour énoncer que le statut de mannequin ne permet pas à ce dernier de bénéficier des dispositions de l’article L. 212-4 du Code de la propriété intellectuelle relatif aux artistes-interprètes (voir en ce sens TGI Nanterre, 1ère Chambre civile section A, 3 juillet 2002, Légipresse 2002, n° 196, I, p. 133).
En effet, de nombreuses tentatives ont permis aux juges de refuser de qualifier le mannequin d’artiste-interprète lorsque celui-ci voulait obtenir réparation de l’exploitation de son image sans autorisation. Il devait donc recourir au régime des droits de la personnalité notamment sur le fondement de l’article 9 du Code civil.
Le pôle 5, chambre2 de la Cour d’appel de Paris, en requalifiant le contrat liant un mannequin et une grande société d’électroménagers, a ainsi reconduit un loup dans la bergerie pour les commanditaires de publicité (Cour d’appel de Paris, 21 janvier 1995, RJS 1995. 297 n° 448 ; Conseil d’Etat 17 mars 1997, Dalloz 1997 467).
La Cour a confirmé la décision des juges de première instance qui ont requalifié ledit contrat en contrat d’artiste-interprète dès lors que le mannequin ne s’est pas borné à une simple prestation de mannequinat. Autrement dit, l’interprétation personnelle d’un personnage, en l’occurrence un client, permet au mannequin de bénéficier du statut d’artiste-interprète.
De cette manière, la Cour établit une distinction claire en théorie qui suppose que la simple utilisation de l’image de la personne caractérise le rôle du mannequin contrairement à l’artiste-interprète qui suppose une interprétation personnelle d’un personnage.
Comment la Cour aurait pu t-elle faire autrement dès lors qu’elle constatait une interprétation personnelle du personnage par le soi-disant mannequin ? En effet, un des critères d’accès à la qualité d’artiste-interprète est l’exigence d’une expression artistique, qui ne suppose en aucun cas l’originalité de la prestation.
A ce titre, l’interprétation n’est qu’une simple exécution de l’œuvre qui est apprécié indépendamment du mérite, du talent de l’artiste, de sa valeur ou encore de sa notoriété (C. Carreau, Mérite et droit d’auteur, op cit. n° 416-417).
De même la brièveté de l’interprétation n’est pas toujours déterminante, et ce d’autant plus en matière publicitaire (Ccass, 1ière Chambre civile, 6 juillet 1999, Dalloz 2000. 209).
Cette jurisprudence instaure une distinction nette qui pour certains publicitaires, n’est pas aisé à cerner puisque nombre de films publicitaires mettant en scène des mannequins afin d’utiliser leur image, obligent ces derniers à retranscrire notamment une certaine gestuelle et un regard précis qui a pour finalité de mettre en avant l’attitude d’un personnage prédéfini à l’avance.
En effet, le mannequinat n’est-il pas en soi une expression artistique du mannequin donnant son interprétation personnelle d’une situation en particulier, d’un contexte, d’un sentiment… ?
En tout état de cause, la Cour rappelle une nouvelle fois que les parties à un contrat de mannequinat doivent utiliser seule l’image sans qu’aucune interprétation ne soit donnée. Cela est-il toute fois réalisable ?
Référence:
Cour d’appel de Paris, Pôle 5, Chambre 2, 16 octobre 2009 n°RG : 09/14550