Suite au Midi festival, j’avais, comme beaucoup d’autres présents ce jour là, fureté sur la toile, histoire de voir ce que donnaient les So So Modern dans mon casque audio. Déçu de ne pas retrouver dans la puissance et les arrangements la folie retord insufflée sur scène, mon attention s’était quelque peu étiolée. Puis, plus rien. Normal, les quatre néo-zélandais se sont retirés du monde, se repliant sur leur terre natale pour enregistrer enfin un album digne de ce nom. Avec un tel potentiel, la procrastination du groupe en la matière confinait à l’insouciance : pas moins de sept EP et une liste de concerts donnés aux quatre coins du monde longue comme un bras. J’exagère à peine. Signé sur Transgressive Records, par ailleurs label de Esser, Two Door Cinema Club et Foals, ils ont mis huit mois pour enfanter Crude Futures qui s’impose comme “une façon de montrer tous les extrêmes et les contrastes du groupe, du plus violent au plus calme, crié ou chanté, touffu ou aéré.” Si cette préoccupation de passer du coq à l’âne ne date pas d’hier pour le détonant quatuor, à n’en pas douter, et dès la première écoute, celle-ci prend une nouvelle dimension. Reconnus dans leur pays d’origine, Crude Futures, par sa justesse dans la production, résonne comme la promesse d’un avenir taillé à l’échelle du globe. Pris à la gorge par le redoutable et instrumental Life In The Undergrowth qui plante le décor sans pour autant en révéler l’ampleur, The Worst Is Yet To Come ne relâche pas l’étreinte, mitraillant à tout va les tympans de ses nappes de claviers survitaminés. On se prend à penser à Shy Child et aux meilleurs morceaux de Noise Won’t Stop (2007) quand Dendrons révèle alors une facette alors méconnue du groupe musicalement proche d’At the Drive-In, les refrains pop en plus. Be Anywhere met certes plus de temps à se mettre en place mais devient proprement génial où, passé un break discoïde, les guitares répondent aux voix sur une batterie en parfait contre temps. Born Ruffians n’est pas loin, en plus dense et texturé. Une ligne de synthé plus loin, implacablement martelée, et voilà que Crude Futures bascule du très bon à l’addictif. Berlin est un hymne synthétique à l’instrumentation sinusoïdale capable de contaminer un nombre incalculable d’oreilles abasourdies. Suite à une telle saillie jubilatoire que les écossais d’Errors auraient aimé compter dans leur répertoire, les So So Modern temporisent et offrent avec Dusk & Children leur morceau le plus intimiste. Holiday, quant à lui, est parfaitement représentatif de la cyclothymie du groupe, les césures dans le rythme s’enchaînant effrontément à mesure que Grayson Gilmour s’époumone. Si Island Hopping /Channel Crossing est dans la même veine, on croit déceler un improbable mais percutant mashup voyant Noah Lennox et ses petits copains s’évertuer à suivre Don Caballero dans une folle embarquée au final mémorable. A peine le temps de rassembler ses idées que les guitares annoncent déjà une autre rafale d’efficacité pop avec Give Everything, morceau conclusif d’un album dénué de temps mort. Voulant dépeindre avec Crude Futures les lueurs d’espoir qui perdurent ici et là dans un monde déshumanisé et désolé, les So So Modern dispensent d’une manière magistrale leur intention de vie : le râle intrépide d’une jeunesse qui ne s’en laisse pas conter. Imparable pour tout quidam amateur de sensations fortes.
Thibault
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Tracklist
So So Modern - Crude Futures (2010, Transgressive Records)
01. Life In The Undergrowth
02. The Worst Is Yet To Come
03. Dendrons
04. Be Anywhere
05. Berlin
06. Dusk & Children
07. Holiday
08. Island Hopping /Channel Crossing
09. Give Everything