Lecture in progress : Bellefleur (I).
Nous allons tenter ici une expérience mondialement inédite : vous faire partager le bonheur de lire le roman gothique de Joyce Carol Oates, publié en 1980 et ressorti en janvier 2010 aux éditions Stock en France, sans pour autant vous dévoiler l’histoire. Je vais l’évoquer au rythme d’un feuilleton, parfois grâce à un extrait, une image, un morceau de musique. J’en suis à la page 223, et le livre en contient 784.
C’est juste un livre d’une incroyable richesse, qui me touche beaucoup et fait naître des images en moi, tant grâce au style, extraordinaire, qu’à l’histoire en forme de saga à la chronologie bouleversée avec une galerie de personnages étrangement inquiétants.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, je voulais juste apporter quelques précisions :
- Voici ce qu’écrit l’auteure en préambule de son oeuvre : “Ceci est une oeuvre de l’imagination, et doit obéir, avec humilité et audace, aux lois de l’imagination. Que le temps se noue et se déploie, puis s’efface, pour redevenir formidablement présent ; que le “dialogue” se fonde parfois dans le récit et dans d’autres conversations présentées de façon conventionnelle : que l’invraisemblable fasse autorité et soit investi d’une complexité habituellement réservée à la fiction réaliste : l’auteur l’a voulu ainsi. Bellefleur est une région, un état d’âme, et il existe vraiment ; ses lois, sacro-saintes, sont tout à fait logiques.”
- Voici ce qu’elle écrivait dans son journal intime à l’époque de l’écriture de ce roman (qu’elle qualifie de “roman-vampire” tant il l’a “vidée de son énergie”) : “Pour je ne sais quelle raison, je n’arrive pas à avoir une emprise sur ma vie ici. A me faire un emploi du temps raisonnable. J’ai envie d’écrire en permanence. D’écrire «Bellefleur» continûment. Continuellement. Cela déborde sur tout, dans tout, la sensation persistante, harcelante… que je devrais travailler à ce roman même quand je suis en train de faire mille autres choses. Mais je ne peux pas écrire tout le temps. Je ne dois pas écrire tout le temps. Je ne dois pas écrire tout le temps. Je ne dois même pas envisager quelque chose d’aussi mauvais. (…) Ici, à mon bureau, depuis des heures, depuis 8h30 ce matin (et il est 19h30), totalement absorbée dans les anneaux serpentins de langage qui constituent «Bellefleur». Vivre la langue minute par minute… les arabesques de la langue… prononcer des phrases et des expressions à haute voix (et certaines de ces phrases sont d’une longueur ambitieuse)… sentir quelque chose naître à la vie… quelque chose d’indéfinissable, d’incalculable…” Extrait de son Journal, 1973-1982, aux éditions Philippe Rey.
- Le roman s’étale sur une longue période : de la fin du XVIIIe siècle au début du XXe en présentant sept générations de la famille Bellefleur (un arbre généalogique en début de roman vous permet de vous repérer si vous êtes perdu, mais malgré le non-respect de la chronologie dans son récit, il me semble qu’on navigue tout à fait aisément dans les années…).
Ce sera tout pour aujourd’hui… C’était juste un “teaser”…
La musique correspond selon moi à l’ambiance du livre, elle est des Cocteau Twins : Otterley.