Le “Monsieur Cheval” de l’Elysée n’est pas un illustre inconnu. Dans le milieu on dirait qu’il a de bons papiers (de bonnes origines). Le patronyme en impose, fleurant bon la vieille france : Jean-François Etienne des Rosaies. Le parcours professionnel est à la hauteur. Monsieur Cheval (c’est plus court), préfet en retraite, est un ancien membre du cabinet de Robert Pandraud (Ministre délégué à la sécurité sous les ordres de Charles Pasqua), ancien conseiller spécial pour les services du renseignement , mais toujours avec un pied dans la maison comme Directeur Technique National pour les sports équestres de la Fédération sportive de la Police nationale.
Repéré par Nicolas Sarkozy lorsqu’il était place Beauvau, celui-ci l’a emmené dans ses bagages à l’Elysée pour en faire officiellement son Conseiller Cheval, ancienne fonction interministérielle rattachée au Premier ministre. A défaut des voleurs de poules, les voleurs d’équidés n’ont qu’à bien se tenir. Ce tournant sécuritaire n’est pas du goût de Garibaldi, cheval de la garde républicaine qui vendredi décidait de rendre son tablier (cf vidéo ici) .
Jusque là, rien de bien grave, l’Elysée n’est plus à un conseiller prés . Ca se corse quand l’intéressé décide de prendre en main sans concertation l’avenir de la filière cheval. La révision générale des politiques publiques (RGPP) lui en offre l’occasion. En quête d’économies, l’État décide du rapprochement des Haras Nationaux et de l’Ecole Nationale d’Equitation (ENE). Un mouvement conséquent de rationalisation du fonctionnement des Haras Nationaux avait été lancé dans les années 2000 avec la transformation de l’institution en établissement public mais, l’exécutif veut désormais aller plus loin. Outre le démantèlement physique des Haras Nationaux par la vente de biens immobiliers et la fermeture de nombreux sites, la fusion est programmée avec l’ENE.
Notre Monsieur Cheval se retrouve ainsi président du Comité de préfiguration et brigue la présidence de la nouvelle structure, l’Institut Français du Cheval et de l’Équitation (IFCE), créé par décret le 22 janvier 2010 et entré en vigueur le 1er février.
Est-ce pour s’attacher des faveurs et obtenir le coup de pouce nécessaire dans sa quête à la présidence de l’IFCE, deux faits divers récents viennent de donner un éclairage particulier aux manières de faire du prétendant.
Premier épisode il y a quelques mois, lorsqu’un jeune cavalier de 16 ans, sans monture mais pas sans aplomb, n’hésite pas à écrire personnellement au président de la république pour lui réclamer… l’attribution d’un cheval de pointure olympique dans le domaine du saut d’obstacles. A la surprise générale, le demandeur qui a parfaitement saisi le mode de fonctionnement de l’Elysée se voit récompensé de sa témérité par la mise à disposition du performer bien connu des terrains de concours hippique : First de Launay.
Rebelote il y a peu. Un obscur cavalier classé au 800ème rang des cavaliers professionnels de deuxième catégorie en saut d’obstacles se voit attribué trois étalons de très grande qualité stationnés jusqu’alors en Vendée, à la Roche-sur-Yon. Timothé Bazire n’aura pas eu besoin de prendre sa plume, ses liens de sang auront suffi. Il est le neveu de Nicolas Bazire , ancien directeur de cabinet d’Édouard Balladur, témoin de mariage de Nicolas Sarkozy.
Le sentiment des hommes de cheval est résumé dans le coup de sang de Philippe Poiraud, président de l’Association des Éleveurs du terroir Vendéen (ASSELVEN). “Nos étalons sont partis aux Bréviaires à la demande du Conseiller Cheval de l’Élysée pour être essayés par Timothée Bazire, cavalier ordinaire. Les chevaux lui convenaient, le chauffeur de La Roche est donc revenu avec un camion vide! Ces chevaux avaient leur avenir sportif derrière eux, ils n’ont plus besoin d’être valorisés sur le terrain. Aller les confier à un jeune cavalier de ce niveau, c’est incompréhensible! Les éleveurs vendéens tenaient particulièrement à ces étalons… Nous n’avons absolument pas été contactés. Il s’agit d’un fait du Prince, d’un caprice de gens qui abusent de leur pouvoir.”
Cloué au pilori, Timothée Bazire avec lucidité préfère jeter le gant, dans une attitude qui n’est pas sans rappeler celle d’un certain Jean Sarkozy. Le 6 février, les étalons sont rentrés en Vendée .
Certes, il ne s’agit là que d’un épiphénomène. À défaut pourtant de mort du petit cheval l’épisode, caricatural, témoigne d’une dérive inquiétante et laisse perplexe sur la gestion de dossiers aux intérêts financiers beaucoup plus conséquents.
Complément : sur Facebook, la résistance au démantélement des Haras Nationaux s’organise
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