Il a fait semblant de temporiser.
Temporiser...
En annonçant qu'«Il n'est pas question de passer en force sur les retraites», lundi, Nicolas Sarkozy voulait faire mentir ceux qui le soupçonnaient de vouloir précipiter cette réforme, comme il en l'habitude. Le président français n'a pas non plus le choix. Il eût été difficile, pour lui, d'annoncer qu'il comptait faire adopter la réforme, anxiogène à souhait, des retraites d'ici quelques mois. Le commentaire du Figaro, à destination d'un électorat conservateur en mal de victoires politiques, est éloquent: "Cette phrase, prononcée lundi devant les partenaires sociaux, lui donne l'occasion d'apparaître conciliant, alors qu'en réalité il ne cède que quelques semaines sur le calendrier prévu." En acceptant quelques mois de retard, Nicolas Sarkozy se montre conciliant, histoire de démonter toute critique de précipitation.
A lire le Figaro, généralement bien informé sur les intentions présidentielles, la feuille de route de Xavier Darcos est d'ores et déjà fixée : il faudra concilier "à la fois allongement de la durée de cotisation et report à 62 ans de l'âge officiel de départ à la retraite". La menace est claire: au sortir de l'été, le Parlement sera saisi d'une loi. Avec ou sans consensus. La proposition d'un nième débat-diagnostic sur le sujet pourrait faire rire... Michel Rocard, en son temps, avait déjà rédiger un "Livre Blanc".
Comprendre...
Lundi, le Monarque s'est expliqué aux journalistes, dans un court monologue. Il a loué "l'esprit de responsabilité réciproques, quelque soit nos désaccords." En avril, a promis Sarkozy, il fera le bilan des mesures de soutien à l'emploi avec son gouvernement et les partenaires sociaux, pour "arrêter celles qui ne servent plus, doper celles qui ont besoin de l'être, mettre d'autres mécanismes si besoin s'en faisait sentir" ajouta-t-il dans un haussement d'épaules, le regard vide. Le sujet des chômeurs en fin de droits a "bien sûr" été évoqué. La réponse est toute prête, et toute floue : (1) on ne sait pas combien ils sont, (2) on ne créera d'allocation spécifique pour eux, mais (3) on les enverra en formation.
"Nous avons convenu de la nécessité d'un diagnostic partagé pour savoir quel est le nombre exact de ces chômeurs en fin de droits, et leur situation précise, car naturellement si on n'est pas d'accord sur le diagnostic, il est difficile de trouver le bon remède. En tout état de cause, je veux le dire" (il quitte son papier des yeux, lève le regard vers le fonds de l'assistance) "personne ne sera laissé sur le bord du chemin" et d'ajouter: "on ne peut pas lutter contre l'exclusion par l'assistance uniquement. Il ne s'agit donc pas de créer un allocation d'assistance de plus pour ceux qui arrivent en fin de droits, mais de donner à chacun d'entre eux une formation rémunérée qui lui permette de trouver un emploi." Puis, incantation finale : "C'est par le travail que l'on ... se ... réinsère... dans... la société."
Piéger...
Concernant les retraites, Sarkozy a pris bien soin de ne pas aborder les sujets qui fâchent, comme l'élargissement de l'assiette des cotisations, la pénibilité ou les niches fiscales. Ainsi, la pénibilité des carrières sera traitée "en parallèle", un curieux concept alors que ce sujet est au coeur des critiques de certains contre l'allongement des durées de cotisation pour les professions les plus pénibles... La prise en compte de la pénibilité devra se négocier. C'est même Nicolas Sarkozy qui l'a annoncé lundi: il y aura"une négociation sur le thème de la pénibilité", a-t-il dit. Bizarrement, il n'y a eut aucune négociation du bouclier fiscal.
Les "éléments de language"du Monarque ont été repris et répétés par ses fidèles. Mardi matin sur France Inter, Laurent Wauquiez excella avec sa langue de bois habituelle. Les journalistes insistaient. Pas un mot, pas une révélation, pas une orientation. Place au débat ! Pourtant, les membres du gouvernement, Fillon et Darcos en tête, n'ont évoqué que deux pistes : l'allongement de la durée légale du départ à la retraite, et celui de la durée de cotisations. Rien d'autre. Ces deux sujets sont des tartufferies dangereuses : il faut attendre 65 ans pour partir à la retraite à taux plein. La gauche et les syndicats résistent mal au piège qui leur est tendu par Nicolas Sarkozy : ce dernier agite l'âge légal de 60 ans comme un chiffon rouge. Il n'espère qu'une chose, que la polémique grandisse, que chacun s'engouffre dans le piège.
Mardi, Xavier Darcos a enfoncé le clou, ... par la petite porte. Il a fustigé "les entreprises qui utilisent les facilités fiscales et sociales des plans de sauvegarde de l'emploi normalement destinées aux entreprises en difficulté" partir leurs salariés de plus de 60 ans ayant tous leurs trimestres de cotisation. "Vous ne réglerez pas le problème des retraites si vous laissez faire n'importe quoi sur l'emploi des seniors. Il faut faire en sorte que les gens puissent travailler jusqu'au bout de leur temps de travail". Autrement dit, de "méchantes" entreprises profitent du système pour empêcher ceux qui veulent travailler au-delà de 60 ans de le faire... le tout aux frais du contribuable.
Vous avez compris ?
Non ?
Ce n'est pas grave. Ils vont nous "concerter"...
Philips "Travailler plus, gagner moins et ailleurs..."
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