Au commencement étaient deux cinéastes, membres de l’école de cinéma de Moscou : Lev Koulechov et Vsevolod Poudovkine. En 1921, les deux compères procèdent à une expérience de psychologie cognitive qui marquera à jamais l’histoire du cinéma. Quatre ans avant qu’ Eisenstein ne tourne Le cuirassé Potemkine, ils mettent sur pied une théorie qui servira de fondement au montage, art dans lequel le même Eisenstein s’impose comme le maître incontesté quelques années plus tard.
L’idée peut se résumer ainsi : la valeur d’un plan dépend de sa position au montage. Autrement dit, la façon dont les plans sont agencés influence la manière dont le spectateur les perçoit et les interprète.
Pour prouver leur théorie, Koulechov et Poudovkine utilisent un plan de l’acteur Ivan Mosjoukine regardant de manière neutre une chose se trouvant hors-champ. Ils le combinent ensuite avec trois plans différents. Sur le premier apparaît une assiette contenant à manger. Sur le deuxième le spectateur peut voir un cadavre. Enfin le troisième et dernier plan représente une femme dans une position lascive. Le tout est ensuite monté selon cette séquence :
1 : Assiette – Mosjoukine
2 : Corps – Mosjoukine
3 : Femme – Mosjoukine.
Ce qui aboutit à ceci :
Chaque fois l’acteur semble regarder une chose différente. Et même si le plan où l’on voit Mosjoukine est strictement identique, les spectateurs ont l’impression qu’il parvient, grâce à un jeu subtile, à exprimer successivement la faim, la gravité et le désir.
En version contemporaine (ou presque) et en couleurs, ça donne une jolie prestation de notre ami Billy, de Melrose Place.
L’effet Koulechov est bien entendu toujours utilisé aujourd’hui, et reste une référence incontournable pour les cinéastes. L’expérience des deux Russes a abouti à la prise de conscience de l’importance cruciale du montage, parfois considéré comme un travail bien plus ingrat que celui, noble, du tournage.
L’effet ne trouve pas seulement son application au cinéma, il est aussi utilisé à la télévision ou sur le net. Il suffit de penser au zapping de Canal+ ou encore au fameux Pedo Bear.