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Interview : Fischerspooner

Publié le 18 septembre 2007 par Laurent Gilot @metalincmag
TEXTE : Laurent Gilot
PHOTOS : LG & DR
Rendu célèbre par le tube electro planétaire "Emerge", le duo New Yorkais revient avec un nouveau disque en forme de trip musical qui passe par un large spectre d'émotions : "Odyssey". Intemporel et universel alors que le statut du groupe ne le laissait pas forcément présager au départ.
Comment s'est déroulée la tournée qui a fait suite à la réédition de votre premier album au cours de l'année 2002 ?
Warren Fischer : On ne peut pas dire que cela soit répétitif pour nous. Chaque show du groupe est assez basé sur l'improvisation donc chaque performance a sa propre caractéristique. Souvent le concert est conditionné par le public que l'on a en face de nous. Les performances les plus sauvages ont été les concerts d'Atlanta, de Berlin ou de Barcelone, par exemple. Le show de Paris m'a un peu énervé car tout le monde était assis mais la plupart des gens ont aimé… Par la suite, nous nous sommes attelés à la réalisation de notre nouvel album.
Casey Spooner : Cela lui a pris plus de deux ans alors qu'en ce qui me concerne, cela m'a pris un an.
W. F. : Mais, en fait, cela est allé plus vite que pour le premier album et puis, cette fois-ci, nous avions un label derrière nous. C'était une situation plus confortable mais, lorsque nous a composé nos premiers morceaux il y a quelques années, nous n'avions pas dans l'idée de faire un album. C'était donc la première fois que nous avons réfléchi au fait de réaliser un album. C'est donc très différent car nous sommes passés à travers tout un spectre d'émotions : le stress, la paranoïa, la peur…
Ce qui n'était pas facile au vu du hit qu'a été "Emerge"…
W. F. : C'est toujours le même genre d'histoire avec les morceaux qui deviennent de gros succès alors qu'à la base, ils n'ont pas été conçus avec cette idée en tête. Il faut donc, psychologiquement parlant, adopter une certaine attitude pour arriver à composer à faisant abstraction de ce genre de choses. Mais, il y a eu très peu de pression de la part de la maison de disque, celle-ci est essentiellement venue de nous. Nous avons cherché à être plus productif. J'espère que j'aurais à nouveau la chance de pouvoir produire un album car j'essaierai d'être encore un peu moins impressionné par le travail à accomplir.
Cette fois-ci, vous avez fait appel à quelques collaborateurs extérieurs pour qu'ils apportent leur savoir-faire. Etais-ce dans le but de sortir un peu du "ghetto electroclash" dans lequel on vous a "rangé" ?
W. F. : Nous avions envie de réaliser un album un peu plus rock et avec plus d'émotions. C'est vrai que nous voulions atteindre un autre niveau, grandir musicalement. La chose la plus importante à ce niveau-là a été de concentrer sur le songwriting et la façon d'élaborer les chansons. Nous avons réalisé le premier album d'une certaine façon et nous avions envie d'aller plus loin, d'explorer un peu plus en profondeur ce que nous avions effleuré avec "#1". Nous ne sommes que deux a être impliqué au niveau de la composition, nous n'avons pas d'autres membres du groupe susceptible de nous donner un feed-back. C'est pour cette raison que l'on a voulu s'attacher les services d'autres personnes, des musiciens de session, des producteurs… pour que chacun nous apportent des éléments, des points de vue sur ce que nous étions en train de réaliser.
C. S. : Je voulais travailler depuis un moment avec Linda Perry et Susan Sontag car j'aime l'idée de faire un album qui soit super intellectuel et super pop. Je trouvais que ça serait un défi intéressant que d'essayer de réunir ces deux mondes sur le disque. "#1" avait été conçu à Brooklyn avec une poignée de personnes qui nous suivait. Pour le nouveau, nous voulions quitter notre quartier, travailler avec d'autres gens, profiter du fait d'être sur une major et de la position que cela nous donne. Sur le premier album, j'ai réalisé 7 morceaux et il y en avait 7. Ce disque était complètement différent car il y avait beaucoup d'idées à intégrer, d'explorations diverses à faire musicalement et créativement parlant.
D'un point de vue vocal, tu as franchie une étape supplémentaire…
C.S. : Ma voix a toujours été bonne mais le style a quelque peu changé et l'on peut m'entendre un peu plus que sur le précédent album. Sur ce dernier, ma voix ne pouvait pas plus s'exprimer que ça car les compositions étaient très synthétique alors que sur "Odyssey", il y a plus de vrais instruments et je peux donc m'exprimer d'une façon plus optimale. Et puis, on trouve cela étrange que d'être associé au monde de la danse alors que l'on a toujours essayé de faire des chansons avec la structure classique couplet-refrain associée à des mélodies. C'est donc beaucoup plus explicite sur "Odyssey".
Pouvez-vous me citer les albums qui ont pu influencer la réalisation d'"Odyssey" ?
W.F. : Je dirais qu'il y a My Bloody Valentine avec "Loveless", par exemple, puis des albums comme "Rumours" de Fleetwood Mac qui nous ont inspiré pour l'approche du travail de production. Il y a également The Cure avec "Boys Don't Cry" ou Simon & Garfunkel pour les mélodies vocales. On a également beaucoup écouté Bob Dylan même si son influence ne se reflète pas directement dans nos chansons. Nous avons essayé de mélanger notre son très digital à la base en le confrontant aux influences rock et à un style de production associé au genre. Dès le départ, nous avions décidé de faire quelque chose de plus expressif, de plus organique et un peu plus hors du temps.
Pouvez-vous m'en dire plus sur cette thématique de l'Odyssey ? Votre inspiration vient de l'Antiquité Grecque cette fois-ci ?
C.S. : Le premier album était très ancré dans son époque et parlait du tournant de ce siècle. Toute notre approche de la musique était conditionnée par le fait de capturer l'instant présent alors que pour "Odyssey" nous avions envie de quelque chose de plus intemporel, universel, que cela évoque quelque chose aux gens dans une perspective plus générale. Pour le premier, notre musique était très rattachée au milieu de la mode…
W.F. : Nous ne voulions surtout pas refaire la même chose…
C.S. : De 2000 à 2003, l'environnement a complètement changé à New York et je crois que cela a beaucoup à voir avec ce que l'on a mis sur cet album. C'est pour cela que nous avons abordé des thèmes plus généraux que les gens soient susceptible d'apprécier encore dans quelques années. Avec cet album, nous sommes allés physiquement, émotionnellement et artistiquement dans différents endroits. C'est donc cette expérience qui a conditionné le titre de l'album, le processus de création de celui-ci était un véritable voyage sonique et physiquement. C'est vraiment un travail d'un bloc et non une collection de différentes chansons.
W.F. : Comme nous voulions faire quelque chose de plus émotionnel, nous nous sommes aventurés dans des territoires plus psychédéliques, romantiques, irrationnels, intuitifs…
Comment s'est déroulé le travail de composition à deux cette fois-ci ?
C.S. : C'était dur car nous avons dû trouver une nouvelle manière de fonctionner à deux.
W.F. : C'est vrai que nous n'avons pas tout à fait les mêmes vies car je suis marié et père de deux enfants. Comme nous avons principalement travaillé de nuit sur cet album mon acuité était assez différente. En fait, tout a été conditionné par le fait que nous voulions nous améliorer et que nous avions moins de temps. Par moments, les choses sont devenues comme insurmontables, frustrantes pour chacun d'entre nous à un tel point que Casey était à deux doigts de quitter le groupe. Nous nous sommes donc un peu perdus à un moment donné…
C.S. : Mais dans le bon sens… Pour cet album, nous nous sommes complètement immergé dans sa conception sans donner de shows, d'interviews ou quoi que ce soit… Nous étions complètement concentré sur la musique c'est pour cela que les différentes personnes qui sont intervenus sur ce disque ont apporté des points de vues neufs et intéressants. Cela nous a beaucoup aidé car nous avons travaillé d'une manière si intense… Il m'ait arrivé de travailler pendant des jours au point que j'ai eu des problèmes de sommeil avec le sentiment d'être isolé. Je me suis réveillé une nuit en pensant que mon appartement était en feu. Une autre fois, je pensais qu'un voleur s'était introduit dans mon salon… C'était presque de la paranoïa… Le monde a changé, nous avons changé et cela se reflète sur "Odyssey".
Fischerspooner "Odyssey" (EMI/Capitol)
www.fischerspooner.com

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