INTERVIEW
Député européen (PS) et secrétaire national adjoint à l'économie, Liem Hoang Ngoc, proche de Benoît Hamon, estime que le recul de l'âge de départ à la retraite n'est «pas la seule solution possible». Selon lui, le PS doit défendre le maintien d'un «système de solidarité intergénérationnelle et égalitaire».
RECUEILLI PAR LAURE EQUY
Sur un éventuel allongement de l’âge de départ à la retraite, Martine Aubry a estimé, dimanche sur RTL, qu’«on va aller très certainement vers 61 ou 62 ans». Que pensez-vous de la position prise par la première secrétaire du PS?
Cette déclaration est d’autant plus surprenante qu’elle n’a pas été discutée par les instances du parti et ne correspond pas à la position définie dans la motion de synthèse (Reims, novembre 2008, ndlr) à partir de laquelle Benoît Hamon (porte-parole du PS), moi-même et d’autres de sa motion, avons choisi d’entrer dans la direction. Du coup, la droite du parti, plutôt favorable, elle, à un recul de l’âge de départ à la retraite, s’est engouffrée dans ce malentendu.
Et puis, il y a actuellement une forte pression idéologique et politique en Europe pour allonger la durée de cotisation et réduire le périmètre des dépenses sociales de santé. La Commission européenne invite ainsi ses Etats membres à engager des «politiques de sortie» le plus rapidement possible et donc à réformer leurs systèmes de retraites, dont elle considère qu’ils compromettent «la viabilité de long terme des finances publiques».
Certains, comme le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel , affirment que «le travail sur l’âge de départ, sur le nombre d’années de cotisations est inéluctable». Que leur répondez-vous? Et voyez-vous d’autres options?
Non, ce n’est pas la seule solution possible. Si l’on s’appuie sur les projections du Conseil d’orientation des retraites pour 2040, avec l’hypothèse d’un taux de fécondité de deux enfants par femme, d’un taux de croissance modéré (légèrement inférieur à 2%), il faudrait, pour équilibrer le système de retraites, augmenter tous les ans de 0,3% le taux des cotisations sociales: à répartir entre cotisations salariales et patronales.
Cela n’est absolument pas insupportable, surtout si l’on élargit, parallèlement, l’assiette des cotisations aux revenus financiers. En répartissant l’effort, on allègerait considérablement le fardeau qui pèse sur les cotisations salariales et patronales.
Des socialistes ont plaidé pour un «pacte national» ou un «compromis» sur les retraites. N’est-ce pas une façon constructive d’entrer dans le débat?
C’est un mauvais signal envoyé à nos électeurs car cela donne l'impression que nous ne sommes pas capables de proposer des solutions alternatives de gauche. Le PS doit servir de boussole pour faire de la pédagogie et dire qu’il existe des solutions progressistes. Je ne nie pas le problème des retraites. Mais, en étant très réaliste et moyennant des aménagements, on peut maintenir un système de solidarité intergénérationnelle et égalitaire, qui garantit une progression du pouvoir d’achat des pensions. On doit dire qu’il n’est pas contradictoire de vivre plus longtemps et de travailler moins!
Une idée à rebrousse-poil du constat actuel: des Français vivant de plus en plus vieux et une population active de moins en moins nombreuse...
Il y a une dramatisation à outrance de la question des retraites par la droite, les lobbys néo-libéraux et la Commission européenne. Mais ceux-ci partent sur des hypothèses restrictives à long terme concernant la population active, le taux de croissance potentiel de l'économie et la répartition des revenus. Or, il n’est pas dit, notamment, qu’une hausse du taux de fécondité et l’apport de l’immigration ne puissent pas enrayer une évolution trop molle de la population active.
C’est, en fait, un problème classique de parts du gâteau. Celui-ci n’est pas condamné à une croissance aussi faible que celle des 20 dernières années. Et la part «salaires», sur laquelle sont prélevées les cotisations, n’est pas condamnée à demeurer trois points en dessous de celle des années 1960.