Ils sont 14 ce matin là, à me scruter quand je rentre dans la salle. 14 candidats à un retour à l'emploi rapide. S'ils sont tous là c'est qu'ils vivent le chômage depuis plusieurs mois déjà. Des cadres, des secrétaires, des ouvriers, des vendeuses, un panel relativement représentatif comme d'habitude. Presque la routine ! Pourtant ce jour là mon Bonjour, que je souhaite le plus franc et massif possible raisonne dans leur regard comme un échos sourd. Je ne m'attends jamais à déchaîner les passions dès les premières minutes, personne ne grimpe sur la table à ce stade de l'atelier mais un accueil aussi glacial est plutôt rare. De deux choses l'une, ou j'ai oublié d'enlever mon casque avant d'entrer dans la salle et auquel cas c'est normal ou ils sont particulièrement à bout de nerfs.
Le chômage est un monstre sournois qui s'infiltre dans votre vie jusqu'à prendre le contrôle de vos pensées, de vos rêves, de vos projets. Son ombre plane sur vos rapports sociaux, votre vie privée. Les dommages collatéraux sont terribles. Un monstre capable de mettre à terre en moins de 3 mois les plus motivés à s'en sortir. Se lever tôt, se raser, se maquiller, s'habiller "en tenue ", lire la presse, consulter sa boite mail de moins en mois crépitante (on serait presque content d'ouvrir les spams!), devient un calvaire.
Ce jour là les armes dont je dispose pour enrayer la progression du monstre ne font pas le poids, pour épée ma hiérarchie m'a courageusement doté d'un support de cours anesthésiant, comme bouclier, un texte insipide et théorique, comme fidèle destrier, un beamer mal réglé! Et si je me servais de ce que j'avais moi même vécu ? Si je mettais un peu d'émotions dans tout ça ? Si on se marrait un peu pour une fois…? Rire devient vite une hygiène de vie quand les légionnaires du monstre attaquent à coup de formules assassines: "Vous êtes trop vieux!, difficile pour un senior de 40 ans (sic) de se recaser!, votre parcours est impressionnant !" Allons une peu de franchise messieurs, vous devriez oser la phrase qui vous brûle les lèvres "votre uniforme de looser vous va si bien pourquoi changer ?" nous serions à quoi nous en tenir au moins...
Mon personnage de Motivateur est né ce jour là, en acceptant de me dévoiler, en cherchant à distraire ces hommes et ces femmes avec leurs propres histoires pour leur permettre de ré-identifier leur talent, je me suis trouvé.
Six d'entres eux Georges, Nathalie, Josiane, Alain, Pierre et Carole vont prendre la parole tour à tour pour se plaindre et critiquer le système, les patrons, les frontaliers, leur entourage qui ne les comprends plus puis entraîner le reste de leur collègues à faire de même.
J'ai vécu Cet atelier qui dura 9 heures sur 3 jours comme un huit clos dramatique et drôle à la fois, souvent tendre aussi. Tous les défis que nous réserve l'existence ont été abordé, débattu, conspués. Ils m'ont inspirés certaines de ces histoires déjà parues sur ce blog et bien d'autres à venir.
Heureux de contribuer à votre SUCCÈS
Le Motivateur