On a beau rarement y réfléchir ou se l’avouer en rigolant, mais les séries télévisées sont un nouveau phénomène de société qui nous tient tous en haleine. Elles nous font vibrer, nous font rêver, nous passionnent, nous permettent de nous évader. Elles jouent, et développent des thèmes qui font partie de notre expérience propre, de nos vies. Qui n’a jamais refilé un conseil à un(e) ami(e) en s’inspirant d’une réplique de série?:)
Bref, elles sont captivantes et pleines d’enseignements!
Et… oui, que ceux parmi nous qui n’ont jamais savouré une série bien au chaud dans leur canapé lèvent la main;)
Ce n’est donc pas un hasard si elles sont l’objet de nombreuses études, interprétation, et même l’objet de transcriptions en manuel de philosophie (jusqu’où les professeurs sont-ils prêts à aller pour empêcher les gens de bailler en cours ?
Alors aujourd’hui, une fois n’est pas coutume nous n’allons pas parler du monde qui court à sa perte depuis l’économie jusqu’à la santé, mais nous allons préparer des cookies et un chocolat chaud, mettre en ordre le canapé, poser la zapette à portée de main, et nous pencher sur le sujet pour tenter de préciser en quoi les séries télévisées permettent de mieux comprendre ce qui est actuellement en train de se passer dans le monde en général. Damn, on risque d’en apprendre de belles!
Nous ne pouvons débuter notre lecture (ou notre visionnage) sans nous rattacher à l’Histoire. Tout semble donc commencer, dans notre monde moderne, avec la série « Rome » qui prolonge en époussetant le thème des péplums, aussi ancien que le cinéma. Tout commence, et s’achève, avec ce mythe de la grandeur et de la décadence. C’est l’alpha et l’oméga de notre monde moderne.
Les religions de par le monde ont des conceptions différentes du temps. La religion chrétienne, par essence, retient une conception linéaire, en opposition, par exemple, au bouddhisme ou à l’hindouisme. Pourtant, il y a dans la philosophie platonicienne, comme plus tard dans la philosophie nietzschéenne, une conception cyclique du temps qui influencent nos sociétés occidentales. Pour nos civilisations, et dans l’inconscient collectif, la grandeur et la chute de Rome semblent incarner le destin de toute civilisation moderne.
Il est intéressant par exemple de noter la façon dont les commentateurs actuels aux États-Unis comparent, en s’appuyant sur la crise économique, la lente déliquescence de leur pouvoir de par le monde à une chute qui, s’ils la reconnaissent tous comme inéluctable (sans, étrangement, se poser de questions d’ailleurs), devrait, selon leurs voeux, s’accomplir de façon à la fois tragique et brutale à l’instar de la civilisation latine. Un genre de remake tout au long des siècles…
Nous commençons donc, nous aussi, notre voyage dans ces univers, avec Rome et avec l’Histoire.
Allons plus avant dans le vif du sujet avec « Defying Gravity ». Là, nous frôlons de nouveau du doigt le mythe de la chute, retrouvé dans de nombreuses civilisations (vous avez dit Icare?), mais avec l’introduction d’une variation intéressante sur le thème de la délicate frontière entre le rêve et le cauchemar. Cette série ne manque pas d’intérêt, et elle est encore balbutiante. C’est un vrai plaisir de pouvoir la suivre!
Elle nous amène à une série que tout le monde connaît, « Lost». Cette série est particulièrement complexe (et pas toujours aussi passionnante en fonction des épisodes;), mais elle tourne, dans un contexte fantastique, autour de la désorientation, la confusion, et de la solitude. Elle nous renvoie à un monde en quête de repères dans lequel l’homme peut se sentir seul au milieu de la multitude. Francis Bacon écrivait déjà: « Peu d’hommes s’aperçoivent de ce qu’est la solitude, et combien elle s’étend; car une foule n’est pas une compagnie, et des figures ne sont qu’une galerie de portraits, et la conversation, une cymbale résonnante, là où il n’y a point d’amour. ». La solitude naît là ou apparaît le manque de véritable humanisme, mais également la peur d’être confronté à soi-même.
Ceci nous conduit à une série de télévision réalité, qui est littéralement train de devenir un phénomène de société aux États-Unis, la toute nouvelle «cougar girls». Là il s’agit de mettre en scène des femmes d’un certain âge, ayant privilégié leur vie professionnelle sur leur vie personnelle, qui souhaitent se rattraper en profitant des vertus supposées d’un monde consumériste. Comprenez : qui veulent des Sex Boys, avec tous les avantages d’une vie amoureuse, sans les éventuels inconvénients d’une vie de couple (à la « adopteunmec.com »). Du désir et du plaisir sans sentiments (ça sonne bien les filles:). Et tout ceci scellé dans une relation vénale. Tout un programme… On achète les sentiments, et on le revendique! Là où tout ceci devient extrêmement étrange, c’est que dans cette société moderne l’on a besoin d’exposer ces pratiques afin de les valoriser et de les faire entrer dans une norme de société de laquelle elles étaient exclues, là où l’on pourrait les vivre sans être inquiété en demeurant discret sur sa vie privée. Par ailleurs, pour faire le lien avec le thème précédent, c’est encore une façon, le consumérisme, d’apprendre la sérénité en évitant de façon systématique de jamais être seul face à soi même. C’est du « desperate housewifes » on steroids… Mais desperate est quand même beaucoup plus sympa à regarder!
Nous ne sommes pas loin, avec ces cinquantenaires funky, retouchées et excitées, du vampirisme, un thème abordé dans une série que nous avons tous vu : « True Blood ». Ici nous revenons aux deux piliers de la psyché humaine, les deux visages de la construction de tout être humain : l’amour et la mort, Éros et Thanatos.
Et la mort est le grand thème de la toute dernière série que nous évoquons aujourd’hui : « 6 feet under ». Cette série fait un petit peu la synthèse des autres, bien qu’étant née antérieurement à la plupart d’entre elles, dans la mesure où elle permet d’éclairer les relations humaines, l’amour, la passion, les conflits, la confusion à la lumière du destin qui est le nôtre depuis la naissance : la mort.
OK, mais finalement, quelle issue dans ce monde mis en abyme par ces séries qui n’ouvre aucune solution au problème ontologique de l’absurde (si l’on est optimiste) ou de l’existentialisme (si on ne l’est pas?).
Et bien nous arrivons au Pitch;), après «Jéricho» (que je vous recommande chaudement) qui tente de répondre à ces questions, mais dont la première série, malgré sa qualité, n’a pas été reconduite, « Heroes » qui n’en finit plus de nous embrouiller en métamorphosant les gentils en vilains et vice et versa (Save the world, Save the cheerleader!) nous avons enfin une raison d’espérer grâce à « Supernatural ». Dans un monde proche de sa chute, au bord de l’Apocalypse, des hommes et des femmes plaçant leur valeur avant tout le reste, tente de redonner du sens à un monde proche de la dissolution. C’est bon, ça !
Finalement rien de tel que l’héroïsme et le respect des valeurs (oserait-on dire des « vertus » au sens socratique du terme?) pour se sentir en paix avec soi-même. Sortez les crackers et la bière!:)
Ou, si vous êtes en même temps adeptes de la théorie du complot et des bonnes séries, allez jeter un oeil sur « Doll House ». Vous me remercierez plus tard!
Et vous, quelles sont vos séries préférées?