Auteur : Sebastian Barry
Editeur : Joelle Losfeld
Résumé :
« Sligo m’a faite et Sligo m’a défaite, mais j’aurais dû abandonner beaucoup plus tôt cette façon d’être faite et défaite par les villes des hommes et m’occuper seule de moi-même. La terreur et les blessures de mon histoire se sont produites parce que, quand j’étais jeune, je croyais que les autres étaient les auteurs de mes heurs et malheurs ; je ne savais pas qu’on pouvait ériger un mur de briques et de mortier imaginaires contre les horreurs et les mauvais tours cruels du temps qui nous assaillent et être ainsi l’auteur de ceux-ci. » Roseanne McNulty a passé plus de la moitié de sa vie dans l’hôpital psychiatrique régional de Roscommon, le royaume du docteur Grene, le psychiatre en chef. Centenaire ou presque, elle est complètement seule. Une chose laissée pour compte, un reste de femme. Parce que personne ne sait qu’elle a une histoire, elle s’est mise à l’écrire. Le docteur Grene, quant à lui, doit faire face aux imminents travaux de rénovation de son hôpital, pour le moins vétuste. Comment en arracher un grand nombre de patients dont l’ADN a dû se fondre dans le mortier du bâtiment ? La nouvelle loi contraint Grene à évaluer lesquels de ses patients peuvent être réinsérés dans la communauté. Il va devoir établir quelles circonstances ont amené ici certains patients et s’ils ont été véritablement été internés pour des raisons sociales plus que médicales. Il va devoir interroger Roseanne, pour qui il éprouve une réelle sympathie et dont il n’a jamais fouillé la vie. Au fil de leurs entretiens, il plonge au cœur de sa tragique histoire. Palpitant, incroyablement drôle et cinglant : Le testament caché n’épargne personne et surtout pas l’Eglise catholique. Un magnifique roman bouleversant de justesse et de talent.
Mon avis :
J'ai eu un coup de coeur pour le roman de Sébastian Barry pour les trois raisons suivantes :
Tout d'abord,le personnage principal de Roséanne qui, malgré ses cent ans possède une fraîcheur et une beauté transcendantes. Elle a connu une vie difficile, elle a été trahie et rejetée par un prêtre ami de la famille et par sa belle-mère, abandonnée de tous. Et, pourtant, elle écrit le récit de sa vie sans haine. Cette vieille dame est très touchante.
Ensuite, le récit s’inscrit dans l’histoire de l’Irlande. Le contexte évoque la police royale, puis l’Indépendance, la guerre civile, le régime de De Valera et la naissance des chemises bleues puis la guerre mondiale. Le récit met en évidence la haine entre catholiques et presbytériens, la condition des femmes irlandaises et on assiste à la naissance du cinéma.
Enfin, j’ai beaucoup aimé le style de l’auteur qui sait raconter de belles histoires. J’aime sa façon d’interpeller le lecteur. Il y a beaucoup de poésie dans les descriptions. J’ai apprécié d’avoir deux points de vue entremêlés. L’auteur alterne le témoignage de Roséanne et le récit du docteur Grene, son psychiatre. Leur rencontre est une thérapie à double sens. Ils ne se parlent pas vraiment mais leurs deux âmes meurtries se rencontrent au-delà des mots.
C’est un excellent roman avec cette petite dimension supplémentaire d’âme. Je lirais très certainement d’autres livres de cet auteur.
Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de ELLE