Le bouc de Monsieur Seguin.

Publié le 16 février 2010 par Orlandoderudder

La mort, souvent, nous fait compendre et mieux connaître nos proches. Elle nous fit découvrir le manque, mais aussi une certaine réalité des êtres. On se rend compte alors qu'on est passé à côté de certains aspects de ceux qu'on aime... §Il s'agit d'une sorte d'aorasie mineure, sans tragique ni divin. Le bouc fut vraiment triste lorsqu'il apprit la mort de Blanchette. Jamais il ne l'aurait cru si courageuse! Ele s'était battue comme une lionne! Avec honneur, grandeur, tout en sachant qu'elle n'avait aucune chance contre le puissant loup, avide de sang! Elle avait tenu, résisté... Et lui, le bouc, ne s'était jamais rendu compte de cette force, de ce potentiel. Chez les boucs, on a trop tendance à prendre les femelles pour des andouilles gnangnan. Heureusement, ça n'est pas le cas ailleurs: ça se saurait.

Là, près du hêtre rouge, à l'entrée de Bousignies-sur-Roc, le loup tournait en rond. Et avec une attache, ça fait quadrature. Marre. Il rongeait son frein. Puis la corde.On allait voir ce qu'on allait voir: il vengerait Blanchette. La corde une fois rompue, il se mit en route vers le bois de Fefu. Le loup errait dans les parages. Le bouc arriva tôt: c'était un sacré costaud et le loup hésita à lui sauter dessus. L'attaquer pour le mettre en quartiers? Il l'eût fait volontiers, mais le gaillard était de taille à se défendre et plus que ça! Alorsil fit le mielleux, genre « hé bonjour, Monsieur du Bouc».

Sauf que le bouc, pas commode attaqua. Le loup se rendit compte qu'il aurait le dessous. Il hurla comme une bête, ce qui n'a rien d'étonnant, quand le bouc l'immobilisa, prêt à le pourfendre, à lui crever les yeux à coups de cornes, à lui déchirer le bide... Les adversaires haletaient, suaient et puaient comme mille morts ayant passé la date de péremption. Puis là grâce vint. Dans ce corps-à-corps furieux le loup sentit un endroit précis de l'anatomie du bouc. Un endroit que, rigoureusement, ma mère célébrait à tout bout de champ. Cet endroit lui parut fort intéressant. Le bouc, de son côté, le trouva beau garçon, ce canidé velu... il desserra son étreinte avant de la resserrer d'une tout autre façon. Ils se regardèrent, émerveillés...

  • Je n'avais jamais vu une chèvre aussi forte, murmura le loup...voilà un vrai adversaire...Ta Blanchette m'a impressionné..quel courage... C'était superbe!

  • Tu l'as tuée!

  • C'est mon boulot de loup...Mais je l'admire et je rend hommage à son courage indomptable! Vive Blanchette, la combattante!

  • Chez les Chrétiens, elle serait sainte!

  • Tu l'as dit, bouffi!

Le bouc, ému, ne tua pas le loup. Mais il l'encula sévère. Ce fut une révélation pour les deux partenaires. Car ils le devinrent. Il s'installèrent, pépères, dans un petit chalet, après que le loup avait bouffé les nains. Ils vécurent heureux, n'eurent aucun enfant.Mais chaque soir, ils se recueillaient devant une belle photo de Blanchette, bien encadrée, qu'ila avaient posée sur la télé, à côté de la petite danseuse espagnole à robe en crochet. C'était, à chaque fois, un moment de tendresse profonde. Si vous trouvez une morale à cette histoire, vous êtes fortiche ou pervers! A moins que...