Le pouvoir a lancé de grandes consultations pour réfléchir au moyen de les sauver. Le désastre est manifeste et les caisses sont vides. C'est le moment de s'interroger sur l'intérêt de la répartition ; beaucoup de gens, certes, sont convaincus que c'est le seul système et qu'il faut simplement l'aménager en jouant sur le montant des cotisations, l'âge de la retraite et le montant des pensions. Or c'est ainsi que les gouvernements successifs font depuis des lustres sans jamais arriver à l'équilibre et c'est ce que va faire le pouvoir aujourd'hui pour refermer le dossier jusqu'à la prochaine fois.
En réalité la catastrophe, maintenant si visible, ne serait-elle pas inscrite dès le départ dans les principes de la répartition ? La question mérite d'être posée. L'argent est récolté sous forme de cotisations des salariés, professions libérales, commerçants, etc et est redistribué aussitôt aux pensionnés ; il ne crée pas donc de richesse au passage. En outre, le système n'est pas contractuel et repose sur la contrainte.
Toute autre, semble-t-il, serait la liberté de l'épargne ; rappelons que celle-ci a existé pendant des siècles en Occident, chacun préparant librement ses vieux jours ; le choix des investissements est sans limite : logements locatifs, fonds de pension, commerces. Toutes les villes d'Europe doivent leurs immeubles aux épargnes librement consenties. L'épargne librement gérée et sous la responsabilité des épargnants multiplie la richesse, laquelle permet d'assurer à chacun sa retraite en accélérant le développement. Bien sûr il est nécessaire que ces épargnes puissent s'opérer à l'abri des impôts et charges sociales comme les cotisations actuelles de retraite.
Il y aura des objections.
D'abord dans les placements privés il peut se produire des accidents surtout lors des périodes de crise comme à présent ; la réponse est facile : quand il y a des ratés dans des placements privés, le propriétaire peut toujours corriger, même s'il ne parvient parfois pas à rattraper tout l'argent perdu. Dans la répartition il n'y a pas seulement risque de perte mais certitude de perte, celle-ci étant intégrée dans le système.
D'autres diront que le désastre actuel vient simplement du prolongement de la vie humaine qui joue sur les paramètres ; est-ce vraiment exact ? Dans la liberté de l'épargne les ajustements se font au fur et à mesure des évolutions multiples que chacun constate et gère.
Autre objection éventuelle : les épargnants peuvent être victimes d'escrocs du type Madoff. A-t-on bien analysé ? Une escroquerie d'une telle ampleur est rare et la justice en tout cas se manifeste un jour ou l'autre. La répartition, quant à elle, se compare tout-à-fait au système Madoff : les premiers ramassent l'argent et les derniers n'ont plus rien ; la différence est qu'il n'y a pas de sanction juridique.
Et aussi que se passerait-il pour les imprévoyants qui n'auront rien ? Les pays qui se sont engagés dans la liberté et que nous allons évoquer plus loin ont prévu un filet de sécurité.
Précisément, y-a-t-il des expériences ? La réponse est affirmative. 27 pays dont 12 européens se sont orientés vers la liberté en proposant à chacun de choisir des fonds de pensions ; parmi eux se trouvent le Chili, la Nouvelle-Zélande, Singapour. Un double effet en est résulté : les retraites ont été progressivement sauvées et le PIB a connu une croissance importante même pendant la période de la crise.
Le Chili est passé à ce système il y a 28 ans. 95 % des travailleurs ont choisi librement le nouveau système. De ce fait, les retraites sont bien plus importantes. En plus, la prospérité s'est accrue d’une façon spectaculaire et le taux de croissance atteint régulièrement 7 % par an. Des gouvernements de gauche et de droite se sont succédé depuis et aucun n’a changé le système sinon en l’améliorant dans le détail. Le pays, en outre, a géré la transition afin que, malgré le changement, les pensions dues selon l'ancien système soient assurées.
Un point très important pour conclure.
D'une façon surprenante, les interrogations et réponses ci-dessus peuvent rendre grand service aux pays en voie de développement. Les pays de l'Occident les ont précédé dans la création de richesse, bien que leurs systèmes de retraite avec la répartition les aient alourdis sans raison.
L'exemple de ce qu'il ne faut pas faire est finalement un service rendu aux autres qui, légitimement, veulent connaître la prospérité tout en assurant des retraites décentes à leur population. C'est d'autant plus significatif que les pays neufs ont un grand besoin de capitaux ; la gestion de l'épargne de leurs nationaux peut contribuer très largement à ce besoin.
La répartition est-elle l'idéal ? La question mérite réellement d'être posée.
Michel de Poncins est économiste.