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Loppsi II: l'adoption aujourd'hui

Publié le 16 février 2010 par Juan

La loi Loppsi II sera adoptée aujourd'hui. Pour mémoire, cette loi prévoit notamment l'espionnage des communications en ligne sous l'autorisation d'un juge d’instruction (prochainement supprimé), la libération des possibilités de fichage des auteurs, suspects et victimes de peines mineures, l'élargissement de l'alimentation et la consultation du fichier national automatisé des empreintes génétiques, le couvre-feu contre les mineurs de moins de 13 ans, et ... la sous-traitance à des entreprises privées de la rétention des sans-papier appréhendés aux aéroports de Roissy et Orly. Les débats ont été riches d'enseignement. Voici trois exemples extraits des relevés de l'Assemblée Nationale, loin des polémiques médiatiques du moment.
La fausse police d'agglomération
Le 11 février, le ministre de l'intérieur défend le principe d'une police d'agglomération, que personne ou presque ne conteste. La critique, à gauche, porte sur la définition du périmètre de l'agglomération parisienne. D'après Hortefeux, il se limite à Paris et trois départements limitrophes. Et comme par hasard, les Hauts-de-Seine font partie du lot...

M. Manuel Valls.
(...) Face à une délinquance qui ne connaît pas les frontières départementales, une politique de sécurité cohérente consisterait à intégrer l’ensemble des départements de la région Île-de-France. Si vous n’acceptez pas cette proposition, je souhaiterais, pour avoir un débat constructif, entendre votre vision sur la cohérence et sur les moyens consacrés à une politique de sécurité qui doit aujourd’hui dépasser les frontières de l’ancien département de la Seine, qui doit intégrer la problématique des anciennes villes nouvelles. (...). 

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Sans reprendre le débat de la discussion générale, je préciserai les principes qui ont guidé notre initiative.
La première raison de la limitation à Paris et aux trois départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne est que, en Île-de-France, les bassins de délinquance ne sont pas les mêmes. L’Île-de-France, vous le savez mieux que quiconque, compte des départements urbains et des départements comportant des territoires urbains, semi ruraux et ruraux. C’est le cas des Yvelines et de la Seine-et-Marne.
Vous avez souligné que vous étiez favorable à la police d’agglomération. J’observe que ce n’est pas une position unanime sur les bancs de l’opposition puisque M. Braouezec a déposé un amendement de suppression. Je ne vous en fais pas le reproche, mais il n’y a pas de voix uniforme dans l’opposition.
La deuxième raison de cette limitation, c’est qu’il fallait mettre fin au principe aberrant en vertu duquel, si le délinquant franchissait le périphérique, le policier parisien ne pouvait pas le suivre. Dorénavant, ce sera possible. 
Troisième raison, la police d’agglomération permet à l’évidence une plus grande fluidité de l’intervention des forces de police. Cela a été démontré en Seine-Saint-Denis, où précisément des effectifs de la préfecture de police sont intervenus à plusieurs reprises.
L’extension à l’ensemble de l’Île-de-France ne me paraît pas correspondre à une cohérence. Qu’il y ait une réflexion sur une extension à un département qui vous est cher, je n’y suis pas hostile, mais sur l’Île-de-France, non, parce que les bassins de délinquance ne sont pas les mêmes.
Mme Sandrine Mazetier.
Je connais, monsieur le ministre, votre attachement aux formules. Vous avez ce point en commun avec le Président de la République, qui expliquait que l’on pouvait ou non faire ses courses, le dimanche, sur les Champs-Élysées, selon le trottoir où l’on se trouvait, parce que les types de commerce n’étaient pas les mêmes. Vous nous expliquez maintenant que la police d’agglomération, les policiers ne peuvent pas franchir le périphérique, qu’ils y sont interdits de séjour. Ce n’est pas vrai.
Le coût des expulsions
Loppsi II prévoit la possibilité de sous-traiter à des entreprises privées la rétention des immigrés sans-papier arrêtés à Orly et Roissy. C'est pourtant une fonction régalienne de l'Etat, par excellence. La mise en place de telles polices privées est un aspect méconnu de LOPPSI II. La députée socialiste Sandrine Mazetier souligne que cette mesure est loin d'être économe, pour une politique d'expulsion déjà très coûteuse.
"En 2002, le taux effectif d’exécution des mesures d’éloignement atteignait 62 %, c’est-à-dire que les personnes placées en centre de rétention administrative en raison de leur situation irrégulière étaient plus de six fois sur dix réellement éloignés du territoire français. En 2008, alors que le coût de cette soi-disant politique de lutte contre l’immigration clandestine a explosé, que le programme immobilier de construction des centres de rétention administrative ne cesse de se déployer et de coûter plus cher, que les escortes visées à l’article 34 sont de plus en plus mobilisées, le taux d’exécution des mesures d’éloignement a été inférieur à 20 % : moins de deux personnes sur dix ont été effectivement éloignées du territoire français. On dépense la modique somme d’un demi-milliard d’euros chaque année pour aboutir à une telle performance. Vous avouerez, monsieur le ministre, que c’est très onéreux."
 Et la députée ajoute, concernant la sous-traitance au privé:
"En l’occurrence, la représentation nationale n’a pas de réponse à la question suivante : l’utilisation d’un chauffeur de véhicule privé, accompagné de l’escorte habituelle de policiers de la PAF, permettra-t-elle de réelles économies ? La majorité n’est pas plus éclairée que nous sur ce point.
Qui va passer les appels d’offres ? Si cette possibilité est généralisée à tous les transfèrements de tous les centres de rétention administrative, le marché se situera très largement au-dessus du seuil des appels d’offres européens. Cette lourde procédure représente une paperasse invraisemblable ; elle prend un temps fou ; elle coûte de l’argent en administration. Pour quelles économies ? On n’en a pas la moindre idée, figurez-vous !
Dans le rapport, on trouve seulement une phrase – amusante autant que surprenante de la part du rapporteur qui, en général, est assez précis – à la page 278 : « Cette expérimentation a donné des résultats satisfaisants. » Ah bon ? Lesquels ? Où sont-ils ? Qui les a jugés satisfaisants ? En quoi le sont-ils ?
Encore une fois, la loi qui a autorisé l’expérimentation lui assignait précisément pour seul objet de mesurer les éventuelles économies réalisées, tout en observant si les missions régaliennes de l’État restaient assurées malgré cette sous-traitance, et d’en conclure si la généralisation serait utile ou au contraire coûteuse."
Les bénévoles assimilés aux passeurs
Un peu plus tard dans la soirée de ce funeste jeudi 11 février, Sandrine Mazetier défend un amendement (N°278), rejeté par la suite, qui visait à distinguer les réseaux de trafiquants localisés hors de France et les bénévoles qui portent assistance aux immigrés clandestins. L'échange qui suit est lunaire.
Mme Sandrine Mazetier (PS).
(...) Dans cet article additionnel après l’article 34, nous proposons de faire enfin la différence entre des réseaux de trafiquants localisés hors de France et qui gagnent probablement beaucoup d’argent sur la misère humaine, et des bénévoles…
M. Franck Gilard (UMP). Le résultat est le même !
M. Patrick Braouezec (PCF). C’est scandaleux de dire cela !
M. Manuel Valls (PS). Provocateur !
Mme Sandrine Mazetier (PS). …ou des compagnons d’Emmaüs. D’ailleurs, Martin Hirsch a déclaré récemment sur un plateau de télévision qu’il avait obtenu des engagements très précis à ce sujet de la part de membres du Gouvernement.
M. Patrick Braouezec (PCF). C’est incroyable, monsieur Gilard, de tenir de tels propos !
M. Franck Gilard (UMP). Mais non, c’est la vérité !
Mme la présidente. Merci de laisser Mme Mazetier s’exprimer.
Mme Sandrine Mazetier (PS). Plutôt que de le réserver aux amis – estimables d’ailleurs – de Martin Hirsch et aux associations qu’il a présidées dans le passé, donnons le bénéfice de ces engagements à tous nos concitoyens qui, mus par un esprit de solidarité, sont venus en aide à quelqu’un qui crève de faim et de froid par le temps qu’il fait.
C’est pourquoi nous vous proposons d’adopter cet article additionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Ciotti (UMP), rapporteur. Avis défavorable. Notre assemblée s’est prononcée négativement le 5 mai dernier sur la proposition de loi relative au délit de solidarité présentée par M. Goldberg et le groupe socialiste.


LOPPSI 2 : Une loi en plus, des moyens en moins ??...
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