Je ne voulais pas écrire ce blog avant la fin des Jeux Olympiques d’hiver de Vancouver. Ces Jeux, très bien organisés, nonobstant les problèmes de manque de neige, lancent des images positives du Canada dans le monde entier et je ne voulais pas poser un geste qui viendrait entacher cette grande manifestation sportive. Mais à voir évoluer les choses, j’ai décidé de l'écrire.
Le Canada, par sa constitution, est un pays bilingue et biculturel, français et anglais. Découvert par les Français, conquis par les Anglais, notre pays a pu, de peine et de misère, assurer aux deux nations qui le composent le respect des caractéristiques de chacun. Ce ne fut pas facile particulièrement pour les francophones qui depuis 1759, le jour de la conquête, ont tout fait pour se faire respecter et avoir leur place dans ce nouveau pays afin de protéger leur langue, leur culture et leur place. Ce qu’ils ont aujourd’hui, ils l’ont conquis par la force des mots et des votes.
Avec le temps et particulièrement durant les dernières décennies, l’immigration a changé considérablement l’image du Canada au point que les francophones pèsent, aujourd’hui, pour à peine 25 % de la population. Les néo-Canadiens, qui viennent de tous les pays du monde, adoptent surtout la langue anglaise pour vivre dans leur nouveau pays.
Mais cela ne change rien. Le pays a été découvert par les Français, a été pendant 225ans français et est un pays bilingue.
Depuis qu’il a obtenu le privilège du CIO de tenir les Jeux à Vancouver, le COVAN (Comité Organisateur des Jeux de Vancouver) a été critiqué par plusieurs observateurs de ne pas faire place à la langue française dans ses communications et dans ses préparatifs. Chaque fois, le COVAN a promis de remédier à la situation. Ce furent des paroles vides et la cérémonie d’ouverture des Jeux en a été la démonstration.
Certes, le français a eu une certaine place à l’ouverture des jeux. Mais c’est à cause de Pierre de Coubertin, le fondateur des jeux modernes, que le CIO a décidé que le français était la langue des Jeux Olympiques, comme on l’a constaté en Grèce, à Pékin, à Séoul, à Turin et ailleurs. Certes, la gouverneur générale du Canada, de par son rôle, se devait de parler dans les deux langues officielles du pays et elle l’a fait. Le français a été ignoré par les présentateurs et le président du COVAN n’a trouvé rien de mieux que de dire « BIENVENOUE » plusieurs fois et d’ajouter trois autres petites exclamations en français. En 1976, à Montréal, j’y étais, et je peux assurer mes lecteurs que les deux langues furent placées sur un pied d’égalité dans tous les discours et tous les services à la presse et pour les visiteurs. Ce n’est pas le cas à Vancouver.
Le grand spectacle de la cérémonie d’ouverture des Jeux se voulait être une image du Canada. Il fut spectaculaire, original, moderne et inoubliable par ses fresques lumineuses et la participation de ses acteurs. Il a réussi à atteindre son objectif. Ce fut très bien fait. Malheureusement, trop de Québécois n’ont pas compris que la scène du canot d’écorce, une des plus belles, connue sous le nom de « la chasse-galerie », rappelait le conte folklorique de bûcherons du Québec qui, partis travailler dans un camp isolé dans la vallée de la rivière Gatineau pour l'hiver, avaient conclu un pacte avec le diable pour pouvoir passer la veille du Jour de l'An auprès de leurs parents et amis. Je ne suis pas d’accord avec ceux de mes compatriotes qui disent que les organisateurs ont « passé par-dessus le Québec ».
Je regrette cependant que comme porteur du drapeau olympique ou de la flamme olympique durant la cérémonie d’ouverture des Jeux de Vancouver, on ait oublié l’un de nos plus grands athlètes olympiques, le québécois Gaétan Boucher, un patineur de vitesse sur longue piste quadruple médaillé olympique. Il fut le Canadien le plus décoré des jeux d'hiver jusqu'aux Jeux olympiques de 2002, où il obtint deux médailles d’or et une de bronze. Quatre ans plus tôt, il avait remporté une médaille d’argent à Lake Placid. Les organisateurs, dans leur sagesse anglophone, ont cru mieux de choisir Bobby Orr et Wayne Gretzky, deux grands joueurs d’hockey professionnel. Un seul aurait eu le même impact. Il me semble qu’il était plus logique, normal et juste de choisir Boucher qui de toute évidence était un choix supérieur à Orr ou a Gretzky pour une cérémonie olympique.
Il est évidemment facile de critiquer. Et surtout critiquer sur des points qui ne méritent pas de l’être. Je n’aime jamais le faire surtout dans des circonstances comme celles que nous vivons avec les olympiades d’hiver de Vancouver. Mais il y a des choses qui se doivent d’être dites si on veut que nous, les francophones de ce pays, puissions y maintenir notre place. Je ne suis pas un séparatiste, loin de là. Mais j’ai toujours crû, comme mes compatriotes d’aujourd’hui et d’hier, que nous devons toujours être debout pour nous assurer que nos droits et notre présence dans ce magnifique pays qu’est le nôtre soient respectés.
J’espère que le COVAN tiendra compte des critiques qui pleuvent du Québec, d’un ministre du gouvernement canadien, d’ex-ministres fédéraux et d’autres sources pour assurer que la cérémonie de fermeture des Jeux Olympiques de Vancouver soit à la hauteur de ce qu’est le Canada.
Claude Dupras