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Par Toréador | février 16, 2010
Ceci est une farandole…
De quoi 60 est-il le nombre ?
L’égalisateur de vitesse
Jusqu’à très récemment, 60 était karmique. Les sixties ne désignent-elles pas justement cet Eldorado où le plein-emploi régnait partout sous la douce férule du Général ? La France n’avait-elle pas 60 millions d’habitants ? Et la SPA autant d’amis ?
Et puis, insidieusement, 60 est devenu l’ennemi. Par exemple, la réforme des retraites est plafonnée à 60 – et ça c’est grave : sur une autoroute où l’espérance de vie peut frôler les 120, la France a l’impression de rouler à reculons…
Et pas moyen d’accélérer. Foutu stabilisateur social. Soixante millions d’ennemis.
Dans la trabant française, on panique : Au volant, trois conducteurs (l’Etat, le patronat, les syndicats) se contorsionnent et se poussent du coude, qui pour accélérer, qui pour freiner. La voiture zigzague. un coup à droite, un coup à gauche. Sur le siège du mort : le contribuable. Dans le coffre : le cadavre de nos pensions.
Mikado empoisonné et Casse-tête chinois
Entre deux coups de volant, les explications données au citoyen me font sembler au jeu du Mikado, même si celui-ci se joue à 41 baguettes. On va démêler d’une main tremblante le micmac du financement de la sécurité sociale en augmentant la durée de cotisation, « sans toucher à l’âge légal » ni au niveau des pensions. C’est ludique.
Ludique, certes, mais peut-on pour autant dissoudre 60 dans une équation mathématique ? Traduisons ceci en problème de CE2 :
« Soit un enfant nommé Toto qui a 10 francs dans sa poche et qui sait qu’il devra rembourser 5 francs ce soir à son frère. Il souhaiterait acheter des bonbons à 20 centimes pièce. Sachant qu’il ne souhaite ni acheter moins de bonbons, ni quémander de l’argent à sa mère, et que son frère le frappera s’il ne rembourse pas sa dette, comment Toto peut garder le même niveau de bonbons ? »
Une ombre passe – c’est insolvable sans tricher – Ma réponse à cette équation à 1 inconnue serait donc : change de magasin de bonbons, petit. Je tiens une piste : 60 est un nombre qui pousse à la transgression.
Nombre d’Or
A l’audace ? Et s’il fallait voir le nombre sous un angle plus architectural ? Un peu comme cet ancien garage du XIXème siècle de mon enfance dont on avait démoli l’arrière pour construire un immeuble de standing tout en préservant la façade.
Important de préserver la façade : la retraite à 60 ans, c’est classé aux monuments historiques.
Pas question de repeindre ça n’importe comment ou de tout casser. Du coup, on va faire du réingéniering de back-office.
60 serait une sorte de nombre d’or : quelle que soit la disposition du nouvel édifice, il devra respecter les proportions sociales garantissant son harmonie.
Du coup, mystère complet : Soixante serait aussi un nombre de statu-quo !
Carré magique
Comment un nombre peut-il être l’envers et son contraire, transgressif et ordinal ? Et si 60 était tout simplement un nombre magique ? « Et maintenant, mesdames et messieurs, je vais faire disparaître un à un les quatre pieds de la chaise mais celle-ci continuera à léviter ! Attention, j’enlève le montant des pensions !
Les esprits chagrins parleront évidemment de « prestidigitation ». - et oui, il y a un truc.
Comment ça de l’escroquerie ? Mais tout magicien est un escroc qui a du talent ! Et puis, 60 est vraiment un nombre à part… Il y a en effet des nombres ou des chiffres magiques qu’on ne peut jamais modifier sans provoquer de mouvement social.
C’est le charme des mathématiques sociale : réduire de 7 à 5 est facile si c’est un mandat, mais passer de 39 à 35 plus dur. Qui croirait que l’année soit une unité plus friable que l’heure, en matière de soustraction sociale ?
Le nombre hors-la-loi
Si 60 n’est ni un nombre entier mais pas réductible aux mathématiques, égal à son contraire, sans pour autant être magique, qu’est-il ? Allez je tranche.
En un mot et un seul : légal. La question que l’on pourrait cependant se poser est :qu’est-ce qu’un nombre légal ?
L’âge légal pour la consommation d’alcool, le mariage ou encore pour être élu au Sénat ont une signification. Ce sont des seuils. On est soit en dessous, soit en dessus. C’est blanc ou noir.
Dans le cas de l’âge légal de départ à la retraite, c’est l’inverse. Il y a ceux qui partent avant (les seniors en pré-retraite, les fonctionnaires) et ceux qui partent après (le privé pour l’essentiel). Le chiffre de 60 ans a une valeur légale mais pas d’effet contraignement juridiquement, puisque c’est la durée de cotisation qui fait foi. 40 ans hier, 41 ans aujourd’hui.
Techniquement,c’est donc un âge légal sans force juridique. Je ne voudrais pas être plus légaliste que la loi, mais posons-nous la question : à quoi sert-il, au juste, sinon à ce que l’imbécile regarde le nombre quand le sage montre la cotisation ?