Il est fascinant de voir à quel point le thème de la persécution semble imprégner l'oeuvre Keiko Suenobu, mangaka auteur de l'excellent one shot Vitamine et de Life qui nous intéresse aujourd'hui.
Dans Vitamine, manga au ton autobiographique très fortement sous entendu, Suenobu nous racontait l'histoire d'une lycéenne martyrisée qui s'en sortait par la création de mangas. C'était un récit assez poignant sur le courage qu'il faut avoir pour pouvoir emprunter le passage qui mène du désespoir à la confiance en soi mais aussi une dénonciation en règle de l'ijime à la sauce manga. Avec Life, on repart sur les mêmes bases mais Suenobu a décidé d'enclencher la puissance 1000.
Return
En effet, tout dans Life semble volontairement poussé à l'extrême, à commencer par le scénario. Là où l'héroïne de « Vitamine » subissait des humiliations « ordinaires », Life a décidé de pousser jusqu'à la ligne jaune le destin de ses personnages. La violence, l'automutilation, le viol, la manipulation mentale voire la mort sont invités à la table. Ils ne seront pas les seuls car la mangaka a décidé de créer une oeuvre dont le scénario plonge au fur à mesure vers le drame incontrôlable. Une mise en scène d'une situation irrémédiablement destinée à s'envenimer. Très rapidement le lecteur est mis au jus : la gentille petite fille c'est terminé, maintenant l'héroïne va se battre jusqu'au bout pour faire tomber celles et ceux qui veut la détruire.
Revenge
En cela, elle est l'antithèse d'une Kitahara Aya (Onani Master Kurosawa), elle n'est ni résignée à subir son destin pas plus qu'elle ne tente de contrôler le flot de haine qui monte en elle par des moyens détournés et tordus. Ses réactions sont assez « cash » et le deviennent encore plus avec le temps. C'est ce qui lui permettra d'acquérir l'amitié de son seul soutien de poids, son véritable modèle. Tout le talent de la mangaka est alors de transformer la colère qui monte entre ses différents protagonistes et les inévitables vengeances qui en découlent en une oeuvre sous tension permanente tout en conservant une histoire qui ne renie jamais ses principes et ne dérive jamais.
Redemption
En effet, Life est une oeuvre violente mais fondamentalement morale puisque les héros restent les victimes tandis que les méchants sont des êtres amoraux, menteurs et manipulateurs. Cette symétrie des comportements, que certains trouveront fatalement trop caricaturale, aboutit à des duels de papier assez dantesque où le rythme ne faiblit jamais. Chaque tome est ainsi conçu de telle sorte que le lecteur ne puisse pas faire de pause. Les retournements de situations sont légion, la mangaka n'hésite pas à tordre ni à exagérer de façon assez énorme son dessin au travers des poses et des attitudes de ses personnages. De même, la mise en scène est à l'image du ton survolté de l'ensemble. (Je n'ai jamais vu autant de pages contenant si peu de cases). Les tomes se lisent ainsi à vitesse grand V comme si ils étaient préparés pour vous donner un coup de poing dans le bide.
Et là est tout Life dans cette violence diverse et permanente, dans cette vaste furie incontrôlable de son histoire. Life est un drame et un duel digne des plus grands, presque un appel à la révolte, et pour tout vous avouer il me semble parfois entendre un cri de rage qui perce au travers de ses pages.
Une oeuvre puissante.