Mille morceaux

Publié le 15 février 2010 par Sébastien Michel
De James Frey
éd. 10/18, 605 p.
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Mille morceaux est l’autobiographie de James Frey brisé par les drogues et l’alcool qui ont nourri toute sa jeunesse. Le délinquant atterrit à 23 ans dans un centre de désintoxication, le corps en lambeaux. Esprit pourri dans un corps pourri. Les médecins vont s’appliquer à lui rassembler les morceaux. On lui redresse le nez, on lui rafistole les dents avec une fraise baïonnette, on lui raccommode l’esprit à coup de cachetons. Et puis il faut aussi renouer les liens. Le drogué solitaire rencontre d’autres abîmés de l’existence qui ont connu sa dérive. Parmi ces portraits, il y a Lilly, une femme belle comme un nuage qui lui redonne un peu le goût d’être sur Terre entre deux descentes en enfer, dans les bas-fonds sordides de la rechute. Toute cette cure de réapprentissage de l’existence est écrit dans un style viscéral : répétition, silence, retour à la ligne. L’écrivain s’est emparé de la page blanche pour les tâcher crûment de tous ses maux, sans fioriture.

Le récit de Frey vous empoigne donc, souvent jusqu’aux tripes, tant l’expérience infâme paraît racontée dans sa plus cruelle vérité. Oui mais voilà il y a un hic, un sacré hic : James Fray est un faussaire qui a bien attrapé ses lecteurs avec sa fausse vie et ses fausses souffrances de martyr. Cette autobiographie est une substance hallucinogène, un mirage fait de LSD, de cocaïne et de mensonges. Du coup forcément plus vraiment une autobio…
Mille morceaux fait tout éclater : le corps, le verbe, la vie… Il reste des lambeaux de phrases sans vérité et au fond puisque l’existence est aussi un roman, l’impression d’avoir touché un vrai morceau de littérature.