L’Angleterre et l’Espagne, deux valeurs spéculatives Au sein même des instances dirigeantes de la Premier League, le championnat de première division anglaise de football, la sonnette d’alarme a été tirée depuis quelques temps déjà. En effet, la dette cumulée des 20 clubs de la première division anglaise atteint environ 4 milliards d’euros dont un bon tiers à la charge du «Big Four». D’aucuns affirment que leurs résultats sportifs devraient leur permettre de redresser la barre, mais, à l’instar du trading, le football est une activité aléatoire. Lord David Triesman, le président de la Football Association, n’écarte pas ainsi l’hypothèse d’une faillite de grande ampleur reprenant son analyse faite il y a un an selon laquelle en additionnant deux réalités antinomiques - une montagne de dettes et une masse salariale en augmentation - «nous nous trouvons devant un danger tangible». Une situation que connaît bien le championnat espagnol. Avec le Real Madrid et le FC Barcelone, dont les chiffres d’affaires respectifs s’élèvent à 420 millions et 405 millions d’euros, qui ont animé le marché des transferts l’été dernier en investissant respectivement 255 et 112 millions d’euros, le football espagnol peut se targuer d’occuper les deux premières marches du football européen en matière de chiffre d’affaires. Mais derrière, le tableau est beaucoup moins reluisant. La crise de l’immobilier a touché de plein fouet le secteur qui a longtemps compté des promoteurs et des constructeurs au rang de ses flamboyants investisseurs. Florentino Perez, président du groupe de BTP espagnol ACS et du Real Madrid, est aujourd’hui l’un des derniers des mohicans. Payant des années d’excès, les vingt clubs de première division affichent un endettement de 3,4 milliards d’euros dont 1,7 milliard à court terme. Et si le Real (683 millions) et le Barça (490 millions) paraissent en mesure d’honorer leurs engagements, le FC Valence, troisième de l’actuel championnat, vit sous perfusion traînant une dette de 500 millions d’euros. Une dizaine de clubs professionnels de première et deuxième divisions se trouvent en cessation de paiements.
L’Allemagne, une valeur qui a bien résisté à la crise S’ils font piètre figure dans les compétitions européennes, les clubs du championnat allemand, la Bundesliga, n’en affichent pas moins un bilan financier confortable. Les chiffres pour la saison 2007/2008 font apparaître des recettes totales d’1,4 milliard d’euros, pour un bénéfice d’exploitation de 136 millions d’euros. Le plus titré d’entre eux, le Bayern Munich, où joue Franck Ribéry, capte à lui seul 295 millions d’euros de recettes. Quelque 69.000 spectateurs se massent dans la Allianz Arena lors de chaque confrontation, ce qui tire vers le haut la moyenne du championnat qui culmine à 42.600 spectateurs par match. Les 18 clubs allemands de l’élite voient les investissements réalisés pour la Coupe du monde 2006 se rentabiliser. L’argent est allé dans les infrastructures, moins dans l’achat de joueurs vedettes.
La France, une valeur sage mais peu ambitieuse Quid de la France ? «Il y a quelques années, la France était au même niveau que l’Allemagne. Aujourd’hui, elle est nettement derrière. Pourquoi ? Parce qu’ils ont parfaitement compris que le modèle économique du football moderne passait par un stade à la hauteur de leurs ambitions» affirme Vincent Chaudel de Ineum Consulting. Ainsi, la France a dépensé environ 600 millions d’euros pour «sa» Coupe du Monde dont seulement 200 millions d’euros pour les équipes évoluant parmi l’élite. Par comparaison, l’Allemagne a déboursé, pour la sienne en 2006, 1,3 milliard d’euros qui ont été investis dans 12 stades de clubs évoluant en première division allemande. D’ordinaire sage financièrement, les clubs français ont replongé dans le rouge, après trois saisons en positif. En 2008/2009, les 40 clubs de Ligue 1 et Ligue 2 ont enregistré un déficit cumulé de 33,5 millions d’euros. Ce sera au moins le double à l’issue de l’exercice en cours. Contrairement au dernier exercice déficitaire (2004-2005), celui-ci doit à une œuvre collective, 18 des 40 clubs étant déficitaires, alors qu’en 2004-2005, seul le PSG l’était. Le déficit s’explique très largement par la diminution des «droits de mutation» (transferts), qui représentent 20% des recettes globales. En la matière, le déficit collectif par rapport à l’exercice précédent se monte à 39 millions d’euros ainsi répartis: - 50 en L1, +11 en L2. Sur la foi du prévisionnel des clubs, la LFP prévoit «un déficit qui atteindrait 100 millions d’euros» en 2009-2010. Mais compte tenu de la surchauffe qui frappe actuellement les principaux acheteurs étrangers (anglais et espagnols) il faut s’attendre à une ardoise plus lourde encore. Autre aspect inquiétant : les revenus TV pourraient s’orienter à la baisse. Le nouveau patron de France Télécom, Stéphane Richard a clairement fait comprendre que le groupe devait se recentrer sur les «tuyaux» et non pas sur les contenus. Ce qui signifierait qu’Orange, filiale de France Télécom pourrait laisser la voie libre à Canal Plus. En l’absence de rival solide, la filiale de Vivendi pourrait décider de revoir son investissement à la baisse. Face à cette brutale baisse de recettes, les clubs français, qui ont pris des engagements de longue durée (contrats de joueurs, investissements immobiliers), sont en effet étranglés.