Modification rétroactive du taux des intérêts moratoires applicables aux marchés publics (CEDH 11 février 2010, Sud Parisienne de Construction c. France)

Publié le 15 février 2010 par Combatsdh

Une société sous-traitante a obtenu des juridictions administratives françaises le paiement d'une créance due par l'"Assistance Publique - Hôpitaux de Paris" mais un contentieux annexe est survenu s'agissant du calcul des intérêts moratoires (" destinés à réparer le préjudice subi par le titulaire d'un marché public ou le sous-traitant du fait des retards de paiement de l'administration " - § 7). En application d'une loi de finances rectificative pour l'année 1996, un arrêté ministériel de 1997 a modifié le taux de ces intérêts moratoires, ce qui a diminué leur montant dans le cadre du contentieux précité.

La Cour européenne des droits de l'homme commence par admettre l'applicabilité de l'article 1er du Protocole n° 1 (Protection de la propriété) en estimant que le requérant " bénéficiait en l'espèce d'un intérêt patrimonial constitué [... notamment] des intérêts moratoires contractuels ", élément constitutif d'un bien au sens de l'article précité (§ 30).

L'ingérence au sein du droit au respect de ses biens - constituée par les conséquences négatives de l'application rétroactive du dispositif législatif sur les intérêts moratoires (§ 32) - est cependant considérée comme justifiée par la Cour. Dans le cadre de la notion d'" utilité publique ", à propos de laquelle est reconnue une " certaine marge d'appréciation " au bénéfice des États (§ 35) et qui est " ample par nature " (§ 36), il est ainsi relevé que " les motifs avancés par le Gouvernement pour justifier l'intervention législative apparaissent comme étant pertinents, suffisants et convaincants " (§ 39). La disposition législative litigieuse poursuivait " d'impérieux motifs d'intérêt général " (correction d'" un dysfonctionnement anormal " et " h armonis[ation] par l'application d'un taux d'intérêt unique du mode de calcul des intérêts non encore mandatés " - § 39).

Par ailleurs, la " proportionnalité d'une ingérence législative avec effet rétroactif " est plus facilement admise lorsque celle-ci n'affecte pas " l e cœur du litige porté devant les juridictions nationales " (§ 42).

Ici, dès lors que n'était concerné que le montant des intérêts moratoires et non la créance principale, " la mesure litigieuse n'a [...] pas atteint la substance même du droit de propriété de la requérante " (§ 44).

Dans ces circonstances, aucune violation de l'article 1 du Protocole n° 1 n'est imputable à la France (§ 45).

Sud Parisienne de Construction c. France (Cour EDH, 5e Sect. 11 février 2010, Req. no 33704/04) Actualités droits-libertés du 11 février 2010 par Nicolas Hervieu