Une société sous-traitante a obtenu des juridictions administratives françaises le paiement d'une créance due par l'"Assistance Publique - Hôpitaux de Paris" mais un contentieux annexe est survenu s'agissant du calcul des intérêts moratoires (" destinés à réparer le préjudice subi par le titulaire d'un marché public ou le sous-traitant du fait des retards de paiement de l'administration " - § 7). En application d'une loi de finances rectificative pour l'année 1996, un arrêté ministériel de 1997 a modifié le taux de ces intérêts moratoires, ce qui a diminué leur montant dans le cadre du contentieux précité.
La Cour européenne des droits de l'homme commence par admettre l'applicabilité de l'article 1er du Protocole n° 1 (Protection de la propriété) en estimant que le requérant " bénéficiait en l'espèce d'un intérêt patrimonial constitué [... notamment] des intérêts moratoires contractuels ", élément constitutif d'un bien au sens de l'article précité (§ 30).
L'ingérence au sein du droit au respect de ses biens - constituée par les conséquences négatives de l'application rétroactive du dispositif législatif sur les intérêts moratoires (§ 32) - est cependant considérée comme justifiée par la Cour. Dans le cadre de la notion d'" utilité publique ", à propos de laquelle est reconnue une " certaine marge d'appréciation " au bénéfice des États (§ 35) et qui est " ample par nature " (§ 36), il est ainsi relevé que " les motifs avancés par le Gouvernement pour justifier l'intervention législative apparaissent comme étant pertinents, suffisants et convaincants " (§ 39). La disposition législative litigieuse poursuivait " d'impérieux motifs d'intérêt général " (correction d'" un dysfonctionnement anormal " et " h armonis[ation] par l'application d'un taux d'intérêt unique du mode de calcul des intérêts non encore mandatés " - § 39).
Par ailleurs, la " proportionnalité d'une ingérence législative avec effet rétroactif " est plus facilement admise lorsque celle-ci n'affecte pas " l e cœur du litige porté devant les juridictions nationales " (§ 42).
Ici, dès lors que n'était concerné que le montant des intérêts moratoires et non la créance principale, " la mesure litigieuse n'a [...] pas atteint la substance même du droit de propriété de la requérante " (§ 44).
Dans ces circonstances, aucune violation de l'article 1 du Protocole n° 1 n'est imputable à la France (§ 45).
Sud Parisienne de Construction c. France (Cour EDH, 5e Sect. 11 février 2010, Req. no 33704/04) Actualités droits-libertés du 11 février 2010 par Nicolas Hervieu