Parce qu’un vrai blog de fille aborde toujours, à un moment ou un autre, la délicate question des désordres psychiques typiquement féminins…
Hier soir, j’ai subi une attaque particulièrement vicieuse et néanmoins foudroyante.
L’ennemi a profité de l’entrebâillement funeste de la fenêtre du salon pour se glisser subrepticement dans la place. Après quoi, il s’est tapi dans l’ombre, silencieux comme un commando du GIGN, suivant la règle bien connue de l’empereur Sun Tzu: L’art de la guerre, c’est de soumettre l’ennemi sans combat.
J’étais sur le chemin des toilettes, regrettant déjà de devoir manquer cinq minute de téloche (les interventions hautement intellectuelles de la bande de trisomiques du Grand Journal sur Canal Plus me font un peu l’effet d’une injection de novocaïne sur une dent cariée, surtout quand c’est Ariane Massenet qui tente péniblement d’aligner trois mots).
J’ai poussé la porte, me délectant par avance du bref moment que j’allais passer en ce lieu béni des dieux, ce havre de paix fraîchement repeint et nouvellement carrelé d’ardoise (oui, on ne se refuse rien, c’est le bling-bling sanitaire), quand soudain je l’ai vu.
Embusqué dans un coin, à la jonction du mur de droite et du plafond.
Énorme.
Gras.
Biennoir sur ce fond bien blanc.
Un cousin.
Le Godzilla de tous les cousins.
Tout en pattes filiformes et en ailes membraneuses.
J’en ai laissé tomber mon exemplaire du Monde (oui, c’est très névrotique mais quand je vais aux chiottes, j’ai besoin d’emmener Le Monde, ça m’aide à me concentrer).
- Mon amour?
- Vouiiiiiii?
- J’ai comme qui dirait un petit problème.
- Keskya?
- Ce sera plus simple si tu viens voir.
- Mmmmmm.
Loutre se pointe tranquillement trois secondes plus tard (j’entends vaguement le dénommé Mouloud à la télé qui tente de prouver qu’il a beau être obèse et particulièrement con, il a toute sa place dans une émission branchouille destinée aux bobos parisiens, et je l’approuve intérieurement).
- Alors?
- Là.
Et je pointe Godzilla du doigt.
- Ben quoi?
- T’as vu?
- Oui. C’est un cousin. Les beaux jours reviennent. Les insectes aussi.
- ….
- ….
- ….
- Bon, tu vas faire ta petite affaire, hein? C’est pas que ça urge, mais j’irais bien, moi aussi.
- Je t’en prie, passe devant, j’ai décidé de mouiller mon pantalon.
Un tressaillement imperceptible de la lèvre supérieure, un léger frémissement des naseaux, le coin de la bouche qui se retrousse.
Loutre sourit.
De plus en plus.
Maintenant, Loutre se marre franchement.
- La Chose qui recule devant un gros moustique. On aura tout vu. Personne ne me croira.
- Je t’emmerde.
- T’as la trouille du méchant vilain petit insecte?
- Je vais te casser la gueule.
- Bouh! Qu’il n’était vilain le petit insecte!
- Quand j’en aurai fini avec toi, t’auras besoin d’une paille pour respirer.
- Tu veux que j’appelle SOS Fantoches?
- T’auras même besoin d’un anus artificiel pour…
- Ouais, ouais, c’est ça, on lui dira. Bon allez, je te laisse en tête à tête avec Cousin Bernardo, va!
Et Loutre tourne les talons et s’en va dans le salon, me laissant seule face au monstre.
Qui ne bouge pas (le monstre).
Qui se contente d’être posé là, comme une verrue sur la face divinement pure d’une jolie fille.
Et qui, j’en suis convaincue, me regarde dans les yeux.
- Ecoute, Bernardo, fils de chien, tu as exactement trois secondes pour aller trimballer ta carcasse hideuse ailleurs, t’entends? Sinon je te jure que je te ratatine comme une merde.
Bernardo m’écoute, j’en suis sûre. Il m’écoute, et il se bidonne. Ce putain de cousin se fout de moi.
Parce qu’il sait pertinemment, Bernardo, que jamais je n’aurai le courage de m’approcher de sa petite gueule d’araignée volante.
J’ai horreur des araignées.
J’ai horreur des cousins.
J’ai horreur de tout ce qui, de près ou de loin, ressemble à un truc qui vole, qui rampe ou qui trotte, et qui appartient à la famille des arthropodes. Surtout les insectus.
Bernardo le sait bien. C’est pour ça qu’il se marre.
- Alors, la Chose, ça va comme tu veux? Mmmm? Il se passe comment, ton match de boxe avec Apollo le Cousino? Arf arf arf!
T’en foutrais moi, tu vas voir, match de boxe, oui, c’est ça, je sais pas ce qui me retient de l »exploser contre le mur, Apollo le Cousino, Bernardo le Salopiot, je sais pas ce qui me retient…Mais si, je le sais.
La trouille.
Du coup, je ne suis pas allée aux toilettes. J’ai passé la soirée à me tortiller dans le canapé, avec une envie pressante, pressante, PRESSANTE NOM DE DIEU, mais j’ai tenu le coup.
Et quand Loutre a fini par aller au petit coin, j’ai été gratifiée d’un méprisant:
- Allez, killeuse, tu peux venir le faire, ton pissou, Bernardo el cousino loco est reparti à Tijuana s’envoyer une Tequila.
L’inconvénient, quand on est pas mariée, c’est que du coup, ben on peut pas divorcer.
Classé dans :A propos de l'hypocondrie, de la névrose d'angoisse et de la conversion hystérique