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Inspirée, voilà ce que je suis en prenant la plume aujourd’hui. J’aurais préféré qu’il en fusse autrement, vu le thème du billet de cette semaine, mais parfois, on ne choisit pas. Pour la suite, je vous demanderai de lire en imaginant non pas une voix suave et féminine comme la mienne, mais plutôt celle d’André Dussolier, profonde et énigmatique.
Nous sommes le dimanche 14 février 2010, dans le 18e arrondissement de Paris. Aux environs d’1h15 du matin, Emma et Olivia, regagnent la voiture de la première après une soirée chez des amis. La portière conducteur bloquée depuis la veille par un dysfonctionnement de la fermeture centralisée, Emma passe par le côté passager pour s’installer au volant. Olivia a l’habitude de condamner les portes de son véhicule quand elle conduit en ville. Mais on ne sait jamais, à cette heure le week end, un accident est vite arrivé. La polo grise immatriculée dans la Marne descend la rue Championnet jusqu’au carrefour du Boulevard de Saint-Ouen et s’arrête au feu rouge.
Alors qu’elle cherche son GPS dans son sac, Olivia entend soudain un clic : sa portière vient de s’ouvrir et un homme essaie d’entrer dans le véhicule. Il mesure dans les 1,90m, plutôt élancé, il porte des vêtements de sports et tout le tour de sa bouche est maculé de blanc, comme s’il était enragé. Olivia le repousse du bras et lui crie : “Dégage !” Ce cri attire l’attention d’Emma qui enclenche la première pour débarrasser Olivia de l’intrus. Trop tard. Malgré les efforts de la passagère, l’homme a réussi à sauter dans l’habitacle et a refermé la portière derrière lui. Il se met à hurler : “Démarre, démarre, il me suivent !” Emma s’arrête en plein carrefour, espérant alerter des automobilistes alentour. Puis elle se met à frapper l’homme en le sommant de sortir. Mais il se débat. Olivia, complètement écrasée sous le poids de l’inconnu qui gesticule, affalé sur elle, parvient à glisser sa main jusqu’à la poignée de la portière et l’ouvre.
En une fraction de seconde, l’homme a refermé la portière et se met à donner des coups de pieds pour l’empêcher de recommencer : “Non, je veux rester, démarre !” Emma frappe de plus belle, sans faire grand mal à son adversaire. Elle finit même par se retourner l’ongle du petit doigt. Autour de la polo, la lutte et les cris ont été remarqués et deux hommes sortent de leur véhicule pour venir porter secours aux jeunes femmes toujours ceinturées et désormais prisonnières de leur véhicule. En effet, les coups de pieds de l’intrus ont fini par casser la tirette de verrouillage et la poignée de la portière passager. Les deux hommes assènent des coups de poings dans la vitre afin de la briser, ce qui distrait l’intrus et donne à Emma l’occasion d’accéder au bouton du lève-vitre. La fenêtre s’ouvre et en quelques secondes, des bras extirpent l’importun hors de l’habitacle et le jettent sans ménagement sur la chaussée. S’ensuivent quelques coups de poings, puis l’homme à la bouche souillée s’échappe en courant.
Dans leur voiture, les deux victimes sont sous le choc. Plusieurs personnes descendent de voiture pour s’assurer qu’elles vont bien. Emma les rassure et redémarre pour dégager le carrefour. A côté d’elle, Olivia pleure de peur : “J’ai pas - com-pris - ce qu’il-vou-laiiiit !” Son amie craquera plus tard, devant le commissariat. Cet homme, vraisemblablement un juncky en manque, fuyait peut-être après avoir commis un délit, ou alors un dealer qu’il n’avait pas payé... Ce que les deux victimes avaient d’abord pris pour du car jacking n’était sans doute qu’une fuite désespérée. Il ne les a pas blessées, n’a rien volé, n’a même pas essayé de prendre les clés ou de sortir la conductrice du véhicule. Bien sûr, il s’est jeté sur elles, a gesticulé au point de casser divers éléments de l’habitacle, mais les policiers ne trouvent pas lieu à déposer une plainte pour agression. Le rapport fera état d’une simple dégradation de véhicule. Entrer chez quelqu’un sans son autorisation, c’est une violation de domicile. Mais ceci ne s’applique pas à une voiture (quand on sait que de plus en plus de français vivent dans la leur...)
Concernant leur accueil au commissariat, Emma et Olivia n’ont rien à redire : “Les policiers nous ont écoutées, nous ont proposé un café. La policière est même sortie avec nous inspecter la voiture pour pouvoir rédiger un rapport plus précis.” A 4h du matin, la déposition est signée. Les deux amies peuvent enfin regagner leur domicile. Rentrant dans leur voiture par le coffre, seul accès encore praticable. Sur le trajet, elles riront même en évoquant le fou rire d’Olivia en plein exposé des faits, rire nerveux, il va sans dire. Quant aux deux hommes qui ont remonté leurs manches pour venir à leur secours, Emma les considère comme des héros : "Après, qu'on vienne pas me dire qu'à Paris, on laisse crever les gens la gueule ouverte ! Ces deux-là, ils ont eu le courage d'affronter un mec qui aurait pu être armé. Rien que ça, ça fait chaud au coeur !"
Ce qui est moins drôle, c’est la porte du trois-pièces d'Emma et Olivia qui les enferme dehors le lendemain, alors qu’elles sont sur le point de partir se balader pour se changer les idées. Mais ceci est une autre histoire...
Avec les portes, ces deux-là ont vraiment la poisse !
*Les prénom a été changé pour des raisons professionnelles. Liv, vous l'aurez sans doute compris, n'est autre que le diminutif d'Olivia... J'assume totalement ma crise molle après l'épisode dans l'habitacle.