Every single worm…
Avant ça passez un de ces vendredis au Java, rue Saint Géry 31, juste derrière les Halls du même nom où je mixe désormais tous les vendredis: soul & sunsplash music... for whatever that means! Ce samedi 20 février je fais une session mix au Floréo (bar également juste derrière les Halls Saint Géry) avec tout qui veut; le principe est simple: ceux qui parmi vous ou dans vos connaissances veulent préparer une playlist et venir la mixer dans un bar, rien de plus simple! Venez au Floréo avec tout ça sur une clé USB et vous mixerez pendant 30 min. sur mon matos. Le but est d'avoir une petite équipe de 3-4 personnes par soirée & to groove the house, yo! So spread the word & come & mix! Ou bien venez simplement avec votre I-Pod et on organise une petite I-Pod battle... bref de quoi passer de bons moments musicaux et dans une ambiance chaude. See you @ Floreo ce samedi 20!
Le Double
‘Songs For Maggots’
Spank Me More Records
« Every single worm has a story to tell » chante Jack White dans son histoire des sept nations. Worm, maggot sont parfois de termes faussement péjoratifs, un peu pudiques. On pourrait les remplacer par soul, au sens littéral du terme. En tout cas ce ‘Songs For Maggots’ est un album qui a une âme et elle va vous hanter longtemps. Tout en se tenant à une distance irréelle, Le Double guette ses états d’esprit ou ceux de ses personnages imaginaires avec acuité, et il nous les livre en de surprenantes mélodies. Elles vous donneront doucement le tournis sur ‘Should We’ ou vous maintiendront dans la torpeur d’un rêve éveillé avec le splendide ‘Amusing Interest’. Un titre joliment pop apporte une cadence plus soutenue (‘Figure Out’) alors que d’autres comme ‘Shine Burn’ ou ‘Quitte Ou Double’ explorent des horizons électriques tortueux mais éthérés jusque là peu connus dans les contrées folk. Aux confins de ces morceaux étranges, s’élève la mélodie rayonnante et sereine de ‘Middle Class Folk’, frissons. Tous ces titres transmettent un univers contemplatif comme autant des dialogues entre âmes anciennes qui, un peu mélancoliques, se retournent sur leurs vies mais les observent au fond avec bienveillance. Un premier disque parfaitement abouti et qui touche juste. (jd)
Interview:
La plupart t’ont connu en tant que guitariste noise de Pentark avec lequel tu jouais du post-rock principalement instrumental. À présent tu sors un album folk. Tu avais une double personnalité depuis le début ou bien tu as mal tourné ?
Le Double : « Certains vont plutôt te dire que j’ai plutôt bien tourné ! En quelque sorte, je fais du folk depuis toujours car quand j’ai commencé à jouer, c’était avec une guitare sèche et mes goûts se sont orientés notamment vers des artistes comme Neil Young, Bob Dylan. La musique que je présente maintenant est très différente de Pentark mais certains morceaux ont été écrits il y a presque 10 ans. Ceux-là sont vraiment plus acoustiques et les titres plus récents, eux, sont peut-être plus élaborés, comme ‘Shine Burn’ qui est une longue envolée électrique. Même si le but était de faire quelque chose de différent de Pentark, il y a quand même ce côté mélancolique qui est présent tant dans le Double que dans Pentark. Mais exprimé de façon différente. »
Ceux qui font du post-rock se mettent en principe en réaction par rapport aux schémas musicaux habituels, genres les structures couplet/refrain, les solos, les sons etc. Et avec cet album, tu plonges dans les schémas plus classiques.
Le Double : « C’est vrai qu’avec le Double la démarche est différente. Le but ici est de faire de la musique la plus simple et directe possible. D’un autre côté le post-rock est arrivé à un stade assez avancé où il est devenu un style comme les autres et ses bases, ses codes ont essaimé dans beaucoup de trucs de musique moderne. Ceci dit, je ne tourne pas du tout le dos à ce qu’on a fait dans Pentark. Aujourd’hui on ne joue plus ensemble car notre batteur a eu des problèmes d’acouphène. On a essayé de jouer avec un autre batteur, ça a bien marché mais l’esprit n’était plus le même car c’était à la base une musique élaborée à trois pour ces trois-là. Ça n’avait plus de sens de continuer autrement. »
C’est un travail d’expression qui est très différent aussi. Comment t’es venue l’idée ou le besoin de faire cet album folk ?
Le Double : « Ca date d’il y a trois ans environ. J’avais déjà une série de chansons et l’idée était de poursuivre cela dans un registre qui soit le plus simple possible mais qui propose aussi une certaine diversité, où chaque chanson a son propre style, ses couleurs et son propre univers. À cela j’ajoutais l’exigence d’avoir un album qui se tienne de A à Z et que ce ne soit pas juste un melting pot de toute sorte de choses plus ou moins homogènes. Il y a donc des titres que j’ai écrits ou arrangés avec cet objectif d’apporter un peu d’expérimental mais tout en restant dans la cohérence folk de l’album : ça a donné des titres comme ‘Shine Burn’ ou ‘Middle Class Folks’. En somme, les premiers morceaux de l’album sont plus abordables et assez simples dans leur structure puis les morceaux prennent de plus en plus d’ampleur avec des structures qui sont plus complexes, et sur la fin, on en revient à quelque chose de plus dépouillé et folk. »
Tu t’es entouré de musiciens venant d’horizons assez diversifiés. Comment s’est passé le travail quand tu t’es retrouvé avec eux.
Le Double : « Je suis arrivé avec tout un gros travail de maquette préalable, la base était là et on a assez peu ajouté en studio. Mais c’est clair que grâce au travail de production de Max Finkle et à celui de Cyrille (iCU) de Haes à la basse, on a pu travailler encore quelques arrangements et les sons. Ensuite il a fallu trouver des batteurs qui collent bien à l’atmosphère des différentes chansons : c’est comme ça qu’on retrouve Jean-Philippe de Geest qui est vraiment un batteur jazz avec un jeu très free et qui convenait parfaitement pour des morceaux un peu plus expérimentaux comme ‘Shine, Burn !’. Charlie de Croix a parfaitement imprimé son style carré et énergique sur ‘Figure Out’ qui sert de single et qui avait besoin de ça. Boris Gronemberger fait presque tous les autres titres avec sa touche tout à fait originale qui m’a plu d’emblée. Mais avant de rentrer en studio, j’avais pas mal d’appréhension car nous n’avions jamais joué ensemble et tu peux vite perdre beaucoup de temps à chercher la bonne formule. Or tout s’est passé très vite en général: ils avaient déjà leurs idées qui collaient super bien. C’est une bonne expérience de pouvoir travailler avec des gens différents car ça donne vraiment des couleurs spécifiques aux différents titres. »
On entend que le travail de la voix est quelque chose de nouveau pour toi, elle n’est pas complètement posée. Pourtant on est impressionné par la richesse des harmonies et par les risques que tu prends au niveau mélodique, surtout dans une chanson comme ‘Perfection’.
Le Double : « Oui, c’est clair, c’est un morceau où il faut bien assurer : la mélodie monte, c’est assez aigu, c’est pas évident à chanter ! Ces mélodies me viennent toujours à partir de mon travail à la guitare et j’essaie de trouver des mélodies qui se développent sur la longueur et pas simplement une phrase puis une réponse, une phrase puis une réponse etc. Il n’y a pas de règle mais j’ai bien aimé travailler comme ça. »
Malgré un budget assez plancher, vous avez pu trouver une esthétique spécifique tout en respectant la quintessence de chaque morceau. Comment fait-on quand on débute dans le métier et qu’on veut garder son indépendance ?
Le Double : « J’ai la chance d’avoir une structure derrière moi qui est le label Spank Me More. Sans ça, je n’aurais pas pu sortir cet album. Sinon au niveau finance, c’est un album autoproduit. Ensuite les bénéfices de Spank qui ont pu être engrangés auparavant nous servent à faire de la promo, des événements, des compils qui profitent à tous les artistes du label. Et surtout j’ai pu compter sur Max Finkle du studio Pyramide qui a impeccablement enregistré, produit, mixé cet album et qui s’est dépensé sans compter dans l’aventure. »
En parlant de Spank Me More, c’est un label qui semble regrouper des musiciens à tendance plutôt expérimentale et pas très folky à vrai dire…
Le Double : « L’idée est celle d’un label qui soit avant tout éclectique, avec un mélange de styles et d’artistes qui présentent chacun quelque chose de spécifique dans leur domaine et qu’on n’entend pas dans les canaux de diffusion habituels. Bon, faut pas s’enfermer dans une tour d’ivoire non plus : si différentes qu’elle soient, le but est de faire découvrir ces musiques à un maximum de gens. C’est comme ça qu’un projet folk s’insère là-dedans : par son côté, spontané, lo-fi et aussi parce qu’il ajoute encore une couleur à la palette du label. Je pense que tout cela se tient, on verra ce que le public en dira… Pour ça, on va faire une label night au Botanique le 12 mars prochain avec iCU, Casse Brique, Innermountain et où je présenterai mon ‘Songs For Maggots’. »
En live on retrouvera toute l’équipe qui t’a entouré en studio ?
Le Double : « Non ce sera juste Max et moi en duo, ce sera donc un formule assez différente du disque. Les guitares acoustiques seront bien présentes mais on intégrera des éléments électroniques, des séquenceurs, des boîtes à rythme, des synthés… Il y aura un enchaînement de loops et on va tourner sur différents instruments, ce qui donnera aussi une chouette dimension visuelle. On est en train de travailler là-dessus et c’est vraiment intéressant car Max a fait de nouveaux arrangements qui donnent une autre interprétation, une autre touche aux morceaux. Et si tout se passe bien on pourrait même imaginer d’enregistrer cette configuration live. Pas évident mais je crois que ça en vaudra la peine. »
CD reviews:
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Titi Robin & Faiz Ali Faiz
‘Jaadu Magic’
Accords Croisés/Harmonia Mundi
Le parcours de ce musicien français n’en finit pas de (me) passionner. Dernièrement auteur du très beau ‘Kali Sultana’ qui tissait un récit entre l’Asie et la Méditerranée au contact de médiums gitans, Titi Robin se pose ce coup-ci au Pakistan. Il travaille avec Faiz Ali Faiz chanteur de tradition qawwali à laquelle appartenait également Nusrat Fateh Ali Khan. On est en présence de virtuoses (guitare flamenca, bouzouk pour Titi, chant éclatant et mystique pour Faiz) qui vont au-delà du dialogue entre deux répertoires : dans leur recherche de compositions communes, ils ont dépassé chacun leur cadre habituel. Si la musique qawwali et la poésie soufie reste la donne fondamentale du disque, on est envoûté par le bouzouk dont les consonances et les rythmes gitans illuminent les vocalises de Faiz : tantôt dans la sobriété (‘Chambe Di Booti’), tantôt avec éclat (‘Ya Ali’). Celui-ci par exemple prend le temps de se construire, les musiciens et les choeurs prennent le temps de s’écouter et s’épaulent pour mieux repartir dans une cadence toujours plus soutenue, jusqu’à ce que la voix de Faiz relance son propre chant plus haut encore, comme éclaboussé par la ferveur et la sincérité des autres. Rythmes, voix, harmonium, accordéon, clarinettes, guitares, tablas, basse, c’est tout un orchestre qui s’embrase assoiffé de partages et d’échanges dans une dignité et une estime profonde. Un très grand moment de rencontre musicale, de rencontre humaine qui s’apparente sans doute si pas à un élan mystique, au moins à un aboutissement ultime pour les deux musiciens. (jd)
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Galactic
‘Ya-Ka-May’
ANTI/PIAS
Comme pour venir confirmer cette idée de rap « sample free » dont Blacrok (alias Black Keys & co) a fait une très belle démonstration le mois dernier, Galactic fait le pari d’un hip hop principalement organique. Le groupe n’en est pas à son coup d’essai, en témoigne le très bon ‘From The Corner To The Bock’ des funksters de New Orleans sorti en 2007. Ce titre exprime bien la mutation qui se poursuit sur ‘Ya-Ka-May’, et de quelle façon ! Désireux de mettre leur ville et son bouillonnement musical à l’honneur, Galactic réussit l’exploit de mettre dans un album bousculant et viril, toute la disparité de New Orleans. Ils démontrent que tous les rejetons de la ville sont inextricablement liés : jazz, brass band, funk, rock et finalement ce « bounce » qui est cette forme de rap typique de la Big Easy. De toute cette diversité, découle un sens du fun et de la joie très communicatif et provoque un album diablement réussi. Les invités (du Rebirth Brass Band à Irma Thomas et Allen Toussaint) y sont pour beaucoup mais il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit quand même du huitième album d’un groupe dont l’ADN s’est fondu dans toutes les disciplines, du funk des Meters au hip hop de The Roots et Jurassic 5 qu’ils ont accompagné à de nombreuses reprises. C’est vous dire un peu le niveau des gars et que les amateurs du style seront plus que conquis. (jd)
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Angélique Kidjo
‘Oyo’
Proper Records/Naïve
Auteur, compositrice, interprète et danseuse, Angélique Kidjo a toujours su ouvrir ses horizons musicaux africains au reste du monde: que ce soit en allant puiser dans ses racines béninoises (l’album ‘Fifa’), dans les rythmes afro latino (‘Black Ivory Soul’, ‘Oyaya’) et plus récemment dans la musique pop avec ‘Djin Djin’ composé de quelques reprises et de nombreux featurings. Ce dernier n’était peut-être pas le plus intéressant pourtant Angélique poursuit sur cette voie avec ‘Oyo’ qui alternent des reprises (plus pertinentes que sur ‘Djin’) et des compositions exquises de simplicité. Pour ne citer que celles-là, on a droit à un phénoménal ‘Move On Up’ de Curtis Mayfield avec des tambours on ne peut plus africains qui font débouler un rythme à fond les balais sur des superbes harmonies afro, soit une sorte de house qui a une vraie chair… congruent et méchamment efficace ! Idem pour le ‘Cold Sweat’ et les autres reprises soul (‘I Got Dreams To Remember’) qui font ici un incroyable retour aux sources. Les autres titres sont plus calmes, parfois avec juste une guitare comme ce charmant ‘Lakutsni Langa’ berceuse témoignant de son admiration pour Miriam Makeba. Sans doute moins super production que son prédécesseur, ‘Oyo’ se distingue par son ton très personnel, en partie grâce à des musiques qui remontent, dit-elle, à sa jeunesse. Que celles-ci soient traditionnelles ou occidentales, elles sont magnifiées par le talent de cette chanteuse à nouveau très inspirée. (jd)
PierPolJak
‘Légendaire Sérénade’
Universal
Un ami malicieux et bienveillant avait pour habitude de me surnommer PierPol, en référence à mon prénom et au reggaeman ( ?) français. À part sa chanson éponyme au goût de harangue envappée et quelques images de sa tox attitude lors d’une remise de prix, je ne connaissais pas grand chose de PPJ et ne pensais pas avoir beaucoup de points communs avec ce vieux cool. Et pourtant nos chemins se sont bel et bien rapprochés récemment : il a arrêté les pétards (pour « garder les idées claires », on ne saurait le contredire) et il écrit des chansons aussi chiantes à écouter que mes chroniques le sont à lire. Son nouvel album ne fait pas exception (à l’exception de ‘Smith And Weson’, mais une exception d’exception, ça se résume à quoi ?). Mais si vous aimez Wally Warning chroniqué le mois dernier, vous allez adorer cet album. Ceci dit, ne vous étonnez pas de finir dans même pas dix ans à Nights of the Proms avec Yannick Noah, PPJ et Mylèèène. Ben quoi, y a bien eu Simple Minds et Gloria Gaynor à cette mascarade. D’ailleurs j’avais oublié de vous dire le mois dernier, si vous aimez la gratte acoustique un peu plus roots, checkez du côté d’Haïti, c’est à la mode en ce moment et achetez Carlton Rara ‘Peyi Blue’. Brother can you spare a dime ? (jd)