Une fois les repères temporels calcinés, le froid vient geler une intrigue qui s’installe lentement : l’homme et le petit doivent s’infiltrer dans les décombres des villes qu’ils pointent sur une carte, pour manger et survivre. Leurs orientations sont cruciales. C’est bien l’unique but qu’ils poursuivent car ils n'ont nulle part où aller. Un bateau renversé symbolise leur captivité. Ils ne doivent pas se faire repérer car les êtres humains ont muté en cannibales puants et barbares qui séquestrent leurs prisonniers (les humains restants). L’Autre incarne le danger ambiant sur lequel repose la progression de l’histoire. Les péripéties sont rythmées par un retour au tarmac, à La route, le terme revenant comme une ritournelle spleenétique. La décomposition physique et morale des deux êtres accompagne l’inévitable agonie terrestre.
Le succès du film de John Hillcoat nous donne à nouveau l'occasion d'emprunter La route. Il s'agit d'une nouvelle adaptation d'un livre de McCarthy puisque No country for old men avait déjà été porté à l'écran par les frères Coen, pour le meilleur ! McCarthy partage également avec les frères Coen un certain attrait pour la peinture enneigée, ténébreuse et glaciale d’un monde déshumanisé, réduit à la barbarie (Fargo).
Cormac McCarthy nous fait ainsi ressentir la souffrance de ces deux êtres, qui les ronge jusque dans leur sommeil. Leur lutte pour l'existence est pourtant plus insoutenable qu’un abominable cauchemar. Sans concession, son écriture atypique est diablement attachante. La Route c’est un peu la commotion suscitée par la description du cadavre du mythique Dahlia noir d’Ellroy à chaque page. Vertigineux.
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