Sur fond de campagne publicitaire menée par R. Bachelot contre la dépression, nous avons une sorte de grimace conceptuelle, celle de l’INRS et de X. Bertrand. Le suicide serait du au stress ! Dernière nouvelle !
On nous l’avait déjà faite, mais à chaque fois je suis surpris !
Même pas drôle !
De toute façon la propagande de l’INPES ne l’est pas non plus !
L’INRS, un noble institut de recherche de l’état, vient de sortir son rapport sur la question du suicide en lien avec le travail.
Ce rapport de l’INRS sort au moment opportun. C’est-à-dire quand il s’agit pour le gouvernement de se dédouaner des suicides au travail en nommant Philippe Nasse et Patrick Légeron rapporteurs sur « les risques psychosociaux dans l’entreprise », en vue de la conférence sociale entre patronat et syndicats sur la souffrance au travail.
Pour ceux qui ne comprennent pas ce que cela veut dire comme moi, car on ne nous a pas appris à parler le langage de Xavier Bertrand, ce n’était pas ma langue optionnelle au lycée, rassurez-vous ! Rien d’essentiel ne sera dit dans ce rapport de l’INRS, ni au cours des journées de prévention de 2008. Car la question du stress est totalement hors sujet !
Le stress, c’est une façon de ne pas aborder les questions qui fâchent.
Je suis tout de même assez frappé par le style totalement lénifiant de ce texte de l’INRS.
Il y a pourtant un fait brut et massif quoi : le suicide au travail existe ! Il est là !
Mais, on ne sait rien sur la question, aucune étude épidémiologique digne de ce nom n’existe, en effet. Pourtant, cela n’empêche pas l’INRS de proclamer ses certitudes. Et quelles sont-elles ?
« L’hypersécrétion des glucocorticoïdes » !!!!!
J’en tombe sur les fesses !
Alors, si on sécrète un peu trop de ce truc, on se suicide ? Ah bon ! Et vous le sortez d’où ce truc ? D’une étude épidémiologique sérieuse certainement ?
L’INRS ne retient qu’une seule orientation scientifique. Cette approche sélective est remarquable. Mais il ne serait beau de perdre son temps qu’à la façon de Noam Chomski. Pour étudier la manière dont l’INRS fabrique un mythe sur le suicide au travail.
Car l’approche de l’INRS est très articulée :
1- le travail est stressant
2- le stress déclenche la dépression
3- la dépression conduit au suicide
4- donc, la cause de ces suicides au travail, c’est le stress !
Encore un désespérant syllogisme !
Cette idéologie permet à l’INRS de dire tranquillement que :
- le suicide au travail ne serait pas nouveau
- le suicide serait « indépendant de la situation socioprofessionnelle » (sic !)
Il serait donc inutile de se questionner sur cette drôle d’action qu’est le travail. Surtout, n’allez pas penser que le travail serait cause de suicide….
Le but du jeu, on l’avait compris depuis longtemps, est de raccrocher le suicide au stress, ce fond de commerce conceptuel des comportementalistes comme Légeron, pour justifier leur intervention dans les entreprises. Ce n’est certainement pas d’éclairer notre lanterne sur la question du suicide.
Car l’INRS emploie les (très) grosses ficelles. Il vous faut des « thérapeutes adaptés ». Il vous faut « évaluer le niveau de stress de l’entreprise ». Nous sommes « les seuls » à avoir une démarche « efficace ». Voilà les recommandations de l’INRS.
Pour moi, il y en a assez de ces simplifications, celles qui cachent les vraies questions. Puisque le suicide au travail serait « l’absence de marge de manœuvre » (selon l’INRS) pourquoi ne pas étudier les conditions de la liberté au travail. Qui les fixe ? Qui s’y soumet ? Pourquoi s’y soumet-il ? Pourquoi les sujets ne parviennent-ils jamais à s’en affranchir ?