Il y a deux ans, le Tchad était ravagé par une guerre civile. Lors de ces deux jours de combats, Amnesty international affirme que trois opposants ont été exécutés à N’djamena le 6 février. Très présent au Tchad, le gouvernement français n’a pas réagi à cette annonce et continue de soutenir le président tchadien, Idriss Deby. Que fait exactement la France au Tchad ? Éléments de réponse.
Cet article a été publié pour la première fois le 13/02/2008
Les événements sanglants, qui se sont déroulés, début février, au Tchad entre rebelles et gouvernement tchadien, ont montré aux yeux du monde entier les relations parfois douteuses entre la France et certains Etats d’Afrique francophones, la "Françafrique". Tout commence en 1976 lorsque le gouvernement tchadien, craignant une invasion libyenne, a signé avec la France une coopération militaire technique fondée sur la formation, le renseignement et la logistique.
Cet accord stipule que la France ne doit pas intervenir dans le cadre d’un conflit tchado-tchadien. Pourtant, en 1990, elle a aidé l’actuel président tchadien Idriss Deby a renversé Hissein Habré (aujourd’hui exilé au Sénégal) en fournissant des renseignements militaires aux rebelles.
Une fois arrivé au pouvoir en décembre 1990, Idriss Deby a promis aux tchadiens une vraie démocratie fondée sur le respect des droits élémentaires et le multipartisme. Il a mis en place un gouvernement de transition de façade chargé d’organiser des élections soi-disant libres et transparentes. Ce n’est qu’en 1996 que les premières élections furent organisées.
Le 13 avril 2006, l’armée française intervient en bombardant les rebelles
Au lendemain du premier tour, la presse a intercepté à l’aéroport de N’djamena, capitale tchadienne, des caisses contenant des bulletins de vote pour le second tour en provenance de la France à l’effigie de Deby et de Kamougué. Or, les résultats émis par la commission électorale ne peuvent être publiés que deux semaines après les élections faute d’infrastructure. On peut donc se demander dans quelle mesure la France est intervenue dans ces élections.
Après avoir remporté les élections de 1996, grâce au support de la France, Idriss Deby modifie la constitution tchadienne afin de pouvoir briguer le poste de Président autant de fois qu’il le souhaite. D'immenses manifestations pacifiques furent organisées par l’opposition politique et furent sévèrement réprimées par le gouvernement, faisant plusieurs morts parmi les manifestants. Bizarrement, ces répressions sont passées sous silence en occident. Il a finalement été réélu, si l’on peut dire, en 2001.
Face à la répression, une partie des opposants décide de prendre les armes. Une première tentative de renversement a conduit les rebelles aux portes de la capitale en avril 2006. Pour sauver le gouvernement en place, l’armée française est intervenue le 13 avril 2006 en bombardant les rebelles qui s’apprêtaient à rentrer dans N’djamena. Le 1er février 2008, la France a chassé des rebelles, pour la plupart des anciens collaborateurs de Deby, sans qu’aucun mandat ne lui permette une telle intervention.
Silence français après l’exécution de trois chefs de l’opposition tchadienne
La France, pays des « droits de l’homme » a décidé de maintenir au pouvoir un des dictateurs les plus farouches et le plus sanguinaire de notre temps. A l’heure actuelle, il détient en prison tous les opposants politiques. Quatre soldats sont venus arrêter Lol Mahamat Choua à son domicile. Battu à coups de crosse, l’ex-président de la République en 1979, a été emmené de force assure Mahamat Allahou Taher, porte-parole du parti de M. Choua. Au total, trois opposants se trouvent en détention dans un lieu inconnu.
En dix-sept années de pouvoir, Idriss Deby a endeuillé plus de 40 000 familles. De nombreux opposants qui ont accepté de déposer les armes et de rentrer au pays, Ketté Moïse, Abbas Koti, Bichara Digui, Laoukein Bardé pour ne citer qu’eux, ont été éliminés physiquement sur ordre de Deby. Au cours des événements du début février, il a exécuté de sa propre main plusieurs haut-gradés de l’armée tchadienne soupçonnés d’être en connivence avec les rebelles. De son côté, Amnesty international affirme qu’au moins trois hommes auraient été exécutés le 6 février.
A l'heure actuelle, le Tchad est le lieu d’une véritable chasse à l'homme. Elle vise les ethnies des chefs rebelles en particulier les Goranes. Des Tchadiens affirment repêcher du fleuve jouxtant la capitale de nombreux corps sans tête. Des journalistes tchadiens indépendants sont eux aussi victimes de représailles. Face à ce mouvement, de nombreux Tchadiens cherchent désormais à fuir vers l’étranger, notamment le Cameroun et le Nigeria.
Mais que fait donc la France ? Rien, elle se contente de jouer les gros bras en période de crise. Le cas du Tchad n’est malheureusement pas une exception. La France maintient en place d’autres fausses démocraties : au Gabon, Omar Bongo est président depuis 42 ans, au Togo, la famille Eyadema est au pouvoir depuis 40 ans, au Congo, Déni Sassou est chef du gouvernement depuis 36 ans et au Cameroun, Paul Biya est en place depuis 26 ans. Pire encore, en échange de leur maintien, la France n’exige même pas des avancées démocratiques. Bienvenue en "Françafrique", là où les droits de l’homme sont mis en place par des rois.