Je sais, vous allez me dire, c'est pas nouveau, j'ai l'indignation tardive. Mais je m'en moque. Je tente juste d'y voir plus clair. J'essaie de comprendre. Donc, dans le cas qui nous occupe, le gilet jaune sur le siège de droite, c'est double action. Ça réfléchit et ça fait réfléchir. Accessoirement, ça peut sauver une vie. Mais ça, on s'en tape. C'est surtout un message en polyester qui se voit de loin. C'est un avertissement anti-embrouille au format XL. C'est au cas où les flics les arrêteraient pour vérifier qu'ils l'ont bien avec eux, la brassière à Lagerfeld. Ça évite aux pandores de trop penser, ce qui n'est jamais bon. Ils voient du jaune à gauche (évidemment, eux, ils le voit à l'envers...), et ça crée immédiatement un stimulus dans le cortex cérébelleux.
- Çui là, chef, il est pas net. Il a une tête à ne pas avoir son permis.
- Vous êtes sûr de votre coup, brigadier ?
- Affirmatif, mon lieutenant. Il a une tête à dissimuler. C'est du mesquin, du faux-cul, et je m'y connais. C'est de la graine de terroriste, faites-moi confiance. Ça commence sans permis et ça se croit tout permis. Ça vole un œuf et après ça viole un bœuf.
Alors qu'avec le permis collé sur le pare-brise, paf ! Pris de court, les perdreaux. Mais même si la probabilité de se faire agrafer au jugé est infinitésimale, on n'arrive pas à les décourager, ces maniaques du gilet. Déjà, c'est un peu crétin de coller le gilet à la place du mort. C'est d'un cynique achevé. Le gars qui pose ses fesses sur ce siège doit les serrer à l'avance. Surtout si le conducteur en rajoute. «Vas-y Bruno, t'as le choix : tu prends le siège de droite ou la banquette arrière. La place du mort ou celle des deux grands brûlés. A ton idée, comme tu le sens, t'es libre. Mais tu mets bien ta ceinture et le gilet jaune. Parce que je ne veux pas que tu le caches en t'asseyant dessus. Sinon, ça sert à quoi que je le laisse ici du 1er janvier au 31 décembre ? La sécurité, tu t'assoies dessus aussi ? Non, moi, je ne veux pas d'emmerdes avec les poulets.»