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Equipe de France : une équipe et un ouvreur.

Publié le 14 février 2010 par Lben

Battre l’Irlande 30 à 10 est un exploit qu’aucune autre équipe n’a pu réaliser depuis bien longtemps ( l’Angleterre en 2008 ) et il faut tirer un coup de chapeau à l’équipe de France pour l’avoir fait. Et si le score est aussi lourd, il faut féliciter les joueurs tricolores autant pour leur capacité à défendre que pour leur efficacité à marquer quand les occasions se sont présentées. 2 essais en 1ère mi-temps en 5 minutes alors que les Irlandais ont passé quasiment un quart d’heure à 14 ( carton jaune de Healy + blessure de Kearney sur l’action qui précède l’essai de Jauzion ), c’est d’autant bien joué que les Irlandais ne se remettront jamais d’une telle domination au score. 17 à 3 à la mi-temps, le plus dur était fait, et ce d’autant plus que la défense française a toujours pris le pas sur les capacités d’attaque irlandaises ( à l’exception de l’essai de Wallace ). Mais plus encore que ce déroulé de la rencontre, il y a 2 enseignements très forts à ressortir de ce match.

Un véritable esprit d’équipe :

Une défense conquérante n’existe que grâce à la solidarité et à l’esprit d’équipe qui lie les joueurs entre eux et fait que chaque maillon n’agit qu’en fonction des autres. Ainsi si un maillon lâche, percée de D’Arcy en début de match, les autres se resserrent immédiatement pour compenser et reprendre le contrôle de la situation. C’est ce qui s’est passé tout au long du match et plus particulièrement pendant le premier quart d’heure et c’est ce qui a, ainsi, permis de n’encaisser aucun point pendant quasiment les 30 premières minutes. C’est d’abord là que les français ont remporté la rencontre, les attaques Irlandaises étant incapables de trouver les failles dans notre système défensif. A ce sujet, il faut dire que les Irlandais sont allés trop souvent chercher l’extérieur et n’ont pas su charger au coeur des regroupements pour fixer nos avants avant, éventuellement, de donner moins de ballons mais uniquement les meilleurs aux trois-quarts. Du coup, nos avants ont pu moins se consommer dans le combat au près et ils ont pu couvrir un terrain énorme à l’image des Ouedraogo, Dusautoir et Harinordoquy, c’est normal, c’est leur boulot, et des Nallet, Pape, Servat et Domingo, c’était impressionnant dans leur capacité à couvrir toutes les parties du terrain. Du coup, les avants français ont aussi eu la capacité à ralentir les ballons dans les regroupements, au moins suffisamment pour donner les quelques secondes de répit nécessaires à la ligne défensive pour se replacer, ce qui n’a jamais permis aux attaques vertes de garder l’avantage initial sur la défense bleu. Les trois-quarts n’ont pas été en reste, avec notamment une charnière qui n’a pas eu peur de plaquer plus que de mesure.

Ce qui est intéressant dans cette victoire et la manière collective dont elle a été réalisée, c’est que ce n’est pas la première fois que cela arrive et que c’est surtout en train de devenir une marque de fabrique de l’équipe façonnée par Marc Lièvremont. La victoire contre le Pays de Galles, tournoi 2009, celle en Nouvelle-Zélande, juin 2009 et celle contre l’Afrique du Sud à Toulouse en novembre dernier prouvent que cette force collective fait maintenant parti du code génétique de cette équipe. C’est d’autant plus important que quand tout n’est pas parfait, comme la conquête hier, l’équipe de France garde une fondation solide qui lui permet de battre les meilleures équipes…

Un ouvreur qui monte en puissance : François Trinh-Duc.

François Trinh-Duc n’est pas encore le patron de la ligne de trois-quart française comme un ouvreur international doit l’être mais c’est normal. Il n’a que 23 ans, ne joue en équipe de France que depuis 2 ans et ne peut se considérer comme un titulaire en puissance que depuis 2 ans seulement. Il a encore une marge de progression énorme mais ce qu’il a montré face à l’Irlande est plus qu’intéressant car il a délivré une copie beaucoup plus équilibrée en termes de choix de jeu et d’animation offensive que précédemment. Il a su alterner coup de pied offensifs, chandelles et diagonales, avec les longues sautées dont il a le secret et qui font généralement mouches, essai de Poitrenaud par exemple. Il a aussi pu être un recours pour dégager son camp et faire souffler son équipe. Son engagement physique et sa capacité à défendre ont hier été sans faible, mais ça on le savait déjà. Il a délivré ce 13 février sa meilleure copie, peut être pas sa plus brillante ( certainement la victoire en Nouvelle-Zélande en juin 2009 ) mais définitivement celle qui ressemble le plus à un ouvreur de métier autant que de classe qui sait faire les bons choix au moment où ceux-ci s’imposent. Si l’équipe de France a été aussi réaliste, si Yannick Jauzion s’est retrouvé dans un espace laissé libre par la défense Irlandaise, si Earls, repositionné arrière, a passé une mauvaise soirée, si Mathieu Bastareaud a eu la possibilité de jouer un 1 contre 1 et d’offrir l’essai à Clément Poitrenaud et si quasiment aucun Irlandais n’a réussi à nous transpercer au niveau de notre charnière,… sont autant de preuves de l’efficacité de François Trinh-Duc dans ce match.

Cette performance contre l’Irlande doit servir à l’ouvreur Montpelliérain pour se construire en tant que joueur et surtout capitaine de jeu. Il doit maintenant prendre confiance dans sa capacité à commander la ligne de trois-quart de l’équipe de France et à être l’ordonnateur parfait relais des stratégies mises en place dans la semaine avec les entraîneurs. C’est de cette manière qu’il pourra passer un cap, qu’il sera capable d’influer sur le jeu de l’équipe même lorsque les choses vont moins bien et surtout les avants ne sont pas aussi dominateurs. Cette démarche est importante et ce même si ce n’est pas obligatoirement dans sa nature d’être un leader, quelqu’un qui accepte le poids des responsabilités. En décidant de jouer demi d’ouverture, François Trinh-Duc a fait le choix de devenir plus qu’un joueur, un décideur. A lui de l’accepter et surtout de le concrétiser…

Ce qui a moins bien marché : conquête et complémentarité.

Il est surprenant que l’équipe de France ait battu l’Irlande en étant dominé en touche et pas aussi dominatrice que cela en mêlée. En effet, la clé de ce match semblait résider dans la capacité des joueurs français a être performant dans les phases de conquête mais ils ont prouvé qu’il y avait d’autres façons de conquérir la montagne Irlandaise. Tant mieux mais il est finalement un peu décevant de voir que notre touche a souffert la comparaison face à ce bel adversaire. Avec des joueurs de la qualité individuelle  d’Harinaordoquy ( et Bonnaire ), Ouedraogo ainsi que Papé et Nallet et des lanceurs comme Servat et Szarzewski, les français auraient du trouver plus rapidement des solutions. Une évidente viendra le jour où Marc Lièvremont pourra aligner une seconde ligne idéalement complémentaire avec un joueur très grand par la taille qui soulagera Harrinordoquy ( ou Bonnaire ) comme tour de contrôle.

La mêlée française a donné l’impression de dominer sa rivale. Ca a été partiellement vrai lorsque les Irlandais se sont retrouvés à 7 mais, même à ce moment-là, la domination des français ne s’est pas traduite directement par un essai. On a même connu le pire lors du retour de Mas, blessure de Marconnet, mais on peut penser que le pilier Catalan a été surpris de devoir revenir sur le terrain et qu’il n’était pas, à ce moment-là, près. La preuve en a été la revanche prise sur la mêlée qui a suivi. Il ne faut donc surtout pas critiquer ce qui a été encensé la semaine précédente et seulement constater que la mêlée Irlandaise est devenu plus performante à force de travail, sa 1ère rencontre contre l’Italie l’avait déjà laissé penser.

Même si aujourd’hui tout semble beau, il ne faut pas totalement occulter les problèmes de complémentarité en prévision d’objectifs plus élevés comme la Coupe du Monde. Il est d’ailleurs bizarre de penser que cette équipe construite par la force des choses, absences de joueurs cadres, pourrait se retrouver à disputer le Grand Chelem en mars et s’offrir la meilleure perfromance de l’ère Lièvremont sans justement des joueurs qui semblent indispensables pour l’encadrement français. Cela est certainement la preuve de la richesse du réservoir national mais ne résoud pas tous les problèmes dans la perspective d’une stratégie en vue de la Coupe du Monde. Certaines associations ne donnent pas toutes les garanties de complémentarités et ce malgré une aussi belle victoire. Je pense à la charnière, au centre, en deuxièmes ligne et un peu moins en 3ième ligne où Ouedraogo et Dusautoir ont, lors du match de l’Irlande, fait taire certaines de mes craintes.

Morgan Parra et François Trinh-Duc ont individuellement rendu de belles copies mais leur association réduit, malheureusement, la panoplie idéale d’une charnière bonne en distribution, c’est le cas, mais aussi forte en pénétration, et c’est là où le bas blesse. Si l’on veut, par exemple, que des opportunités d’attaque s’ouvre autour de la zone du 10, il faut pouvoir fixer la 3ième ligne adverse par la crainte, notamment, de départ au ras d’un demi de mêlée puissant. Pour ce Tournoi, la question est, dès à présent résolue, et c’est tant mieux pour Morgan Parra et François Trinh-Duc qui ont ainsi du temps pour se construire individuellement et collectivement au plus haut niveau mais j’ai peur que la question de quelle charnière pour l’équipe de France reste récurrente jusqu’à la Coupe du Monde. Je n’insiste pas sur la 2nde ligne ( voir plus haut ) ni même sur les centres car il faut aussi savourer l’instant présent et se satisfaire d’une 2ième victoire qui ouvre de belles perspectives pour la suite de ce Tournoi…


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