Il faisait un froid comme rarement on en a connu au Stade de France pour une rencontre du Tournoi. Mais les acteurs du match ont fait en sorte de réchauffer les mains, les voix et les coeurs des supporters. Alors qu'on craignait que l'Irlande ne poursuive sa série victorieuse (12 matchs sans défaite), les joueurs du XV de France ont fait en sorte de l'interrompre avec la manière. Malgré quinze premières minutes au cours desquelles les Irlandais ont mis la main sur le ballon, puis , par épisode, sur quelques temps faibles, les bleus ont parfaitement maîtrisé leur sujet.
On a en effet pu constater que le fond de jeu de l'Eire n'effrayait pas la défense de fer dressée par Thierry Dusautoir et ses coéquipiers. La tactique des verts était bien celle attendue : du jeu dans la largeur puis du pick and go pour essayer ensuite de franchir par le centre. Mais les véléités offensives des hommes de Declan Kidney ont le plus souvent été mises à la raison. Le jeu au pied de Ronan O'Gara n'a pas pesé autant qu'on le craignait sur l'arrière-garde tricolore. Et ce malgré la sortie anticipée d'Alexis Palisson, après un tacle de football de Jerry Flannery qui valu à son auteur une simple réprimande, et l'entrée en jeu de Julien Malzieu beaucoup moins à l'aise pour dégager son camp au pied.
A cet égard, les ailiers de l'équipe de France semblent touchés par une malédiction : Vincent Clerc, à deux doigts de marquer en seconde période, a du sortir pour une vilaine entorse à la cheville, obligeant David Marty à occuper l'aile droite de l'équipe de France.
Au plan des satisfactions, on mettra en avant la performance remarquable de Morgan Parra, cornac du tonnerre d'un pack très à l'aise en mêlée et bien organisé sur les rucks. On citera également François Trinh-Duc, auteur d'une prestation très honorable. Qu'on ne lui reproche pas de n'avoir pas trouvé suffisamment les touches : quand on voit (ce fut le gros point noir côté Français) le nombre de ballons perdus par l'alignement tricolore, on se dit qu'il valait mieux conserver l'ovale dans le champ de jeu.
On a senti les trois quarts plus à l'aise que la semaine précédente, se trouvant mieu et parvenant à trouver des angles de passes et de course leur permettant de franchir. On aurait malgré tout aimé voir davantage de soutiens lors de quelques percées plein champ mal terminées. Mathieu Bastareaud a de nouveau réussi à convaincre qu'il méritait sa sélection. Devant, malgré les carences en touche, on a sans doute trouvé quelques raisons d'espérer : Thomas Domingo a fait couiner son adversaire direct en mêlée et a apporté son allant dans le jeu. Nicolas Mas et William Servat ont été à leur avantage, Imanol Harinordoquy a de nouveau été impérial et Lionel Nallet parait hausser son niveau de jeu à chaque sortie.
Dans le camp d'en face, BOD est peut-être GOD, mais il ne peut à lui seul renverser les situations. Même Gordon d'Arcy a été muselé, à l'exception d'un petit exploit personnel qui aurait pu aller à dame au quart d'heure de jeu et changer la physionomie du match.
On notera la piêtre performance de Keith Earls, dont le jeu fut à la hauteur des propos qu'il avait tenus avant la rencontre : pitoyable.
Au final, sans avoir véritablement montré ses limites et malgré des carences encore bien visibles, le XV de France a proprement remporté son match. C'est un soulagement, avouons-le, et c'est aussi le signe que cette équipe a du fond. Et peut-être de l'avenir.
Espérons qu'elle ne nous refera pas le coup de l'an passé, où elle avait sombré à Twickenham après avoir terrassé le dragon Gallois au Stade de France. Cette fois, il faudra montrer d'aussi belles dispositions pour l'emporter et, seulement après, se mettre à rêver au grand chelem.