L’exposition nous offre une double mise en perspective de la quarantaine d’oeuvres d’El Greco exposées: celle de leur création et celle de leur redécouverte. La première, celle du contexte historique de l’époque du peintre, retrace son parcours, si européen. Né et formé à Crète, après un long séjour à Venise et à Rome, il s’installe à Tolède en 1577, à la tête d’un grand atelier. Il devient un des peintres les plus reconnus dans l’Espagne de l’époque et il est considéré comme le fondateur de l’Ecole espagnole.
Dans ses toiles exécutées dans un style maniériste, transparaît, dès le premier regard, l’influence de Tintoretto: les éclats de couleur froides, les corps allongés aux attitudes irréalistes, et les compositions dramatiques… El Greco va au bout de cette logique expressive au cours de sa période tolédane. Son art devient alors la représentation visuelle la plus intense du profond sentiment mystique qui anime l’Espagne de Ste Thérèse d’ Avila (1515-1582) et de St. Jean de la Croix ( 1542- 1591).
Ses portraits suiv
Néanmoins, El Greco se trouve en décalage avec la nouvelle tendance artistique introduite par Caravage qui prône le réalisme dans la peinture. A la mort d’El Greco en 1614, son oeuvre sombre ainsi dans l’oubli et l’incomprehension pour trois siècles.
Sa redécouverte en Espagne se fait vers 1890-1900, une période historique d’effeversence intellectuelle unique. C’est l’époque à laquelle l’Espagne, perdant ses dernières colonies, se rend soudainement compte qu’elle n’était plus ce qu’elle avait été. Les intellectuels questionnent le passé afin de définir les racines de “l’hispanité”, re-évaluent l’héritage culturel et revitalisent la vie culturelle.
Je ne peux pas évoquer cette période sans penser à la fameuse génération 1898 dont les figures emblématiques sont le philosophe Miguel de Unamuno y Jugo, l’écrivain Ramon del Valle Inclan, le poète Antonio Machado y Ruíz, l’essayiste Azorin, le romancier Pío Baroja y Nessi et le dramaturge et critique Jacinto Beavente y Martinez.
Mais revenons à la redécouverte d’El Greco, racontée par l’exposition. Ses artisans sont deux personnages emblematiques du panorama culturel espagnol de l’époque: Manuel Bartolomé Cossío (historien d’art et auteur de la première monographie scientifique sur El Greco en 1908), le marquis de la Vega Inclán (collectionneur, marchand d’art et créateur, en 1910, du Musée El Greco à Tolède d’où provient une partie des toiles exposés). Les deux amis contactent le photographe Mariano Moreno pour établir un catalogue de photos de toutes les oeuvres du peintre.
Leur démarche trouve écho dans l’univers artistique et culturel de l’époque: les peintres modernes clament leur filiation avec El Greco (Picasso, Matisse et Pollock), on le considère comme le précurseur de l’expressionisme allemand et le cubisme. L’exposition de ses toiles provoque des chocs électriques et de nombreuses opinions controversées. J’espère que cette exposition ne vous laissera pas indifférents (es).
El Greco Domenikos Theotokopoulos 1900 Jusqu’au 09.05.2010 Palais des Beaux-Arts, Bruxelles